D?embl?e, on remarque que les trois d?faites ne sont pas les m?mes, la premi?re ?tant synonyme d??chec, de d?gel?e (d?faite en g?n?ral), d?confiture (d?faite ?lectorale), racl?e (d?faite sportive), ruine (d?faite financi?re)?La deuxi?me, nom ?galement, signifie d?bandade, d?route et faillite. La troisi?me ??d?faite??, participe pass? du verbe d?faire, est ? prendre dans le sens de ??vaincue??, ??d?mont?e??, ??d?nou?e?? ou dans le sens litt?raire?: ??d?barrass?e?? de ce qui la g?ne, ??d?livr?e?? des revers qui l?emp?chent de devenir succ?s et triomphe.

Se d?faire d?une d?faite, c?est se d?fausser de sa charge n?gative qui fausse et trompe, et garder sa charge positive qui aiguillonne et pousse ? agir.?C?est se d?barrasser de son aspect nocif et dangereux comme l?abattement et la d?pression, l?amertume et le ressentiment qui d?sarment et enveniment la vie. C?est se d?charger de son c?t? d?bilitant et d?moralisant notamment la dignit? et l?amour-propre bless?s, la d?ception et la frustration ressenties, et retenir son c?t? tonique et vivifiant, qui dynamise et d?sencrasse.

D?gager une d?faite de ce qui l?embarrasse et l?encombre, c?est rendre ses pas alertes et h?ter sa marche vers la r?ussite, en l?occurrence, en lui ?tant son orgueil car?une personne d?faite n?est, en fait, qu?une personne d?chue de son fa?te. On en sait quelque chose, de l?avanie et de l?avilissement d?une personne d?faite, d?o? les ?pith?tes?: ??humiliante?? ou ??cuisante?? d?faite. Terrasser une d?faite, cette ennemie d?clar?e de l?estime de soi, c?est la faire d?chanter en la d?poss?dant de ses pr?tentions. Au lieu de rester tout d?confit devant cet adversaire redoutable, le d?caver en deux coups?: le vider de son ?nergie n?gative et transformer le reste en ?nergie positive, pour se relever, se redresser et recommencer.

Cela commence par l?acceptation de l??chec avant de le r?futer et de le rejeter. Or, ??accepter l?id?e d?une d?faite, c?est ?tre vaincu??, comme dit Mar?chal Foch. Alors,?comment se d?conditionner et se d?programmer?? Comment se lib?rer de ses inhibitions et se d?compenser apr?s l??preuve de l??chec???C?est la question ? laquelle r?pond Nietzsche?: ??deviens ce que tu es??. C?est accepter ses erreurs et avoir la volont? et la patience de les corriger,?c?est s?amender et se bonifier, se transcender et se transfigurer pour aller au-del? de ses limites apparentes, et devenir quelqu?un d?autre, ce soi qu?on a toujours ?t?, ? son insu, qu?on exhume et qui ressuscite le moment venu.?Une fois le terrain d?blay?, une d?faite se mue et se m?tamorphose en r?ussite spectaculaire.

D?nigrer un ?chec, revient ? d?noncer les feuilles mortes de l?automne. Or, le printemps finit toujours par r?tablir le cycle de la floraison, quand la terre est fertile, s?entend,?et un succ?s, digne de ce nom, ne peut d?daigner ses racines, les ?checs d?autrui ou de soi. Comme dirait Romains?: ??un homme d?action n?est pas d?shonor? par une d?faite?? et Hugo d?encha?ner?: ??je suis une force qui va??. De m?me,?sur le long escalier de la r?ussite, il faut autant de marches, d?efforts et de pouss?es que d??checs, de pierres d?achoppement ? d?tourner, voire ? contourner, pour franchir le pas - peut-?tre le dernier - vers la r?ussite.

Encore, faut-il que le d?faitiste veuille se d?faire, se s?parer de son d?faitisme et de tout ce qui l?emp?che de r?ussir, entre autres, la conviction in?branlable qu?il ne vaut rien, qu?il est incapable de r?ussir. Or, on ne perd que si on le d?cide?: perdre, c?est l?cher prise avant de succomber et de sombrer. Un perdant, un capitulard ou un looser a une conduite ind?fendable, aux yeux des autres, due au manque de confiance en lui, persuad? comme il est que ses projets sont vou?s ? l??chec. En fait, c?est un passif qui ne fait que ??subir?? et ??essuyer?? (on comprend mieux les deux expressions)?les d?faites qui le d?font tandis qu?elles font et refont le battant qui les d?fait et r?siste ? leur effet.

Il s?agit de?d?fl?chir un ?chec, de le d?vier et d?en modifier la direction, d?en faire une le?on vers le savoir et le succ?s?puisqu?il est le chemin tout trac? de la r?ussite, la route sacr?e de la correction et de la r?demption, ces terres saintes qui font ressortir le surhumain de l??tre mais dont Voltaire dira?:?? pour la plupart des hommes, se corriger consiste ? changer de d?fauts??. L? encore, le probl?me n?est pas r?solu?: est-on seulement capable d?en changer?? La Fontaine, ce grand fabuliste et moraliste ne manque pas de ?souligner?nos limites : ??Chacun a son d?faut, o? toujours il revient??.

Quoi qu?il en soit, je ne saurais mieux finir que sur les mots de Sartre?: ??je ne suis pas d?faitiste, je constate la d?faite??. En toute lucidit? et loin de tout pessimisme?:?la d?faite, ? l?instar de la destin?e, se fait et se d?fait et partant, elle fait la f?te jusqu?au jour o? on f?te sa d?faite !