Irak: décès de Muzaffar al-Nawab, icône de la poésie engagée, grandioses funérailles perturbées

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Des Irakiens en deuil pleurent sur le cercueil du défunt poète irakien Muzaffar al-Nawab, lors de sa procession funéraire dans la capitale Bagdad, le 21 mai 2022. Le célèbre poète communiste irakien Muzaffar al-Nawab, qui a connu la prison et l'exil dans les années 1960, est décédé hier dans un hôpital émirati à l'âge de 88 ans, ont annoncé les autorités irakiennes. (Photo : Aymen HENNA / AFP)

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Le grand et célèbre poète engagé irakien Muzaffar al-Nawab, icône de la poésie populaire irakienne et au-delà arabe, qui a connu la prison et l'exil dans les années 60, est décédé vendredi à l'âge de 88 ans, ont annoncé les autorités irakiennes.

Des Irakiens en deuil pleurent sur le cercueil du défunt poète irakien Muzaffar al-Nawab, lors de sa procession funéraire dans la capitale Bagdad, le 21 mai 2022. Le célèbre poète communiste irakien Muzaffar al-Nawab, qui a connu la prison et l'exil dans les années 1960, est décédé hier dans un hôpital émirati à l'âge de 88 ans, ont annoncé les autorités irakiennes. (Photo : Aymen HENNA / AFP)

L'artiste est décédé dans un hôpital des Emirats arabes unis, au terme d'un long combat contre la maladie, a annoncé le ministère de la Culture. "Il reste vivant dans l'esprit de tous ceux qui chantent ses poèmes immortels", a réagi sur Twitter le président irakien Barham Saleh.

Né en 1934 dans une famille de la haute société de Bagdad, diplômé de la faculté des lettres, Nawab s'est fait connaître pour ses poèmes à l'ardeur révolutionnaire et à la gouaille populaire marqués par son engagement communiste et ses critiques des dictatures arabes.

Ses positions politiques le mèneront en prison et le jetteront sur la route de l'exil, en Iran, puis à Damas et à Beyrouth, mais aussi dans les capitales européennes.

En 1963, le poète est contraint de quitter l'Irak au régime nationaliste pour rallier clandestinement l'Iran. Arrêté, il sera livré à la police politique de son pays, puis condamné à mort --mais sa sentence a été allégée en prison à vie, raconte le site Internet Adab, spécialisé dans la poésie arabe.

Il prendra la fuite d'une prison au sud de Bagdad mais sera de nouveau arrêté quelques années plus tard.

Il est l'un des principaux poètes à avoir introduit le parler populaire irakien dans ses œuvres.

Des hommes des lettres et des admirateurs en deuil portent le cercueil du célèbre poète irakien Muzaffar al-Nawab lors de sa procession funéraire dans la rue al-Tousi, près du sanctuaire de l'Imam Ali, dans la ville sainte de Najaf, en Irak, le 21 mai 2022. (Photo de Qassem al-KAABI / AFP)

Exilé à l'époque de Saddam Hussein, sa dernière visite en Irak remonte à 2011-- après le retrait des troupes américaines qui ont envahi le pays en 2003. Il avait été accueilli en grande pompe par la présidence.

Jamais marié et sans enfant, il était aux Emirats pour suivre un traitement médical.

Vendredi, le Premier ministre irakien Moustafa al-Kazimi a demandé à ce que son corps soit rapatrié en Irak par avion ministériel.

Ses poèmes ont été repris en masse lors du soulèvement populaire inédit de l'automne 2019 contre une classe politique accusée de mauvaise gouvernance et de corruption endémique.

"Pourquoi Muzaffar est mort aux Emirats? (...) Parce que vous gouvernez l'Irak depuis 19 ans. Parce que les hôpitaux de Bagdad ne soignent pas les patients. Parce que le pays n'est pas vivable sous le règne de vos milices et de vos turbans", a tweeté vendredi le journaliste irakien Omar al-Janabi.

Hué par des militants antis pouvoir, le Premier ministre irakien Moustafa al-Kazimi a dû quitter dans la précipitation samedi les obsèques à Bagdad du célèbre poète engagé Muzaffar al-Nawab connu pour son passé de révolutionnaire.

Le cortège funèbre, accompagné par M. Kazimi, s'est ensuite rendu au siège de l'Union des écrivains dont les abords étaient envahis par des centaines de personnes, toutes générations confondues, venues rendre un dernier hommage au poète lors d'une cérémonie officielle.

Là, de jeunes militants ont commencé à scander des slogans antipouvoir et hué le Premier ministre: "Dehors! dehors!", "Vous êtes tous des voleurs"!

Dans cette ambiance tendue, la famille a à peine eu le temps de se recueillir sur le cercueil recouvert du drapeau irakien. Et M. Kazimi, entouré de ses gardes du corps, n'a pu que très brièvement s'en approcher, avant de quitter les lieux dans la précipitation.

Après les obsèques écourtées, des manifestants ont caillassé des voitures de responsables à leur passage.

Des participants à la cérémonie ont déploré ces incidents estimant qu'ils entachaient l'hommage rendu au poète.

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