Le livre scolaire ravive une polémique vieille de plusieurs siècles et s’attaque à la philosophie

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Il présente la philosophie comme « une production de la pensée humaine contraire à l’islam », « l’essence de la dégénérescence »...

Le manuel scolaire de l’éducation islamique (première du bac) ramène sur la philosophie au 12ème siècle lorsque le grand philosophe et théologien Ibn Rochd fut condamné pour hérésie et réduit au silence ainsi que sa pensée jusqu’à sa redécouverte par le mouvement arabe d’Annahda (renaissance) du 19ème siècle. Dans les années soixante-dix du 20ème siècle la philosophie a été persécutée dans le campus marocain par les islamistes et fut accusée aussi par le pouvoir de porteuse de la pensée marxiste et athée. Elle fut ensuite réduite au profit de la pensée islamique. Dans le livre scolaire on peut lire entre autres que la philosophie est une « une production de la pensée humaine contraire à l’islam » et  « l’essence de la dégénérescence ».     

Mais les professeur(e)s de philosophie n’entendent pas se laisser faire et ont décidé d’organiser des sit-in les 21, 22 et 23 décembre 2016 afin de protester contre le contenu d’un chapitre jugé « diffamatoire » envers leur matière dans le manuel d’éducation islamique de la première année du baccalauréat « Al Manar de l’éducation islamique. »

En effet, le chapitre « Philosophie et foi » dudit manuel, présente la philosophie comme « une production de la pensée humaine contraire à l’islam », « l’essence de la dégénérescence. C’est une matière de confusion et d’égarement qui est motivée par la perversion et le blasphème. Celui qui se livre à la philosophie se détourne de la bonté des grands aspects de la charî’a, qui sont corroborés par des preuves. » Ces passages injurieux, en plus d’être dangereux, estiment les professeurs, confirme les craintes qu’ils avaient, à savoir la méconnaissance pure et simple des pratiques philosophiques, sans parler du mépris envers la matière.

Si les professeur(e)s de philosophie veulent pouvoir former l’esprit critique des élèves, mettre la pensée au centre des préoccupations éducatives, elles et ils doivent pouvoir organiser des débats en classe, sans risquer d’être sanctionné(e)s sur la seule base de dénonciations formulées.

M.A.L.I. (Mouvement Alternatif pour les Libertés Individuelles) se joint au mouvement et s’accorde sur la légitimité et la nécessité de la matière qu’est la philosophie, matière d’enseignement, d’apprentissage, matière de questionnement et de réflexion sur le monde et l’existence humaine. Les élèves ont besoin d’être mieux armé(e)s intellectuellement pour comprendre les nouvelles questions que soulèvent la société d’information, les enjeux des progrès scientifiques et techniques, les valeurs humaines universelles. 

Pour que ces valeurs ne se réduisent pas à des expressions usées ou à des slogans, il y a à déterminer les conditions d’un droit à la philosophie, un droit ne pouvant être lié aux aléas d’une éducation subjective. Ce «droit » peut s’appuyer désormais sur la Convention relative aux droits de l’enfant, qui garantit à celui-ci « le droit d’exprimer librement son opinion sur toute question l’intéressant » (art. 12), et « la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontières » (art. 13).

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