Lecture dans l’ouvrage ''Le Parlement et les droits de l’Homme, référentiel et pratiques '' de Abderrazzak El Hannouchi - Abdelhamid Benkhattab

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Une monographie intéressante qui relate exhaustivement les efforts du parlement marocain en matière des droits de l’homme durant. Et Au Maroc, il est indéniable que les institutions censées garantir l’applicabilité des droits de l’homme méconnaissent souvent un principe fondamental des droits de l’Homme, qui concerne la proportionnalité entre les restrictions imposées aux différents droits de l’homme et l’esprit de la constitution dans un Etat de droit

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L’ouvrage de Abderazzak El Hannouchi, "Le Parlement et les droits de l’Homme, référentiel et pratiques", édité en mars 2022, revêt une importance cruciale, dans le contexte sociopolitique marocain post 2011, en ce sens que la nouvelle Constitution avait définitivement consacré la centralité des droits de l’homme dans l’ordre constitutionnel et juridique au Maroc. Cela est d’autant plus perceptible que le parlement marocain est tenu de faire de la question de la protection des droits de l’homme une de ses tâches les plus importantes, abstraction faite des référentiels politiques des différents acteurs partisans, de leurs programmes et de leurs alliances politiques. 

Non seulement, il est tenu d’opérationnaliser le préambule et le titre II de la constitution qui consacre les principes de l’Etat de droit, qui s’articulent autour de l’égalité de tous les citoyens devant le droit, de la parité entre les hommes et les femmes, le droit à la vie, le droit à la sécurité et à la propriété, l’inviolabilité corporelle des individus, de leur domicile et de leur correspondance, du droit de ne pas être arrêté ou poursuivie ou condamné en dehors des dispositions explicites de la loi…etc. en plus des droits sociaux et économiques comme le droit à la santé, au logement, à l’éducation, au travail….

Il faut noter que, pour la consécration des droits de l’Homme enchâssés dans la nouvelle constitution, le parlement Marocain était amené à composer avec plusieurs référentiels, normatifs et institutionnels internationaux, y compris ceux qui contribuent indirectement dans l’éclipse de ses compétences en la matière comme :

  • Les principes de Paris de 1993 concernant le statut et le fonctionnement indépendants des institutions nationales pour la protection et la promotion des droits de l'homme et les principes de protection des droits de l’homme.

  • Les principes de Belgrade 2012 sur les relations entre les institutions nationales de défense des droits de l’homme et les parlements. 

  • Les différents instruments et conventions internationaux des droits de l’homme, tels que : la déclaration universelle des droits de l’homme, adoptée en 1948 par l’Assemblée générale des Nations Unies ; La Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (1965) ; Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (1966) ; Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques  et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels entrés en vigueur tous les deux en 1976; La Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW, 1979) ; La Convention contre la torture et autres peines et traitements cruels, inhumains ou dégradants (1984) ; La Convention relative aux droits de l’enfant (1989) ; La Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille (1990) ; La Convention contre les disparitions forcées….

  • En plus de cela le Conseil National des Droits de l’Homme avait réalisé une série d’études et de consultations en vue d’intégrer le droits de l’homme en tant que critère fondamental dans les différentes étapes de la légistique allant par la conception des textes de lois, en passant par leur rédaction et l’examen de leur compatibilité avec les normes internationales régissant les droits de l’homme.

Nous sommes donc devant une monographie intéressante qui relate exhaustivement les efforts du parlement marocain en matière des droits de l’homme durant le Xème mandat législatif 2016-2021.

Ces repères étant posés, il faut tout de même s’arrêter, ne serait-ce que évasivement aux questions suivantes :

  • Est-ce que le parlement constitue un rempart sûr et efficient pour la consolidation et la promotion des droits de l’Homme au Maroc ?

  • le Droit marocain est-il une garantie évidente des droit de l’Homme, sachant bien que les Droits de l’homme peuvent aussi être limités, voir même restreints par les différentes lois non respectueuses de l’esprit de la constitution, des intentions du constituant et de la philosophie du droit international en la matière.

  • L’effectivité des droits de l’homme, constitutionnellement enchâssés, est-elle garantie, en l’absence des mécanismes d’implémentation et d’implantation sociale et institutionnelle de la culture des droits de l’homme ? 

  • L’inaccessibilité aux différentes catégories des droits de l’homme n’est-elle pas un sérieux handicap pour la pleine jouissance des citoyens de leurs droits et pour l’opérationnalisation de ce volet capital de la constitution de 2011 ?

  • Quel rôle le juge constitutionnel peut jouer dans le contrôle de la constitutionnalité des lois et l’épuration de l’ordre juridique nationale des dispositions juridiques, directement ou indirectement, préjudiciables pour les   droit de l’Homme, sachant bien que jusqu’à nos jours cette fonction est loin d’être pleinement assumée par la Cour constitutionnelle marocaine ?

  • Les droits de l’Homme seront-ils perméables aux initiatives législatives populaires, dont la difficulté procédurale découragerait inexorablement une grande fraction de la population et de la société civile,  

  • Quel sort sera réservé au recours à l’exception d’inconstitutionnalité, si l’on admet que jusqu’à ce moment la loi organique peine à voir le jour, ce qui est en soi un signe avant-coureur de la difficulté que pose l’accès des individus à la justice constitutionnelle et par la même occasion au contrôle du travail du parlement en matière des Droits de l’homme ?  

La question de droit de l’Homme lors de la pandémie covid-19 s’était sérieusement posée, en l’absence d’un socle constitutionnel évident pour l’état d’urgence sanitaire décrété par le gouvernement. 

En fait, dans le cadre de la lutte contre la pandémie, la consolidation des pouvoirs de l’exécutif et de l’administration au détriment de la loi, avait lancé des doutes concernant la capacité du gouvernement à respecter les informations personnelles des citoyens, leur droit à l’information, à la circulation, à l’entreprise, ainsi qu’à leur droit de réunion et de manifestation.

Il faut dire que durant cette période on avait constaté un fléchissement notoire du contrôle du parlement en matière de droit de l’homme, qui s’est manifesté par une certaine absence du débat au sein du parlement autour du respect des droits de l’homme par le gouvernement.

Dans ce sillage, il ne faut surtout pas oublier la question ou l’indivisibilité du droit de l’homme et de leur universalité dans le contexte juridico-institutionnel marocain, en ce sens que la primauté du Droit national sur le droit international n’est aucunement acquise.  

Tous ces obstacles contre l’effectivité des droits de l’homme au Maroc sont corroborés par la problématique récurrente de la résistance au sentier des institutions politiques et administratives qui crée une véritable dissension entre la volonté indéfectible des institutions supérieures de l’Etat pour opérationnaliser le chantier constitutionnel des droits de l’homme et la lenteur voir l’inertie des institutions inférieures en la matière. 

Au Maroc, il est indéniable que les institutions mêmes qui sont censés garantir l’applicabilité des droits de l’homme méconnaissent souvent un principe fondamental des droits de l’Homme, qui concerne la proportionnalité entre les restrictions imposées aux différents droits de l’homme et l’esprit de la constitution dans un Etat de droit qui demeure la garantie des droits des citoyen avant même ceux des agents de l’Etat. 

 

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