Gaza: pour la première fois, le Conseil de sécurité vote pour un ''cessez-le-feu immédiat'', avec peu de chances pour qu’il soit entendu

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L'ambassadrice américaine auprès de l'ONU, Linda Thomas-Greenfield, s'exprime lors du vote d’une résolution du Conseil de sécurité de l'ONU, rejetée, en faveur d'un cessez-le-feu à Gaza, au siège de l'ONU à New York, le 22 mars 2024. Trois jours plus tard elle s’abstenait laissant passer pour la première fois une résolution réclamant un cessez le feu immédiat.(Photo par ANGELA WEISS / AFP)

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Après des mois de "silence assourdissant", le Conseil de sécurité de l'ONU a enfin exigé lundi un "cessez-le-feu immédiat" à Gaza, un appel bloqué plusieurs fois par les Etats-Unis qui se sont cette fois abstenus, accentuant la pression sur leur allié israélien furieux.

La résolution, adoptée sous les applaudissements par 14 voix pour, et une abstention, "exige un cessez-le-feu immédiat pour le mois du ramadan" --qui a déjà commencé il y a deux semaines--, devant "mener à un cessez-le-feu durable", et "exige la libération immédiate et inconditionnelle de tous les otages".

Ce vote "doit être un tournant (...) Cela doit être le signal de la fin de cet assaut d'atrocités contre notre peuple", a renchéri la voix serrée l'ambassadeur palestinien Riyad Mansour, saluant un "jour historique".

Même si les résolutions du Conseil sont contraignantes, elles sont régulièrement ignorées par les Etats concernés, Israël plus que quiconque d’autre.

Le ministre israélien de la Défense Yoav Gallant a d'ailleurs déjà assuré qu'Israël ne mettrait pas fin à sa guerre "tant qu'il y a des otages à Gaza".

Contrairement au texte américain rejeté vendredi par des vetos russe et chinois, cette résolution ne lie pas ses demandes aux efforts diplomatiques du Qatar, des Etats-Unis et de l'Egypte, même si elle "reconnait" l'existence de ces pourparlers visant à une trêve accompagnée d'un échange d'otages et de prisonniers palestiniens.

Mais l'ambassadrice américaine Linda Thomas-Greenfield, a elle malgré tout insisté sur un lien, mettant la pression sur le Hamas.

"Pas de changement de cap"

"Un cessez-le-feu peut commencer immédiatement après la libération d'un premier otage (...) C'est le seul moyen d'assurer un cessez-le-feu et la libération des otages", a-t-elle déclaré.

Si la Maison blanche a assuré que l'abstention américaine n'était pas un "changement de cap", Israël a malgré tout annulé la visite d'une délégation à Washington.

Vendredi, la Russie et la Chine avaient mis leur veto à un projet de résolution américaine soulignant la "nécessité" d'un "cessez-le-feu immédiat" à Gaza en lien avec les négociations pour la libération des détenus israéliens capturés lors de l'attaque sans précédent du Hamas le 7 octobre.

Certains observateurs y avaient vu une évolution substantielle de la position de Washington, sous pression pour limiter son soutien à Israël alors que l'offensive israélienne a fait plus de 32.000 morts à Gaza, dont plus des deux tiers sont des enfants et des femmes.

Les Etats-Unis s'étaient en effet jusqu'alors systématiquement opposés au terme "cessez-le-feu" dans les résolutions de l'ONU, bloquant trois textes en ce sens. Mais le texte américain rejeté n'appelait pas explicitement à un cessez-le-feu immédiat.

Et après le ramadan ? -

La résolution adoptée lundi est issue du travail des membres non-permanents du Conseil, qui ont négocié tout le week-end avec les Etats-Unis pour tenter d'éviter un nouvel échec, selon des sources diplomatiques.

La résolution réclame d'autre part la "levée de tous les obstacles" à l'aide humanitaire.

Le Conseil, largement divisé sur le dossier israélo-palestinien depuis des années, n'avait pu jusqu'alors adopter depuis le 7 octobre sur cette question que deux résolutions (sur huit soumises au vote), essentiellement humanitaires. Sans grand résultat: l'entrée de l'aide à Gaza, assiégée, reste largement insuffisante et la famine plane.

La nouvelle résolution condamne d'autre part "tous les actes terroristes", mais sans mentionner les attaques du Hamas du 7 octobre.

Le Conseil et l'Assemblée générale n'ont jamais spécifiquement condamné les attaques du Hamas du 7 octobre. Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres avait d’ailleurs déclaré au lendemain de l’attaque qu’elle n’était pas ‘’sans antécédents’’ en allusion à la politique d’apartheid et de féroce répression d’Israël, ce qui a suscité la furie de Tel Aviv contre les Nations Unies et son patron. 

Alors que la résolution adoptée lundi se concentre sur un cessez-le-feu temporaire pour le ramadan, plusieurs pays, dont la France, ont insisté sur la nécessité d'un arrêt des combats à plus long terme.

Le Conseil devra aussi "œuvrer au relèvement et à la stabilisation de Gaza" et "remettre un processus politique sur les rails visant à l'établissement de la solution des deux Etats", a insisté l'ambassadeur français Nicolas de Rivière, félicitant le Conseil d'être sorti de son "silence assourdissant". (Quid avec AFP)

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