CORSE : QUELLE AUTONOMIE ? Par Mustapha SEHIMI

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Pour la Corse, se limitera-t-on à un article particulier dans la loi suprême ? Où va-t-on effectuer la réforme par l'intégration d'un titre comme la Nouvelle-Calédonie ?

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GESTION TRAUMATIQUE - Par Mustapha SEHIMI

A l'ordre du jour institutionnel et politique en France, la problématique de l'autonomie pour la Corse. Voici quelques jours, le 12 mars, le gouvernement représenté par le ministre de l'Intérieur, Gerald Darmanin et les élus insulaires se sont finalement accordés sur un projet d'écriture constitutionnelle "qui prévoit "la reconnaissance d'un statut d'autonomie' de l'île" au sein de la République". 

Une approche formulée en septembre dernier par le président Macron qui se disait alors prêt à "l'entrée de la Corse dans notre Constitution". 

Ce projet de réforme constitutionnelle pose cette interrogation de principe : permet-il la consécration d'un statut déjà existant ? Ou bien traduit-il un nouveau degré d'autonomie pour la Corse ? Tel n'est pas vraiment le cas à cet égard en ce qu'il n'offre en rien un "nouveau degré d'autonomie", la Corse, comme les autres collectivités métropolitaines ne bénéficiant pas en l'état d'une quelconque autonomie. Ce qui renvoie sans doute à des malentendus, ici et là : ceux de la définition de 1'autonomie. Une confusion entretenue au passage par le ministre de l'Intérieur qui s'était déclaré pour "un peu plus d'autonomie". Il faut ici rappeler que l'autonomie est une question de natures, pas de degré. Il peut y avoir des négociations pour " plus" de décentralisation - une décentralisation "renforcée", un pouvoir d'adaptation des normes nationales aux contraintes locales dont jouissent déjà les départements et régimes d'Outre-Mer) mais pas plus " ou " moins" d'autonomie. En droit constitutionnel, l'on parle d'autonomie comme étant le pouvoir pour une assemblée délibérante territoriale d'adopter ses propres lois : dans des domaines précis, en respectant les compétences régaliennes de l'État central et sous le contrôle du juge constitutionnel. Ce sont là des garde-fous protecteurs de l'indivisibilité de la République. Et il n'y a d'autonomie législative que dans les régions au sein des États régionaux (Royaume-Uni, Espagne, Italie et les îles du Portugal. 

Cela dit, que propose ce projet de révision constitutionnelle ? De permettre à la Corse d'entrer dans la Constitution et de sanctuariser ainsi 1'acquis législatif ; de lui offrir les pouvoirs normatifs liés à sa spécificité, sans cesse affirmée par le Parlement au cours de l'histoire des statuts législatifs relatifs à l'île de Beauté. Cette volonté de réforme avait été manifestée par le président Hollande, mais elle n'avait pas pu se concrétiser faute de majorité. Devant l'Assemblée de Corse, voici six mois, son successeur actuel avait évoqué l'hypothèse d'un pouvoir normatif. L'autonomie, c'est quoi ? Pas l'indépendance qui serait la sortie de la Corse de la République mais son maintien au sein de celle-ci avec la possibilité d'adopter ses propres lois, après habilitation du Parlement national et ce pour agir au mieux dans des domaines très spécifiques. Spécificité ? C'est le fait insulaire, une histoire très particulière, une langue, un peuple, un lien singulier à la terre. Des réalités, des évidences aussi dénoncées comme potentiellement destructrices des grands principes républicains, au premier rang desquels l'indivisibilité de la République, à ne pas confondre avec uniformité. Et taxer la majorité territoriale insulaire de séparatiste n'est pas recevable ni plaidable. Comme c'est le cas dans tous les États accordant une autonomie à une des régions, le principe de cette autonomie doit être affirmé dans la Constitution - les détails de ses modalités (matières, procédures, contrôles juridictionnels) renvoyés à une loi organique soumise au contrôle du Conseil constitutionnel.

Comme la Nouvelle-Calédonie...

La Constitution a consacré son titre XIII au statut de la Nouvelle Calédonie. Une étape nouvelle de l'autonomie de l'archipel. Mais, formellement, ni la Constitution ni la loi organique du 19 mars 1999 ne mentionnent l'autonomie de la Nouvelle-Calédonie ; ils ne la définissent pas davantage. Pour ce qui est de la Corse, se limitera-t-on à un article particulier dans la loi suprême ? Où va-t-on effectuer la réforme par l'intégration d'un titre comme la Nouvelle-Calédonie ? Un titre présenterait un double avantage. Le premier est celui de la cohérence juridique en soulignant sa spécificité et en la distinguant des catégories déjà existantes (collectivités métropolitaines, départements et régions, collectivités d’Outre-mer) ; celui aussi de distinguer qu’aucun autre territoire n'est comparable en métropole à la Corse. L'autonomie n'est pas de même nature que la décentralisation. Le second avantage est celui de l'efficacité politique. Le gouvernement a proposé le terme de "communauté" en lieu et place de "peuple corse". C'est une exception à faire sans doute pour la Corse que de lui consacrer un titre spécifique dans la Constitution pour bien consacrer le fait qu'elle est le seul élément de sa catégorie, distinct des collectivités métropolitaines de celles de l'Outre-mer. Une architecture unique en son genre avec cependant un parti autonomiste qui a remporté très largement les élections territoriales avec 68/% des voix... 

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