Niger : De la détestation à l’escalade – Par Dr Samir Belahsen

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Le président français Emmanuel Macron (d) accueille le président (déchu) du Niger Mohammed Bazoum avant une réunion sur le Sahel avec les dirigeants de la région au palais de l'Élysée à Paris, le 16 février 2022, juste avant l'annonce du retrait des troupes françaises du Mali. (Photo Ludovic MARIN / AFP)

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Le visiteur … Par Samir Belahsen

Le Conseil de paix et de sécurité (CPS) de l’Union africaine a préféré suspendre, lundi, sa réunion sur la situation au Niger après le renversement du président élu Mohamed Bazoum.

Selon les agences de presse, la suspension a été décidée suite aux différends entre les défenseurs de la solution diplomatique à la crise, et ceux qui sont plutôt favorables à une intervention militaire pour mettre fin au putsch.

En Afrique de l'Ouest la composition ethnique est extrêmement diversifiée. Au Niger, les principaux groupes ethniques comprennent les Hausa (plus de 50%), les Zarma-Songhai( 22%), les Touaregs (8%), les Kanuri (5%), les Peuls (9%), le reste se répartit entre Toubous, Arabes et Gourmantchés. Chaque groupe ethnique a sa propre culture, sa langue, ses traditions et ses propres soutiens. Si la langue Haussa est parlée dans la plupart des régions du Niger, c’est le français qui en est la langue officielle.

Les groupes ethniques du Niger ont souvent des liens familiaux, culturels et commerciaux avec des populations vivant dans les pays voisins. Les mouvements migratoires et les relations transfrontalières, favorisent les échanges sociaux et économiques, mais peuvent également entraîner des tensions dues à des questions foncières, économiques ou culturelles.
Cette diversité ethnique du Niger affecte l'identité nationale et la stabilité interne du pays. La gestion équitable et respectueuse de toutes les communautés ethniques a toujours été un défi pour tout gouvernement nigérien, et des tensions peuvent survenir si certains groupes estiment ne pas être représentés ou être marginalisés dans le partage des ressources et du pouvoir politique.

Les groupes ethniques nigériens sont présents des deux côtés des frontières avec les pays voisins, les Hausa représentent près de 20% de la population du Nigéria soit plus de 45 millions de Nigérians.

Au Niger, les raisons de la détestation de la France sont similaires à celles qu’on retrouve dans toute l’Afrique de l’Ouest, même si chaque pays a sa propre histoire et situation particulière. 

Le Niger a été une colonie française jusqu'en 1960. Pendant cette période, les ressources naturelles du pays, notamment l'uranium, ont été exploitées par les entreprises françaises au détriment des intérêts locaux. Cette exploitation des ressources et la dépendance économique qui en a résulté ont contribué à une méfiance envers la France.
Le Niger a connu plusieurs coups d'État et une instabilité politique tout au long de son histoire, le rôle de la France dans le soutien à certains régimes autoritaires et sa participation à des négociations politiques qui ne reflètent pas toujours les aspirations de la population nigérienne.

En Février 2021, la voix de la politique extérieure française, France24 notait, citant un analyste nigérien, que "comme beaucoup de pays de la région habitués aux coups d'État, le Niger fait les frais de tensions persistantes entre son gouvernement et son armée". France 24 prédisait alors que ‘’Face à la dégradation de la situation sécuritaire au Niger, le spectre d'un coup d'État inquiète les autorités de ce pays, [et surtout Paris NDLR], qui a connu quatre putschs militaires depuis son indépendance en 1958. Une inquiétude d'autant plus grande que le pays n'est pas épargné par le sentiment anti-Français qui progresse dans la région.’’ 

La présence militaire française, bien qu'elle vise en théorie à lutter contre les groupes terroristes et à renforcer la sécurité régionale, est perçue comme une ingérence dans les affaires internes du pays. D’autant plus que cette ‘’assistance sécuritaire’’ n’est pas probante. Les Nigériens parlent d’un échec. Des incidents impliquant des civils nigériens et des soldats français ont également nourri la perception négative de la France.
Les revendications du Niger concernant un minimum d’équité dans les accords commerciaux et une reconnaissance de la valeur de ses ressources naturelles sont des sujets de préoccupation qui ont alimenté la détestation.
Au cours de ces trois dernières années, l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale ont connu sept coups d’États. Des bouleversements qui créent une zone d’instabilité, certains parlent de poudrières… On a eu le Mali, le Burkina Faso et maintenant le Niger. Et ensuite ? Le Tchad, le Nigéria, la Cote d’ivoire ? 

La guerre que la France et certains chefs d’État de la CEDEAO veulent mener contre le nouveau régime du Niger impliquerait une plus grande déstabilisation de toute la sous-région et bien au-delà. Une déstabilisation qui ne servira que les terroristes et les trafiquants. Et peut-être, ce n’est pas sûr, les intérêts de puissances étrangères plus à l’aise en eaux troubles. La plupart des chefs d’État Africains l’ont bien compris, parait-il, malgré les pressions de la puissance étrangère à la région. 

Le président déchu Mohamed Bazoum avait lui-même fait une analyse lucide quand il s’agissait du Tchad et c’était devant le président Macron. Il a justifié la succession du défunt Déby par le dauphin Déby en ces termes : « Même si nous devrions considérer qu’il s’agit d’un coup d’État, la raison commande que nous fassions la pari à la faveur de cette transition… »

Alors que tout commande qu’il s’applique cette même raison, il s’y refuse. 

D’ailleurs, il convient de le rappeler, nombre de dirigeants africains, s’ils sont bien les élus de cette puissance, ils ont été plutôt mal élus chez eux…