''Cinéma, mon amour'' de Driss Chouika: ''SUR LA ROUTE DE MADISON'', UNE INTENSE PROFONDEUR HUMAINE

5437685854_d630fceaff_b-

Si Sur la Route de Madison n’a réussi à glaner aucune des prestigieuses récompenses internationales, plusieurs nominations ont reconnu sa grande valeur cinématographique dont celle de l’Oscar de la meilleure actrice, du Golden Globes du meilleur film dramatique, du César du meilleur film étranger ainsi que l’Award of the Japanese Academy, entre autres

1
Partager :

 

« Somme toute, je considère à présent que le film est, dans sa catégorie, mieux réussi que le livre, dans sa catégorie, en ayant pourtant puisé l'essentiel de lui. Selon moi, la différence a trait à l'esthétique : le film, via les images très soignées (cadrages, lumières, etc.), son rythme doux, apaisant (sauf dans les moments intenses), atteint un haut degré de raffinement esthétique, proche du lyrisme ». Nastasia B. 

Clint Eastwood est certainement l’un des plus énigmatiques et inclassables parmi les réalisateurs les plus en vue dans l’histoire du cinéma jusqu’à présent. Acteur vedette des westerns américains, il devient pendant des années l’une des stars les plus en vue des westerns spaghetti à l’italienne, avant d’enfiler la double casquette en passant derrière la caméra, tout en continuant sa carrière de comédien. Comédien comme réalisateur, il est difficile à classer au vu du large éventail des genres qu’il a pratiqué. Ni “réalisateur-auteur“, selon l’acceptation classique du terme, ni “comédien-intellectuel-engagé“, également selon l’acceptation conventionnelle des termes, il a pu réaliser des films qui ont eu un franc succès auprès des critiques, des cinéphiles et du grand public en général. Et l’exemple type de ces films, certainement sa plus belle réussite, est ce petit bijou de film-romance qu’est “En route pour Madison“ (1995).

Adaptation du roman éponyme de Robert James Waller, best-seller publié en 1992 et dont Steven Spielberg avait fait acheter les droits par sa société Amblin Entertainment, la réalisation du film a été finalement confiée à Clint Eastwood qui avait choisi Meryl Streep pour camper le rôle féminin principal de Francesca Jonhson, campant lui-même le premier rôle masculin de Robert Kincaid. Le film, qui avait nécessité un budget de 22 millions de dollars, avait fini par rapporter à ses producteurs plus de 182 millions de dollars.

Si le film n’a réussi à glaner aucune des prestigieuses récompenses internationales, plusieurs nominations ont reconnu sa grande valeur cinématographique dont celle de l’Oscar de la meilleure actrice, du Golden Globes du meilleur film dramatique, du César du meilleur film étranger ainsi que l’Award of the Japanese Academy, entre autres. Mais sa plus grande récompense aura été, et sans conteste, son indéniable succès auprès d’un large public à travers le monde, séduit surtout par l’époustouflante prestation d’une Meryl Streep au sommet de son art, hissant une fermière anodine, pudique et soumise, au rang d’une grande femme sensible, sensuelle, d’une grande ouverture d’esprit que la passion de l’amour transforme et épanouit totalement. A tel point qu’elle n’arrive pas elle-même à se reconnaître. La justesse et la profondeur humaine du jeu des comédiens sont tellement convaincantes que le spectateur finit, tout naturellement, par comprendre et pardonner le comportement de Francesca, assimilé dans l’acceptation générale convenue à une “trahison“ du lien sacré du mariage.

L’histoire du film est une romance qui peut être résumée ainsi : La vie de Francesca Jonhson, fermière discrète et effacée, se limite aux tâches ménagères de la maison familiale. Alors que son mari et ses deux enfants adolescents sont partis pour quatre jours, elle fait la rencontre fortuite de Robert Kincaid, photographe du magazine National Geographic de passage dans la région. Leur rapport, basé sur un respect mutuel, se transforme rapidement en un amour passionné. Pendant quatre jours, Francesca devient une autre femme, ressentant un épanouissement personnel total auprès de cet homme qui a su la comprendre et la faire rêver, voire vivre une nouvelle vie d’une saisissante beauté.

Mais cette simplicité cache une profondeur intellectuelle et humaine bien rare dans les films du genre.

MADISON : LE PONT SYMBOLIQUE DE L’AMOUR

La narration est faite à partir du point de vue de Francesca qui lègue à ses deux enfants ses affaires personnels contenant, entre autres, un journal intime avec un testament demandant de l’incinérer et répandre ses cendres au-dessus du Pont de Madison : ultime preuve de son respect et sa fidélité à un amour, fortuit et passager mais intense et éternel, ayant appris que Robert, décédé avant elle, avait laissé le même testament et ses cendres avaient été effectivement répandues sur le Pont de Madison. Si les enfants de Francesca avaient été bien secoués et révoltés par le comportement imprévu de leur mère, ils ont fini par la comprendre et exaucer son dernier vœu. C’est ainsi que ce pont est devenu le symbole de l’amour de Francesca et Robert, aussi intense et humainement profond qu’impossible et irréel dans ce monde.

Le tour de force de Clint Eastwood est sa réalisation, dans la plus pure tradition classique du genre, mais soignée avec une précision chirurgicale : des cadrages d’une grande finesse, des éclairages d’un naturel rendant l’ambiance plus vraie que nature, et puis cette intensité humaine incroyable que dégage le jeu subtile des comédiens, ont contribué à faire de ce film l’une des plus belles réussites dans le genre.

Et si le Pont de Madison est devenu le symbole de l’impossible amour de Francesca et Robert, le mérite revient à la finesse esthétique et à la profondeur humaine de la réalisation de Clint Eastwood, enrichie par la finesse et la justesse de ton du formidable et inégalable jeu des comédiens.

FILMOGRAPHIE SÉLECTIVE DE CLINT EASTWOOD

« Un frisson dans la nuit » (1971) ; « L’homme des hautes plaines » (1973) ; « La sanction » (1975) ; « Bronco Billy » (1980) ; « Bird » (1988) ; « La relève » (1990) ; « Un monde parfait » (1993) ; « Sur la route de Madison » (1995) ; « Jugé coupable » (1999) ; « Piano Blues » (2001) ; « Mystic River » (2003) ; « Million Dollar Baby » (2004) ; « Lettres d’Iwo Jima » (2006) ; « Gran Torino » (2008) ; « Au-delà » (2010) ; « Jersey Boys » (2014) ; « American Sniper » (2015) ; « Sally » (2016) ; « La mule » (2018) ; « Impossible Odds » (2019) ; « Le cas Richard Jewell » (2020) ; « Cry Macho » (2021). 

lire aussi