Jacob Zuma, fossoyeur de l’ANC ?

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Pour contrer la menace Zuma, le Congrès National Africain a eu recours à toutes les ruses possibles, ainsi qu’aux tribunaux pour pour s’opposer à l’enregistrement du nouveau parti et disqualifier l’ex-président de se porter candidat aux prochaines élections, mais c’est sans compter sur la hardiesse de Zuma et sa détermination à marquer le paysage politique sud-africain.

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Par Hamid AQERROUT ( Bureau de MAP à Johannesburg)

La scène politique sud-africaine vit ces derniers temps au rythme des procès politico-judiciaires intentés à de hauts responsables du Congrès National Africain (ANC au pouvoir), soit pour des scandales de corruption et de blanchiment d’argent, soit pour des règlements de comptes politiques.

Mais la vedette de tous ces procès est incontestablement le sulfureux ex-président sud-africain, Jacob Zuma (82 ans), qui est sur toutes les langues et sur tous les fronts, partisan, politique et même judiciaire. A quelques semaines seulement des élections générales cruciales du 29 mai, Zuma enhardit la vie politique dans le pays et devient le principal acteur d’un feuilleton politico-judiciaire à épisodes interminables.

La création en décembre 2023 du parti «Umkhonto We Sizwe» (MK), qui signifie «lance de la nation» en langue xhosa, marque le retour en force sur la scène politique de l’ancien Président, devenu, par des concours de circonstance, persona non grata et ennemi numéro un de l’ANC, après qu’il en était membre et président pendant 60 ans.

Zuma et l’ANC, un divorce coûteux

Pour contrer la menace Zuma, le Congrès National Africain a eu recours à toutes les ruses possibles, ainsi qu’aux tribunaux pour, d’abord, s’opposer à l’enregistrement du nouveau parti, puis ensuite pour le changement du nom et du logo de «Umkhonto We Sizwe», qui était le nom de la branche armée de l’ANC pendant l’ère de l’apartheid. Le parti au pouvoir a également tenté, à travers la Commission électorale, de disqualifier l’ex-président de se porter candidat aux prochaines élections, mais c’est sans compter sur la hardiesse de Zuma et sa détermination à marquer le paysage politique sud-africain. Il a ainsi réussi, du moins jusqu’à présent, à gagner tous les recours devant la justice, remportant de la sorte une victoire significative lorsque la Cour électorale a confirmé son appel contre le rejet de sa candidature par la Commission électorale.

Zuma est désormais autorisé à figurer sur la liste des candidats au prochain scrutin. Il s’agit certes d’une victoire significative pour le parti MK qui est impliqué dans plusieurs affaires judiciaires. Il utilise chacune d’elles comme un mini-rassemblement qui est annoncé gratuitement à l’échelle nationale à la télévision, à la radio, dans les médias et sur les réseaux sociaux. Tout cela a donné à Zuma et à son nouveau parti suffisamment de poids pour faire plus qu’une brèche dans l’imagination des électeurs.

En agissant de la sorte, l’ANC a créé sa propre opposition au sein du parti MK de Zuma, qui a même usurpé l’identité de sa branche armée. Si le parti au pouvoir persévère sur cette voie destructrice, la popularité de MK ne fera que croître, ce qui pourrait contrecarrer le calendrier électoral du 29 mai.

Zuma, un ex-président qui veut reconquérir le pouvoir

Vraisemblablement, Jacob Zuma a survécu à plus de scandales majeurs que n’importe quel dirigeant politique en Afrique du Sud et en Afrique, peut-on affirmer. Il a été reconnu coupable d’outrage au tribunal pour avoir refusé de comparaître devant la Commission judiciaire sur la capture de l’Etat et condamné à 15 mois de prison ferme. Il a ainsi été emprisonné dans le cadre d’un acte de justice rare, mais libéré après seulement deux mois de prison par l’ancien maître-espion et Commissaire des services correctionnels, Arthur Fraser, pour raison médicale.

Lorsque la Cour constitutionnelle a également ordonné à Zuma de retourner au centre correctionnel d’Estcourt pour purger le restant de sa peine, ce qui aurait rendu sa candidature aux élections de cette année impossible en vertu de la Constitution, le ministre de la Justice et des Services correctionnels, Ronald Lamola, l’a libéré en août 2023 dans le cadre d’une remise de peine pour les prisonniers de catégories spécifiques. D’aucuns soutiennent que c’était là une ruse flagrante pour protéger un cadre de l’ANC, dans un pays où les Sud-africains sont maltraités par la classe politique.

Ses partisans n’ont eu de cesse de déclarer qu’il souhaitait prendre sa retraite et diriger le nouveau parti, mais Zuma a récemment affirmé qu’il aimerait retenter sa visite à l’Union Buildings, siège de la Présidence. Son parti déclare vouloir obtenir une majorité des deux tiers des voix, que l’ANC n’a obtenue qu’une seule fois, et modifier la Constitution afin que Zuma puisse exercer un troisième mandat de chef d’Etat.

Connu pour être un fin stratège et un grand joueur d’échecs, l’ex-président avait fait tomber le Président Thabo Mbeki en 2008 avant d’accéder au pouvoir entre 2009 et 2018.

Il va sans dire que la montée fulgurante du parti lui a permis de réaliser des progrès significatifs à l’approche des législatives du 29 mai. Selon un récent sondage réalisé pour le compte de la Fondation Brenthurst, MK est désormais le troisième parti en Afrique du Sud avec 13 %, derrière le Congrès national africain (39 %) et l’Alliance démocratique (27 %).

Une chose est pourtant sure : Avec les divisions internes et la création du parti MK, l’ANC s’est fourré le doigt dans l’œil et risque de perdre le pouvoir pour la première fois en 30 ans

 

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