Pas plus Hakimi que Walid ne sont seuls responsables – Par Naïm Kamal

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L'entraîneur du Maroc Walid Regragui (g), le défenseur du Maroc #6 Romain Saiss (C) et le défenseur du Maroc #5 Nayef Aguerd (D) après la défaite lors du match de football des huitièmes de finale de la Coupe d'Afrique des Nations (CAN) 2024 entre le Maroc et l'Afrique du Sud au Stade Laurent Pokou à San Pedro, le 30 janvier 2024. (Photo SIA KAMBOU / AFP)

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Par Naïm Kamal

Face aux Bafana Bafana, un penalty, un seul, aurait pu, sans que l’on en soit sûrs, changer la face de la Coupe d’Afrique des Nations, gâcher la joie de certains Algériens et combler de bonheur l’ensemble des Marocains. Et les commentaires auraient été autres.

L’un des meilleurs, Achraf Hakimi, l’a manqué. Est-ce vraiment de sa faute ou de celle du sélectionneur qui l’a laissé assumer un exercice dans lequel il n’excelle apparemment pas ?

Hakimi n’est ni le premier ni le dernier à entrer dans les annales du football pour un tel ratage. Des légendes comme Pelé et Diego Maradona, Messi et Cristiano Ronaldo, ont manqué un penalty lors de matchs importants. Des grands, à l’image de Michel Platini, Roberto Baggio ou encore David Beckham sont marqués pour le restant de leur vie par des échecs similaires.

Quelques instants après avoir acté l’élimination face à l’Afrique du Sud, le sélectionneur national, Walid Regragui, stoïque, déclarait avoir « échoué », assurant que la défaite était son « échec, pas celui des joueurs ». Ça l’honore d’ainsi assumer seul la responsabilité, mais rien n’est moins vrai. Nous sommes tous responsables, autant que nous sommes.

Une forme d’ivresse collective générée par l’exploit historique au Qatar d’avoir atteint la demi-finale d’une coupe du monde, s’était emparée de nous. Elle nous a fait oublier que le statut de super favori n’est jamais facile à porter et à défendre. D’autres nous ont précédés dans cette mésaventure.

Nous avons surtout oublié que le ballon rond est par nature capricieux, comme il l’a été en huitièmes de finale avec l'Espagne et en quart de finale avec le Portugal face au Maroc, respectivement à Al Rayyan et à Doha. Dans notre extase, nous avons érigé des humains en Héraclès, et on en a fait des demi-dieux. Nous avons commencé à voir en Walid Regragui l’homme providentiel, oubliant que c’est juste la providence qui l’a placé là au bon endroit au bon moment. Et en Fouzi Lekjaa, couteau suisse multifonctions, on a trouvé le faiseur de miracles. Dans nos adorations, pas toujours désintéressées, nous avons flirté avec les limites de la sacralisation, et dans l’exaltation, légitime, la presse a perdu ses distances et son sens critique. Le résultat, on le connait.

Aujourd’hui, il faut surtout éviter de tomber dans le travers inverse et avec l’eau du bain, jeter le bébé. Humains en définitive, comment leur reprocher d’avoir été sensibles aux éloges, aux loges et à la lumière au point de succomber au désordre qu’on a parfois vu en Côte d’Ivoire, notamment contre le Congo démocratique, alors qu’en vérité on voulait si bien faire qu’on a même, signe des temps, habillé d’uniformes les journalistes qui s’y sont prêtés de bon cœur. 

Il est tentant de se consoler en se disant : ce n’est après tout qu’un match de foot. Ce n’est pas vrai. C’est bien plus que ça. Les performances sportives ne sont pas étrangères aux performances sociales, culturelles et économiques. Elles en sont souvent le reflet, et bien plus : des outils politiques et les agents du soft power d’un pays. Et nos réalisations, dont nombreuses peuvent nous rendre fiers, sont au diapason de ce qui s’est fait au Maroc depuis près d’un quart de siècle, avec ses hauts et ses bas. 

Il ne s’agit donc pas d’effacer d’une élimination ce qui été fait et acquis à longueurs d’années. Mais de se poser sereinement pour évaluer correctement ce qui a été fait et ce qui a été défait et pourquoi. Car des échéances importantes sont devant le Maroc. N’en doutons pas, il les réussira.

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