La face Dr Jekyll de facebook

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Abderrahmane El Mekraoui, un jeune « désœuvré » de la commune de Shim, qui a dévoilé le scandale du bitume contrefait d’une route de sa commune a été libéré. Une bonne nouvelle qui signifie que de plus en plus la justice qui préfère casser le thermomètre à s’attaquer au mal recule. En règle générale, j’ai horreur de facebook et consorts, espaces qu’on a baptisés réseaux sociaux pour la simple raison qu’elles mettent en relation des gens qui ne se connaissent pas ou qui y noient leur solitude ou encore y crachent leurs aigreurs, y mettent leurs souffrances et y exposent leurs heurs et malheurs. En règle générale encore, même si ce n’est pas mon dada, je n’ai rien contre le principe que des gens qui en éprouvent le besoin utilisent les réseaux pour y trouver soutien, soulagement et réconfort. En revanche ce qui m’horripile ce sont ces cohortes de cagoules sans visages qui y déversent leur bile et règlent leurs compte. J’en parle parce que j’en ai parfois fait les frais sans jamais succomber à la tentation de répondre.

Facebook, un mot que le correcteur automatique persiste à souligner d’un trait rouge parce qu’il ne figure pas dans les dictionnaires étalons de la langue française et parce que moi-même je me refuse à l’ajouter au dictionnaire de mon PC, n’est en rien responsable des petites et grandes lâchetés des gens. Ceux qui l’utilisent à bon escient et préfère à ce Hyde sa face Dr Jekyll en font un formidable outil quand ils y recourent à visage découvert pour exposer une idée, formuler une opinion ou dénoncer une prévarication ou une injustice. Le jeune Abderrahmane El Mekraoui en fait partie. Le désœuvrement menant à tout à condition de ne pas en sortir, il gratte l’asphalte de la route qui conduit à sa commune et ne découvre qu’un amas de gravats. Il comprend vite la malversation, la filme et la met en ligne. Le président de la commune qui crie maintenant courageusement: « ce n’est pas, c’est mon prédécesseur », porte plainte contre lui, la gendarmerie l’arrête, le procureur l’enfonce dans un trou noir, la toile s’enflamme, l’administration centrale s’en mêle puis tout redevient normal.

Sans les réseaux sociaux, l’affaire serait restée locale, un obscure localier s’en serait peut-être fait écho dans une vague page régionale d’un incertain journal national sans attirer l’attention et à ce jour-là, Abderrahmane croupirait encore en prison pour servir d’exemple à tous ceux qui croiraient qu’ils ont des choses à dire sur des choses qui les concernent. Ce n’est pas la première fois que les réseaux sociaux dévoilent des affaires de détournements et de corruption contraignant les autorités supérieures à sévir. Mais la tentation a toujours été plus forte que la loi et mystérieusement attractive. Ce que rappelle l’histoire de Abderrahmane c’est ce réseau opaque de complicité entre un président de commune élu, un juge qui a juré fidélité à la loi et une police judiciaire, ici gendarmerie, qui a fait le serment de la faire respecter. Une sainte alliance, sans doute d’intérêts communs, contre le citoyen qui apprend encore une fois que ses administrateurs – dont juges, gendarmes et policiers ne sont que la face visible – quand ils échappent au contrôle, et ils y échappent souvent, persistent à reproduire les maux qui minent notre société.

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