Juifs et Musulmans de France, qui sont les pyromanes - 2/5 : De l’immigré au musulman – Par Driss Ajbali

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Des premières conventions de main-d’œuvre dans les années 1960, jusqu’au début des années 1980, l’immigré maghrébin était dans la marge et dans l’invisibilité. Sur la photo des immigrés marocains des mines de Sallaumines en grève

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Dégage, une injonction effervescente* dans un verre d'eau - Par Driss Ajbali

Dans cette seconde partie la série de 5 articles que consacre Driss Ajbali  aux relations des deux communautés, juive et musulmane, de France, l’auteur démantèle, de manière schématique, l’évolution de l’image de l’immigré, le maghrébin en particulier, dans  l’imaginaire politico-médiatique français.     

Si l’on procède par coupe géologique, on peut distinguer clairement les différentes strates par lesquelles est passé la représentation en France de l’immigré, le musulman tout particulièrement. 

Des premières conventions de main-d’œuvre dans les années 1960, jusqu’au début des années 1980, l’immigré maghrébin était dans la marge et dans l’invisibilité. C’était généralement un homme, un peu patibulaire mais pas trop, ouvrier spécialisé, habitant les foyers Sonacotra, conçus pour résorber les bidonvilles. Personne ne parlait des quartiers et ce jusqu’à la fin des années 1970. Célibataire, l’immigré vivait, avant la loi du regroupement familial, avec l’idée de retour. Il y avait à l’époque une prépondérance des Algériens qui sera soigneusement contournée par le recours aux Marocains et aux Tunisiens. Les Africains et les Turcs viendront plus tard. L’islam, tranquille, il faut l’avouer, était imperceptible tant ceux qui en sont adeptes n’étaient perçus que comme force de travail. Ironie de l’histoire, celui qui bouleversera la question musulmane, sous bonne protection policière et couverture médiatique, l’imam Khomeiny résidait en France, à Neauphle-le-Château dans les Yvelines. Avec un visa touriste.

Lire la première partie :  JUIFS ET MUSULMANS DE FRANCE, QUI SONT LES PYROMANES – 1/5 : LA FIN D’UN CYCLE ET D’UN MYTHE – PAR DRISS AJBALI

Les années 1980 vont démarrer avec l'éruption de la figure du « jeune issu de l’immigration ». Celui-ci, un peu turbulent ne veut surtout pas s’en laisser compter. Bientôt, il fera la marche pour les droits de 1983 dont on fêtera bientôt les quarante ans. Dupe, sa marche sera vaine. Il sera beurisé et fera office de produit d’appel dans un nouveau et inédit marketing pour la lutte anti-raciste. Il sera floué, par la gauche, qui ne tarda pas à envoyer sur le terrain d’autres jeunes, des potes, tous de gauche et surtout juif comme Julien Dray, aujourd’hui chroniqueur chez CNEW. C’était, parait-il, Jacques Attali qui était à la manœuvre dans les bureaux feutrés de l’Élysée. 

C’est exactement à la même période que certains fréristes commencèrent à jeter les bases de l’islam en France. Discrets parce que partisans de la Taqqiya, ils seront disciplinés et efficaces. Ce sont eux qui achèveront la décennie par au moins deux actions d’éclat. En 1989, alors que la France fêtait le bicentenaire de la révolution, les barbus vont sortir du bois avec, en février, une manifestation dans les rues parisiennes, où entendit un appel à mort contre Salman Rushdie. En automne, avec l’affaire du foulard, dite de Creil et qui instrumentalisera trois adolescentes, deux sœurs marocaines et une Tunisienne.

Jusque-là l’immigration était assignée dans plusieurs types de discours : intégrée obsessionnellement dans le langage techno de la politique ville, dans le discours sur les quartiers, sur la banlieue, sur les violences urbaines, sur la délinquance, sur l’émeute, sur le foulard, sur l’école et la laïcité. Chevènement parlera, en 1998, de sauvageons et sur le thème de l’insécurité, Lionel Jospin sera battu, au premier tour des présidentielles 2002, par Jean-Marie Le Pen Personne ne parlait encore ni de l’antisémitisme ni de terrorisme puisque la France était presque sanctuarisée depuis les attentats de 1995 avec Khaled Kelkal qui, comme on ne le disait pas encore, s’est radicalisé en prison (la radicalité est un mot des années 2000).

A partir des années 2000, il va y avoir un tournant majeur. Une forme de césure, rhétorique surtout. L’immigré, le jeune notamment, se verra attribuer des qualités (des tares, en réalité) qui vont l’envelopper sémantiquement. D’abord, il sera assigné dans son islamité. Bientôt, il deviendra ataviquement antisémite, avant de ne sombrer diaboliquement dans le terrorisme. Comment est-ce possible ? Le 11 septembre ne surviendra qu’en 2001. C’est 12 ans plus tard que Mohamed Merah commettra l’infâme. La rédaction de Charlie et le Bataclan ne seront les victimes expiatoires d’un terrorisme daechien qu’en 2015.

En 2000, Emmanuel Macron avait 23 ans. Il se souvient donc que, comme depuis le 7 octobre, le cœur de la France battait au rythme du cœur d’Israël qui vivait à l’heure de la seconde Intifada que les journalistes qualifièrent de « guerre des pierres ». Emmanuel Macron a déclaré cette semaine « « N’ajoutons pas des fractures nationales aux fractures internationales ». Aussi cocasse que cela puisse paraitre, si ce n’était pas tragique, c’est précisément ce que, à l’époque, a commis une escouade d’intellectuels. Ils vont cyniquement utiliser la fracture proche-orientale pour mieux élargir la fracture française. Ils s’ingénieront à fabriquer un kit complet et une boite à outils composée de concepts létaux, plus puissants que les armes. Et ils feront mal.  Vingt après, on pourrait se demander si, à l’époque, la  défense d’Israël n’était pas, pour eux, plus prioritaire que la recherche de la cohésion dans l’hexagone.

Intellectuellement, ce groupe est prodigieusement fécond, tout particulièrement grâce aux travaux de Pierre-André Taguieff. Directeur de recherche au CNRS, solidement formé, il est, le plus souvent, présenté comme politologue et parfois comme philosophe. Mais il est surtout un historien des idées. Pierre-André Taguieff est le concepteur de La nouvelle Judéophobie, titre de l’un de ses essais, publié janvier en 2002. Exactement trois mois après le 11 septembre. La même année verra apparaitre Les territoires perdus de la République, d’Emmanuel Brenner, un pseudonyme et faux-nez qui dissimulait la véritable identité du coordinateur de cet essai collectif, George Bensoussan. 

Il est important de s’attarder sur ces deux hommes d’influence. Ils seront l’objet de la troisième partie.

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