Cinéma, mon amour ! '' Z '' UN POIGNANT RÉQUISITOIRE CONTRE LA DICTATURE

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Dans z, Costa-Gavras a opéré une combinaison bien réussie entre le film d’auteur à thèse et idées, exprimant une opinion politique forte, et le film spectaculaire à suspense soutenu jusqu’au dénouement final, le tout agrémenté d’agréables touches d’humour arrachant les rires des spectateurs et fonctionnant comme des moments de détente.

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« “Z” n'est pas un film sur la situation politique de la Grèce à la fin des années soixante, mais, à travers le cas d'un opposant exécuté sur ordre du pouvoir, une analyse du mécanisme qui permet à un Etat se disant «démocratique» de manipuler la police et la justice. Une situation qui pourrait se reproduire partout ». Costa-Gavras.

Anatomie d’un assassinat politique sous un régime fasciste, “Z“ (1969) est le premier volet de la fameuse trilogie politique de Costa-Gavras, comprenant également “L’aveu“ (1970) et “Etat de siège“ (1973). Récompensé par deux prix à Cannes 1969, le Prix Spécial du Jury et le Prix d’interprétation masculine pour Jean-louis Trintignant, deux Oscars en 1970, Oscar du meilleur film étranger et Oscar du meilleur montage pour Françoise Bonnot, et aussi le Golden Globe du meilleur film étranger, “Z“ a surtout eu un énorme succès à sa sortie en France en février 1969, totalisant près de quatre millions de spectateurs et occupant la 4ème place des films sortis en 1969, et aux Etats-Unis, totalisant plus de 21 millions de spectatteurs et rapportant plus de 21 millions de dollars.

Ce film, comme l’a affirmé Costa-Gavras lui-même, « n'est pas un film sur la situation politique de la Grèce à la fin des années soixante, mais, à travers le cas d'un opposant exécuté sur ordre du pouvoir, une analyse du mécanisme qui permet à un Etat se disant «démocratique» de manipuler la police et la justice. Une situation qui pourrait se reproduire partout ». C’est un réquisitoire contre la dictature en général et celle de la Grèce des colonels fascistes, instaurée par un Coup d’Etat le 21 avril 1967, en particulier. Ayant échoué à trouver le financement nécessaire au tournage du film, c’est Jacques Perrin qui en avait pris le risque et la responsabilité en créant sa propre boîte de production.

Adapté du roman de Vassilis Vassilikos basé sur un fait réel, l'assassinat du député progressiste Grigoris Lambrakis en 1963 à Thessalonique, organisé par des éléments de la police et de la gendarmerie et camouflé en accident. Si le nom du pays n'est pas expressément avancé, des références évidentes à la Grèce apparaissent tout au long. En plus, au début du film, l’auteur annonce bien la couleur : « Toute ressemblance avec des événements réels, des personnes mortes ou vivantes, n'est pas le fait du hasard. Elle est volontaire ».

L’histoire du film peut être résumée ainsi :  le député Z, dirigeant un mouvement d'opposition pacifiste, gêne le régime en place en dénonçant ses impostures et actions anti-démocratiques. On décide alors de le liquider, maquillant cet assassinat prémédité en accident. Mais un juge d'instruction honnête et intègre, quoique n’ayant aucune sympathie pour la victime et son parti, mène une enquête minutieuse qui finit par dénoncer un réseau de complicités mené par de hauts responsables du régime. Le jugement a été finalement bien clément et les protestations de l’opposition, soutenues par une large solidarité populaire, ont conduit au Coup d’Etat du 21 avril 1967 qui a instauré la dictature militaire des colonels.

Il est bien à signaler que le juge d'instruction Christos Sartzetakis, incarcéré par la dictature des colonels comme annoncé par le générique fin du film, a été réhabilité en 1974 avant d’être élu Président de la République de Grèce en 1985.

ENTRE FILM À OPINION ET FILM À SPECTACLE

Dans ce film, Costa-Gavras a opéré une combinaison bien réussie entre le film d’auteur à thèse et idées, exprimant une opinion politique forte, et le film spectaculaire à suspense soutenu jusqu’au dénouement final, le tout agrémenté d’agréables touches d’humour arrachant les rires des spectateurs et fonctionnant comme des moments de détente. Les opérations de purge politique, la manipulation de l’opinion publique et les intimidations sont bien mises en évidence par une réalisation basée sur une construction narrative et dramatique intense qui tient le spectateur en haleine jusqu’à la fin.

Cette intense construction thématique est enrichie par un habillage esthétique haut en couleurs. D’abord, la musique de Mikis Theodorakis est sublime et d’une rare intensité, qui contribue fortement à accentuer l’intensité dramatique de l’histoire. Ensuite, la direction des comédiens complète le tableau par un jeu convaincant et attirant des acteurs qui campent des personnages évoluant dans un naturel qui coule de source, la prestation de Jean-Louis Trintignant étant bien exemplaire à tout point de vue.

ENTRE FILM POLITIQUE ET THRILLER

Dans ce film, Costa-Gavras a bien réussi une autre combinaison, on peut même dire un autre tour de force. Ce film politique a aussi, fait bien rare, une construction de thriller, avec tous les ingrédients du polar classique. La forme narrative du thriller, avec son suspense et son intensité dramatique soutenue, enrichit le film et rendent son intrigue plus attachante.

Si pour une écrasante majorité de critiques et cinéphiles, à travers le monde, ce film est un exemple parfait d’un équilibre réussi entre le cinéma à thème et idées et le cinéma à suspense et spectacle, je n’ai personnellement jamais compris la position négative à l’encontre du film et son réalisateur, lors de sa sortie, prise par des médias cinéphiles comme Les Cahiers du Cinéma et Positif ! Mais bon ! Au cinéma comme ailleurs, l’histoire est ainsi faite, elle garde bien ses côtés obscurs et indéchiffrables !

FILMOGRAPHIE SÉLECTIVE DE COSTA-GAVRAS

« Un homme de trop » (1967) ; « Z » (1969) ; « L’aveu » (1970) ; « Etat de siège » (1973) ; « Section spéciale » (1975) ; « Clair de femme » (1979) ; « Missing » (1982) ; « Hanna K. » (1983) ; « Conseil de famille » (1986) ; « La main droite du diable » (1988) ; « La Petite Apocalypse » (1993) ; « Mad City » (1997) ; « Amen » (2002) ; « Le couperet » (2005) ; « Eden à l’Ouest » (2009) ; « Le Capital » (2012) ; « Adults in the Room » (2019).

DRISS CHOUIKA

 

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