Que se passe-t-il à Jerada ?

5437685854_d630fceaff_b-

1603
Partager :

Vendredi dernier, deux frères de 23 et 27 ans sont décédés à Jerada en faisant des prélèvements dans les galeries d’une mine de charbon. Que s’est-il passé exactement ? Récit

Il y avait un troisième homme avec les deux frères décédés et c’est lui qui raconte comment la corde qui retenait un sceau rempli de blocs d’anthracite lui a échappé des mains. Ayant entendu le cri des deux frères dans la fosse, il a donné l’alerte et des mineurs qui travaillaient aux alentours ont accouru dans l’espoir de les sauver de l’éboulement. Malheureusement, malgré de vaines tentatives, les deux mineurs sont décédés dans la fosse et leurs corps ont été retrouvés le samedi soir.

Jadouane et Hassan Bourazza, les deux frères décédés, étaient les pères d’enfants en bas âge. En colère, la foule, qui a sorti les deux corps, a refusé l’aide des pouvoirs publics et scandé des slogans faisant part de leur frustration et leur sentiment d’abandon.

Il est à rappeler que la région a récemment connu des tensions entre les autorités et la population suite à la surfacturation de l’eau et de l’électricité. Des confrontations ont d’ailleurs eu lieu et se sont soldées par l’arrestation de quatre jeunes de la ville. Ce drame survient donc à un moment où les esprits sont encore échauffés et vient raviver les tensions à Jerada.

D’ailleurs, dimanche dernier, la ville entière a participé à une marche pacifique qui a conduit les manifestants jusqu’aux abords du siège de la province. Hier également (lundi 25 décembre), une grève générale avait été décrétée, fermant ainsi tous les commerces. Dans la même journée, les défunts ont été inhumés, accompagnés par un impressionnant cortège.

De son côté, Said Zeroual, un responsable local de l’Association Marocaine des Droits de l’Homme (AMDH) a dénoncé les « conditions de vie difficiles » des habitants de Jerada. « La ville n’a pas de ressources, il n’y a pas d’emplois, pas d’usines. Les gens vivent dans la précarité », a-t-il déclaré.

Pour rappel, la ville de Jerada a longtemps abrité une importante mine de charbon où travaillaient quelque 9000 ouvriers avant sa fermeture dans les années 1990. Depuis la fermeture de cette mine, la population a le sentiment d’être abandonné. Elle dénonce « l’injustice » et la « marginalisation » dont elle est victime.  

Par ailleurs, le chef de gouvernement, Saad Eddine El Othmani, qui a été interpellé à la Chambre des conseillers sur ce drame survenu à Jerada, a déclaré : « je suis disposé à recevoir les parlementaires de la région de l’Oriental pour discuter de ce drame qui a coûté la vie à des citoyens ». Il a également ajouté : « comme cela a été le cas pour le drame de Sidi Boulaâlam, le procureur général du roi suit l’affaire et l’enquête aidera à déterminer les responsabilités ».  

Pouvons-nous parler d’un début de Hirak dans cette région ? La réponse est probablement, non. Après la manifestation du dimanche, le calme est revenu dans la ville. Il est donc prématuré de parler d’un mouvement aussi important que celui d’Al Hoceima. Toutefois, cet évènement est un avertissement pour les autorités. La situation des habitants de la région de Jerada devra être prise en compte, autrement, un nouveau mouvement de contestation pourrait voir le jour.

 

lire aussi