Cinéma, mon amour de Driss Chouika : EPOUSES ET CONCUBINES, PROFONDEUR ET SPLENDEUR VISUELLES

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 Ce film chinois, qui explore les complexités des relations féminines dans la Chine du début du 20ème siècle, à une époque où la polygamie était courante et socialement acceptée, avait bien capturé l'attention des cinéphiles à travers le monde tant par sa profondeur narrative que par sa splendeur visuelle

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« Pour faire de l’art, il faut toujours se rappeler d’une chose : les sujets des personnes en souffrance ont une signification profonde ».

Zhang Yimou.

Le 4ème long métrage du réalisateur chinois Zhang Yimou, sorti en 1991, adaptation du roman homonyme de l’écrivain Su Tong, Lion d’Argent du meilleur réalisateur et Prix Elvira Notari à la 48ème Mostra de Venise, Bafta du Meilleur Film en Langue étrangère, nominé à l’Oscar du Meilleur Film en Langue étrangère, “Epouses et concubines“ avait bien confirmé son auteur comme l’un des plus grands et influents cinéastes chinois dans l’histoire du cinéma, réputé à l’occasion par sa fameuse citation « Une seule inspiration fait la différence : les hommes sont des esprits, les esprits sont des hommes ».

Ce film chinois, qui explore les complexités des relations féminines dans la Chine du début du 20ème siècle, à une époque où la polygamie était courante et socialement acceptée, avait bien capturé l'attention des cinéphiles à travers le monde tant par sa profondeur narrative que par sa splendeur visuelle. Il fait partie des films exceptionnels, tellement réussis sur les plans thématique, esthétique et technique qu’il ne peut laisser aucun cinéphile indifférent. Il se déroule dans un harem chinois où les femmes sont confinées et classées selon un système hiérarchique strict, illustrant l'oppression féminine et les conflits internes provoqués par les structures patriarcales.

L’action du film se déroule en Chine Centrale à l’ère des Seigneurs de la Guerre au début du 19ème siècle (1916 – 1928). Songlian, belle jeune femme, instruite mais pauvre, accepte d’être la quatrième épouse du très riche Maître Chen. Au palais aux hauts murs, elle est présentée aux trois autres femmes du maître des lieux : Yun, la plus âgée et bien attachée à la tradition quoique le Maître ne lui prete plus aucune attention  ; Zhuoyun, paraissant avenante mais très bavarde et enfin Meishan, ancienne chanteuse d'opéra, qui accueille ouvertement Songlian comme une redoutable rivale. Dans ce Harem, chacune des épouses de Chen occupe un appartement dont la porte donne sur une cour. Chaque soir le majordome annonce solennellement l’ordre “Accrochez les lanternes rouges“ et on voit s’allumer l’appartement de celle que le maitre a chisi comme campagne de sa soirée. Ainsi, une lutte est ouverte entre les quatre femmes pour gagner les faveurs du maître. 

 

PROFONDEUR ET SPLENDUUR VISUELLES

La répression des désirs personnels et la résistance face à cette suppression représentent la thèmatique centrale du film. Songlian, qui représente à la fois la résistance et la capitulation, se débat avec sa perte d'autonomie dans un environnement qui valorise uniquement sa fonction reproductive. Le film met en lumière comment l'environnement oppressif transforme ses aspirations et sa vigueur en désespoir et résignation. La force créative de Zhang Yimou, basée sur la plasticité visuelle des plans, réside dans les choix décors, costumes, accessoires et couleurs d’une vivacité attirante. Le tout est éminnement agencé dans une photographie d’une brillance incomparable, bien reposante pour le regard en raison de sa profondeur et sa splendeur visuelles, ainsi ques a parfaite composition symétrique.

Zhang Yimou est bien connu pour son utilisation magistrale de la couleur, et "Épouses et concubines" ne fait pas exception. L'usage de rouges intenses, symbolisant à la fois la passion et l’emprisonnement, crée un contraste visuel saisissant avec les nuances sombres des ombres et les éclats de lumière qui filtrent à travers les lanternes. Cette palette ne se contente pas de servir l'esthétique du film, elle renforce également les thèmes de passion, de pouvoir et d’emprisonnement émotionnel. Effectivement, la composition des plans dans "Épouses et concubines" est remarquable par sa symétrie et son équilibre, reflétant l'ordre oppressif du harem. Les cadres souvent fixes et les plans larges soulignent l'isolement des personnages et la rigidité de leur environnement. Chaque scène est méticuleusement construite, avec des personnages souvent positionnés pour renforcer visuellement leur statut dans la hiérarchie. Les plans longs sont délibérément fréquents, offrant au spectateur le temps de contempler et de ressentir le poids des conventions sociales patriarcales écrasantes.

 

ENTRE LUXURE ET OPPRESSION

L'histoire du film "Épouses et concubines" met bien en lumière la condition des femmes dans la Chine traditionnelle du début du 20ème siècle. À travers le personnage de Songlian, le réalisateur explore les tensions et les rivalités qui règnent au sein de la maison du Maître. Les femmes sont réduites aux objets de désir et de pouvoir, piégées dans un système de domination masculine implacable. Le film soulève ainsi des questions essentielles sur le statut des femmes, les contraintes sociales et les sacrifices imposés par les conventions.

 

Ce vécu, régi au quotidien par une implacable et minutieuse organisation hiérarchique combinant luxure et oppression, a permis au réalisateur, par une mise en scène et une direction intelligente des comédiens, de donner vie à des personnages complexes et nuancés, révélant les émotions contenues et les luttes de pouvoir qui animent la demeure du Seigneur et Maître. Les regards et gestes subtils révèlent les émotions profondes des protagonistes, renforçant ainsi le réalisme et la profondeur des relations représentées. Les scènes de fêtes et de cérémonies sont mises en scène avec célérité et grandeur, offrant des moments de splendeur qui contrastent avec la misère affective et le désespoir ressentis par les personnages. La bande sonore du film, composée avec discrétion, sert aussi à accentuer l'ambiance. Les sons naturels, comme le craquement du bois ou les frissons du vent, sont utilisés pour renforcer la sensation de claustrophobie et d'isolation.

Bref, c’est le genre de films à voir et revoir avec un plaisir renouvelé.

 

FILMOGRAPHIE ٍSÉLECTIVE DE ZHANG YIMOU (LM)

« Le Sorgho rouge » (1987) ; « Epouses et concubines » (1991) ; « Qiu Ju, une femme chinoise » (1992) ; « Vivre ! » (1994) ; « Shanghai Triad » (1995) ; « Pas un de moins » (1999) ; « Le secret des poignards volants » (2004) ; « La Cité interdite » (2007) ; « Sacrifices of War » (2011) ; « One Second » (2020) ; « Cliff Walkers » (2021) ;  « Full River Red » (2023).

 

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