Les Ksours de Tafilalet, un patrimoine singulier en voie de disparition Les ksours et kasbahs sont parmi les éléments les plus importants du patrimoi

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Les ksours et kasbahs sont parmi les éléments les plus importants du patrimoine culturel du Tafilalet, région qui se caractérise par ce mode d'habitat collectif fortifié. La kasbah se distingue du ksar par le fait d’appartenir à une seule personne ou famille.

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Errachidia - Les ksours, Ighrem en Amazigh, sont des ensembles d'habitations fortifiés situés en milieu rural, dans les oasis des oueds de Ziz, Ghris, Dades et Drâa. Ils portent d’autres noms comme "Lagsira", diminutif de Ksar.

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Le cachet architectural et le mode d'habitat collectif du ksar se retrouvent dans les us et coutumes de ses habitants, ainsi que dans les relations sociales pour incarner souvent les valeurs du travail collectif et coopératif

Les ksours de Tafilalet sont parmi les plus anciens de ces oasis. Héritage de l’ancienne cité historique Sijilmasa, disparu peu avant l’avènement de la dynastie des Saadiens, leur nombre dépasse les trois-cent-soixanre dans la seule commune de Rissani. Et on retrouve bien d’autres dans le reste des communes de la province d’Errachidia.

L'oasis de Tafilalet s'étend dans les contreforts sud-est du Royaume sur une large zone géographique estimée à 200 Km, partant de la source de l'Oued Ziz, à Jbel Ayachi, jusqu’à Rissani, en passant par Errachidia et Erfoud.

Les ksours et kasbahs sont parmi les éléments les plus importants du patrimoine culturel du Tafilalet, région qui se caractérise par ce mode d'habitat collectif fortifié. La kasbah se distingue du ksar par le fait d’appartenir à une seule personne ou famille.

Les particularités architecturales du ksar filali s’illustrent notamment par la présence de quatre murs-remparts, de tours et d'un accès unique qui s'ouvrait le matin et se fermait la nuit pour protéger ses habitants des dangers extérieurs. Une structure et un mode de vie qui reflètent les valeurs de solidarité nécessaire pour la vie dans un environnement pas toujours sécure, de coopération, d’entraide et de coexistence qui protègent ces espaces de vie marquée par l’étroite proximité évacue du quotidien les conséquences sociales de la promiscuité permanente.

Le cachet architectural et le mode d'habitat collectif du ksar se retrouvent dans les us et coutumes de ses habitants, ainsi que dans les relations sociales pour incarner souvent les valeurs du travail collectif et coopératif dans presque toutes les activités quotidiennes.

Mohamed Amrani Alaoui, professeur d’histoire et de civilisation à la Faculté Polydisciplinaire d’Errachidia précise, que ce modèle résidentiel se reflète sur les relations entre les habitants du ksar, à travers des coutumes associées au rituel de "Tawiza", par exemple, qui est un travail collectif basé sur la solidarité et le volontariat, auquel tout le monde, à l’âge de la majorité participe au service de la communauté,.

La "Tawiza" est pratiquée à tour de rôle, durant les saisons de récolte des dattes et des olives, des cultures abondantes dans la région.

Cette tradition s’étend, explique M. Amarani Alaoui à tous les aspects de la vie au jour el jour. Lorsqu'un des habitants du ksar perd l’un de ses proches, les autres résidents viennent en aide à la famille du défunt lors des funérailles, prennent en charge les besoins du quotidien tout en lui apportant le soutien moral nécessaire. Les fêtes de mariage, de circoncision ou de baptême s’inscrivent à leur tour dans la tradition de "Tawiza" dans les ksours de Tafilalet.

Un autre phénomène, celui de "Nssaf", répandu dans les ksours de Rissani, d’une portée morale plus que financière, consiste en une amende par tout contrevenant aux coutumes locales, que ce soit le chef de famille, les enfants, voire la famille toute entière, si l’infraction commise est collective.

Les ksours incarnent des relations fortes entre ses habitants qui se manifestent également dans le nettoyage collectif des plafonds et des canaux d'évacuation des eaux pluviales. Cette tâche est effectuée collectivement à la fin de l'automne et au début de l'hiver.

Said Karimi, professeur de théâtre et de culture anthropologique à la même Faculté Polydisciplinaire d’Errachidia, rappelle que les ksours des communes d’El Khang et de Chorfa M’daghra, dans la province d’Errachdia, étaient des lieux de coexistence et de tolérance religieuse entre musulmans et juifs.

Ces juifs vivaient autrefois, dans les ksours de Mouchqalla, d’Asrir et Bni Moussi, côte à côte avec les musulmans, car la région n’ayant pas connu, elle, le phénomène du Mellah, quartier exclusivement des juifs dans certaines villes marocaines où ils vivaient séparés des musulmans.

Cette interpénétration sociale, raconte M. Karimi certains aspects particuliers apparait également dans la présence des juifs aux côtés des musulmans dans certains rituels collectifs, comme la circoncision, les baptêmes ou encore les funérailles.

Certains ksours de Tafilalet sont encore habités et sont toujours rythmés par ces valeurs, coutumes et traditions. Cependant, la plupart des ksours de la région ont été abandonnés par les habitants pour des appartements modernes.

La migration des populations fait aujourd’hui des anciens ksours des vestiges et des ruines entrainant dans leur sillage la disparition des valeurs qu’ils incarnaient et à terme, si rien n’est fait pour sauvegarder ces témoins de l’histoire, les condamne à intégrer les récits sur les modes de vie disparus .

 

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