Y-a-t-il un financier au Ministère des Finances ?

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Une entreprise qui réalise un bénéfice annuel de 300.000,00 MAD va payer un IS de 30.000,00 MAD, et une entreprise qui réalise un bénéfice annuel de 300.001,00 MAD va payer un IS de 60.000,00 MAD

Il fut un temps où le Ministère des Finances était un modèle pour ce qui est de la qualité des études, de la précision des textes de lois et des circulaires. Il était une référence pour les autres administrations publiques. Mais ça c’était avant, comme dit la pub ! C’est avec tristesse et surprise que j’ai parcouru la note circulaire n° 726, distribuée à grande échelle aux entreprises, aux cabinets comptables et à tous ceux qui s’intéressent de près ou de loin au système fiscal marocain.

Pour ne pas être trop long, je vais me limiter à deux exemples, un exemple de fond et un exemple de forme, et je commence par la forme. Au-delà des fautes de frappe, somme toute pardonnables, comment peut-on tolérer que dans une note qui est censée expliquer le calcul des impôts aux entreprises et aux comptables, des erreurs de calcul et de taux puissent passer à travers tous les filtres de contrôle ? Un exemple : La note 726 explique que pour l’Impôt sur les sociétés, il y a quatre taux 10% pour un bénéfice inférieur à 300.000,00 ; 20% pour les bénéfices entre 300.000,00 et 1 million ; 30% pour les bénéfices entre 1 et 5 millions et 31% pour les bénéfices supérieurs à 5 millions de dirhams. Pour expliquer aux cancres, la note donne un exemple à la page 5, sauf que le taux donné dans l’exemple est faux, et donc le calcul de l’IS est faux ! Dans cet exemple on suppose un bénéfice de 500.000,00 MAD et on lui applique un taux de 30% alors que la loi spécifie que c’est 20% ; et donc l’IS doit être de 100.000,00 MAD et non pas 150.000,00 MAD ! Mais là n’est pas le gros du problème, la véritable absurdité se trouve dans l’application de ces taux de manière proportionnelle en lieu et place de la progressivité. Comment une telle aberration peut-elle passer inaperçue dans tous les systèmes de contrôle ? Explication : la loi propose d’appliquer les taux susmentionnés sans prendre en considération la progressivité. La conséquence est la suivante : une entreprise qui réalise un bénéfice annuel de 300.000,00 MAD va payer un IS de 30.000,00 MAD, et une entreprise qui réalise un bénéfice annuel de 300.001,00 MAD va payer un IS de 60.000,00 MAD. Cela signifie que la seconde entreprise a payé 30.000,00 MAD d’IS en plus parce qu’elle a réalisé un dirham au-dessus de la barre de 300.000,00 MAD ! La même aberration peut être observée sur les autres tranches. La progressivité a été justement inventée pour traiter les contribuables de manière juste. La progressivité signifie que les taux sont appliqués pour les tranches de bénéfice pour toutes les entreprises, autrement celles qui se trouvent immédiatement au-dessus de la limite supérieure d’une tranche seront lourdement et injustement pénalisées ! L’entreprise qui réalise un bénéfice d’un millions de dirhams paiera 200.000,00 MAD, mais celle qui réalise 1 million et un dirham paiera 300.000,00 MAD ! En fait, notre fiscalité regorge d’aberrations et d’incongruités. Un dernier exemple pour la route : une entreprise qui réalise des pertes doit quand même payer une contribution minimale pour l’IS de 0.5% du chiffre d’affaires, ce qui signifie qu’au lieu d’aider une entreprise en difficulté (ou de la contrôler en cas de doutes sur la véracité de ses comptes), l’Etat l’enfonce encore plus dans le rouge ! Et plus le chiffre d’affaire est grand, c’est-à-dire plus l’entreprise est grande, plus la poussée vers le fonds est forte ! Quelle logique et quelle rationalité se cachent derrière de telles décisions fiscales ? Comment les expliquer aux contribuables ? A chacun d’en tirer les conclusions.

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