Afrique du Sud en campagne électorale : Le calme qui précède la tempête

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Il semble clair que l’Afrique du Sud est au cœur d’un processus de transition politique, loin de la domination de l’ANC sur la grande majorité de la vie publique

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Par Hamid AQERROUT  (Bureau de MAP à Johannesburg)

Johannesburg- Une certaine atonie et un curieux manque d’énergie marquent le début de la campagne électorale de certains des principaux partis politiques sud-africains en vue des élections générales du 29 mai courant.

Et pourtant, avant que les partis ne commencent à faire campagne, on supposait que ces élections seraient probablement plus décisives que n’importe quelle élection depuis l’aube de la démocratie en 1994, notamment en raison du déclin du Congrès National Africain (ANC au pouvoir) et de la possibilité de formation d’un gouvernement de coalition nationale, pour la première fois en 30 ans.

Ces dernières semaines, les yeux des observateurs et des analystes sont rivés sur le parti au pouvoir qui, jusqu’à présent, semble incapable de lancer correctement sa campagne électorale comme il se doit en pareille occasion. C’est que les trente dernières années ont été tellement dominées par l’ANC que presque tous les débats politiques ont eu lieu au sein du parti. Néanmoins, les sondages électoraux prédisent que le Congrès national africain pourrait ne pas obtenir plus de 50 % des voix pour la première fois depuis trois décennies au pouvoir, ce qui l’obligerait à nouer des alliances avec d’autres partis pour demeurer au pouvoir.

Faiblesse de la campagne électorale de l’ANC au pouvoir

Un laxisme électoral que même le chef de l’Etat et président de l’ANC, Cyril Ramaphosa, semble avoir admis lors d’une conversation avec le Comité exécutif national du parti (NEC), qui a été enregistrée puis a fuité dans des médias. Dans cet enregistrement, il a critiqué les membres de la plus haute instance décisionnelle du parti pour ne pas avoir fait leur part.

Il existe de nombreuses preuves publiques de cela, dans la mesure où dans de nombreuses zones urbaines, il semble que d’autres partis aient plus d’affiches que l’ANC, comme l’a d’ailleurs déclaré le chef des élections de l’ANC, Mdumiseni Ntuli, qui a reconnu avoir commandé leurs affiches trop tard. Cela pourrait bien être un signe de l’essoufflement continue du parti de Nelson Mandela et sa perte d’influence sur la vie politique dans le pays.

Même son de cloche pour l’ancien Président Thabo Mbeki, qui a souligné les faiblesses de la campagne électorale du parti au pouvoir. L’ANC ne parvenait pas à relever les défis auxquels sont actuellement confrontés les citoyens, a-t-il regretté.

"Dans la campagne du parti, nous devons relever les défis que pose le peuple et prendre des engagements face à ces défis, des engagements que nous sommes déterminés à remplir et pas seulement faire des promesses", a-t-il soutenu.

Sur le terrain, les partis tentent, tant bien que mal, de mener des actions de campagne inhabituelles, tant à travers le porte-à-porte que via les réseaux sociaux. Certains ont laissé la population sous le charme en recourant à des campagnes désespérées pour séduire les électeurs. Qu’il s’agisse d’aider à laver les vêtements à la main, à conduire des minibus aux couleurs du parti, à tresser les cheveux, à aller chercher de l’eau dans des seaux et à nettoyer des jardins, les bénévoles de partis politiques font un effort supplémentaire dans leur quête d’arracher des votes.

Faire du porte-à-porte dans les townships et les zones rurales est depuis longtemps un pilier de la politique sud-africaine, mais cette année, alors que la compétition pour le pouvoir atteint son apogée, les bénévoles des formations politiques sont obligés d’être imaginatifs et de faire plus que simplement distribuer des T-shirts et des brochures en échange de voix.

L’Afrique du Sud à la croisée des chemins

Il semble donc clair que l’Afrique du Sud est au cœur d’un processus de transition politique, loin de la domination de l’ANC sur la grande majorité de la vie publique. Il se peut, cependant, que les dirigeants politiques des partis ne soient pas certains de la direction que prendront les électeurs. Souvent, ils ne savent pas exactement ce qui va se passer et ce que semblent vouloir des électeurs de plus en plus désabusés par les tenants du pouvoir.

De plus, les souvenirs des élections précédentes se rapporteront probablement aux derniers jours de la campagne électorale, lorsque les partis font le plus fort pour séduire des électeurs encore confus et indécis.

D’aucuns s’accordent donc à faire constater qu’à quelques semaines de ce rendez-vous électoral crucial, les Sud-africains ne savent pas du tout à quoi ressemblerait la période post-ANC. Il est pourtant clair que l’Afrique du Sud est au milieu de la fin d’une époque et de l’émergence d’une nouvelle autre pleine de suspicions, de surprises et d’interrogations.