Les aphorismes de Nouhad : Dans chaque féodalité qui sévit, le serf sert et le seigneur asservit

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Encore faudrait-il savoir se servir, d?un serf qu?on a pu asservir?! Car pour bien assujettir son serf, il ne suffit pas de l?asservir, il faut savoir adroitement s?en servir?!

A-t-on jamais vu un serf qui ne sert pas?ou un seigneur qui n?asservit pas ? Rien de nouveau sous le soleil, il en est ainsi de tous les syst?mes f?odaux, m?me en amour. Parce que la f?odalit? existe aussi, en amour?? Il faut croire que oui?!

Il est loisible -et pas du tout impertinent- de se poser cette question, mais je crains fort que la r?ponse ne puisse satisfaire tout le monde, endurcis et fragilis?s de l?amour confondus, car ne pouvant d?salt?rer certains assoiff?s d?amativit? et de sentiments, ni convaincre certains incr?dules inv?t?r?s, de la n?cessit? de l?amour sans ressentiment.

Comme dans tout f?odalisme, la loi de l?asservissement en amour, stipule qu?il y ait un seigneur et un serf, de l?amouret de l?attachement. Entre suzerain et vassal de l?amour, li?s par l?obligation de foi, existe un accord de bonne conduite et de respect des r?gles, sous peine de rejet et d?exclusion.

Sauf que le serf de l?amour souffre perp?tuellement de cet ignominieux assujettissement et sp?cialement de cette menace de bannissement, puisqu?il l?attend toujours, puisqu?il souffre d?j? de l?absence ou de la carence d?amour, puisqu?il ne fait que vivre au jour le jour, de sa subsistance d?affection et de de sa pitance d?amour.

Alors au lieu de r?clamer tout naturellement son d?, comme on peut s?y attendre d?embl?e, le serf de l?amour se borne ? ?viter le pire, en l?occurrence, la punition de manquer ? ses devoirs de vassalit? et de servitude. Car les seigneurs ou suzerains de l?amour, exerc?s et aguerris, cuirass?s et fortifi?s, sont pr?ts ? s?vir, contre tout acte de forfaiture, de la part de leurs fervents serviteurs.

Et quoi que les seigneurs de l?amour ne puissent jamais se passer des services de leurs serfs, ceux-ci ne peuvent jamais se hasarder ? se passer des s?vices de leurs ma?tres. Voil? l?ordre seigneurial de l?amour, ? jamais ?tabli?!

Dans cet ordre communal et banal, au sens f?odal du terme, tous les abus de pouvoir, en amour, sont permis tandis qu?aucune tol?rance envers les difficult?s vassales n?est admise. Pour peu qu?un ma?tre veuille mettre sous son aile un serf et le couvrir de sa protection, il est s?r de disposer de lui comme il l?entend, au risque de le handicaper psychologiquement et ?motionnellement, de l?atrophier affectivement et effectivement, puisqu?il en fait un v?ritableinfirme de l?amour.

Sur le chapitre de la protection, il y a beaucoup ? dire car le prot?g? n?a qu?une seule envie, c?est de dire ? son pr?sum? protecteur de le prot?ger, avant tout, de lui-m?me, de son inalt?rable ?go?sme et de son incurable absolutisme. Car dans ces amours esclavagistes, les amoureux, les tendres et les affectueux, vassalis?s, paient au prix fort chaque parcelle d?amour mendi?e, chaque tendresse accord?e, en ?change d?un service complet, portant le sceau du profit et de l?exploitation.

C?est un syst?me seigneurial, affectif et sentimental, qui s?affiche sans vergogne partout et qui marche ? tous les temps et ? tous les coups. Le serf de l?amour se sent redevable ? son ma?tre, de l?amour qu?il daigne lui conc?der,et bien qu?il se serve sur la b?te, il le sert, en contrepartie, avec une soumission excessive et aveugle, s?acquittant de toutes ses corv?es, au sens moyen?geux et moderne.

Pas ?tonnant donc qu?on l?ait appel? ??serf??, puisqu?il sert. En fait, il n?existe que pour servir, cela tombe sous le sens. D?o? ce nom dont on l?a fagot?, un nom qu?il porte bien et qui lui va comme un gant?! O? a-t-on vu un serf qui ne sert pas?? En un mot, ce n?est qu?un outil de service, ? la solde de son ma?tre, il lui est certes utile, profitable voire indispensable, mais il n?en demeure pas moins unoutil, un serf ? tout faire.

Dans cette optique, certaines suzerainet?s sont sans appel, entre autres celle des parents ou du mari, o? les serfs de l?amour, enfants ou femmes, sont atteints de servage affectif chronique et, chose ironique, le serf de l?amour peut subir diverses formes de f?odalit?? la fois, et r?unir de multiples formes de servages?: servage des parents, qui ??ont ?lev? et ?duqu頻, servage des enfants, qui???ont ?t? engendr?s sans qu?on leur demande leur avis??, servage du conjoint, avec ses incalculables ??droits conjugaux??, servage de la fratrie et son ?ternel ??droit d?a?nesse??? C?est un concours de servages et une concurrence de servitudes o? les seigneurs rivalisent ? l?envi et se pavanent ? qui mieux mieux !

Ce qui est curieux et cynique n?anmoins, c?est qu?un vassal puisse avoir ? son service, un autre vassal, appel? arri?re-vassal, vavassal ou vavasseur, on n?a que l?embarras du choix, car dans cette mise en ab?me seigneuriale, dans cette hi?rarchie vassalique et servile, la lexicologie n?est pas de reste?: les termes se d?veloppent et les d?pendants de l?amour, de la soci?t?, de l??conomie, de la religion, de l?intellect, des id?es ou autres, se multiplient ainsi que leurs seigneurs qui s?en donnent ? c?ur joie.

On peut aller encore plus loin et parler de ??vavavassal??, pour d?signer le vassal du vassal du vassal, puisque chaque rang de vassalit? est d?sign? par ??va???Ce qui fait de notre homme, un double, triple ou centuple vassal, et donc corv?able ? souhait, selon le rang occup? dans l?ordre de la vassalit?.

Dans ce d?sir aigu de continuer la lign?e serve et dans cette ?pre volont? de puiser dans l?in?puisable legs de la traite ??vavassale ?, l?amour peut se dire en deux classes, l?une seigneuriale et l?autre vassalique?: d?un c?t?, la classe des serfs qui,h?r?ditairement, servent et resservent et de l?autre, celle des seigneurs qui, fatalement, les l?sent et les desservent.

C?est ? crouler sous le poids des f?odalit?s frustrantes et traumatisantes, innombrables et ?ternelles : f?odalit? ? la maison, au boulot, dans la rue, f?odalit? sociale, ethnique, raciale, familiale, interpersonnelle, professionnelle, ?conomique, politique, id?ologique, scientifique, intellectuelle,cultuelle, culturelle, litt?raire, artistique?Tout simplement infecte?!

Mais revenons ? la seigneurie familiale et au couple f?odal, o? l?amour seigneurial gouverne, o? le s?r?nissime seigneur, serre et resserre son ?tau f?odal, non par besoin mais afind?assouvir la soif de son serf de servir, et la sienne, d?asservir.

C?estvalable en g?n?ral pour tous les types d?amour, mais bien plus pour l?amour de la famille.Quand le sultan de l?amour exige contin?ment de son esclave, une dette de l?amour -non d?pourvue d?int?r?ts- avant de lui conc?der ?Ar-r?da??, cela ressemble beaucoup ? de l?exploitation. Et je n?exag?re pas quand je dis esclave, car comme nous l?apprend son ?tymologie, le mot ??servus?? d?signait exactement l?esclavage, au haut Moyen ?ge.

?Ar-r?da?? est cette satisfaction souveraine, cette b?n?diction de l?amour, qui n?est c?d?e au vassal de l?amour qu?apr?s moult exploits, d?mesures, ?preuveset efforts surhumains qui attestent enfin de son statut, non pas d?homme libre, mais seulement d?homme serf, debon serf ou de serf innocent.

Parce que tout serf de l?amour est pr?sum? serf coupable jusqu?? preuve du contraire, son salut qui lui vaudra d??chapper ? la mal?diction des sultans de l?amour, de m?riter d?acc?der au rang des serfs ??mardiyine???et de b?n?ficier ainsi du titre honorifique des???b?nis de l?amour??.

Un b?ni de l?amour est le serf de l?amour qui marche et trotte dans l?amour, dort et se r?veille dans l?amour, tombe et se rel?ve dans l?amour, apprend et d?sapprend dans l?amour, se perd et se retrouve dans l?amour, se rate et s?accomplit dans l?amour, vit et meurt au service de l?amour.

Ceci dit, de petites questions me turlupinent et m?importunent que je me permets de poser ici?: Si le Seigneur des seigneurs ne l?avait pas asservi, le serf aurait-il seulement servi?? Aurait-il divulgu? et propag? autant d?amour et vou? sa vie au service de l?amour, s?il n?avait pas ?t? asservi?? Aurait-il r?ussi ? faire de sa personne, un serf b?ni de l?amour, et de son c?ur, un fief b?ni de l?amour,s?il n?avait ?t? sciemment vassalis? ?

Quoi qu?il en soit, entre l?ardeur de servir et la froideur d?asservir, figurent les fronti?res de l?esclavage et les lisi?res du servage et partant, celles du sevrage.

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