Présidentielle : Le risque patent de compromettre ''l’exception'' tunisienne

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Tunis - A quelques jours seulement de la Présidentielle anticipée du 15 septembre prochain, les Tunisiens demeurent interloqués par la profusion des candidats devant prendre part, durant le premier tour, à la course au Palais de Carthage, ainsi que par la controverse suscitée par les parrainages parlementaires.

Entre un accrochage avec un groupe de terroristes algériens qui a fait quatre morts et le rejet par la Cour d'appel de Tunis de la demande de libération de Nabil Karoui, candidat à l’élection présidentielle et propriétaire de la chaîne de télévision "Nessma", poursuivi pour "blanchiment d’argent", d’aucuns ne savent pas dans quelle mesure le corps électoral pourrait départager les 26 concurrents engagés dans une compétition où tout semble aller sens dessus-dessous.

Ils estiment qu’à l’évidence, ce nombre élevé des prétendants à la magistrature suprême, engagés dans une course effrénée, ne pourrait que désorienter les électeurs et renforcer davantage le camp des absentéistes, qui ne cesse de gagner du terrain à la faveur du flou qui entoure le processus électoral.

Force est d’admettre que la présidentielle anticipée imposée par le décès du Président Béji Caïd Essebsi a surpris plus d’un, surtout les formations politiques qui n’avaient pas vu venir le malheur et se trouvent, ainsi, contraintes d’entamer cette échéance en rangs dispersés, avec le risque d’éparpiller les voix de leur réservoir électoral.

Outre la pléthore des candidatures validées par l’Instance Supérieure Indépendante des Elections (ISIE), la lecture des profils des candidats laisse entrevoir une absence remarquable de vision, de projet et de capacité à mobiliser des électeurs hantés par le doute, ce qui suscite sarcasme et dérision et pourrait encore inciter davantage le corps électoral à fuir les urnes.

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C’est que dans la cacophonie qui règne, candidats indépendants et partis politiques ont bâti leurs stratégies sur des personnes, dont une bonne partie brille par son inexpérience n’accordant peu ou prou qu’un faible intérêt aux programmes et partant aux citoyens qu’ils sont pourtant appelés à servir.

Pour de nombreux analystes, l’élection présidentielle du 15 septembre restera aussi entachée par les craintes suscitées par les parrainages parlementaires soupçonnés d’être truqués et qui ont donné lieu à l’émergence d’un nouveau phénomène qui risque de fausser le processus électoral.

L'on découvre ainsi que l'ISIE travaille avec des listes d’électeurs pour le moins non valables, parce que non actualisées. Il s’est avéré de même que les dysfonctionnements déjà révélés lors des élections législatives et la présidentielle de 2014 n’ont pas été rectifiés de façon à ce que toute tentative de falsification des signatures ou tout oubli ne puissent être commis.

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Légende : Nabil Karaoui, le détenu candidat

Cette controverse a le mérite de révéler au grand jour des insuffisances au niveau des dispositions contenues dans la loi électorale qui régira la Présidentielle de septembre et les législatives d’octobre prochains, ainsi que concernant le mode de fonctionnement choisi par le Conseil de direction de l’ISIE dans la gestion de ces scrutins que beaucoup considèrent comme décisives pour la jeune expérience démocratique tunisienne.

C’est que pour de nombreux observateurs, le timing choisi pour enclencher la procédure judiciaire à l’encontre de l’un des plus grands prétendants à la magistrature suprême, et ce "pour des raisons aussi inavouables qu’inavouées", est de nature à jeter le discrédit sur tout le processus électoral.

Conscients de ce péril, plusieurs partis politiques tunisiens ont appelé à mettre le pouvoir judiciaire à l'abri de toute instrumentalisation et des querelles électorales. Un point de vue que partage parfaitement la puissante centrale syndicale, l’Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT), qui a appelé au respect de l’indépendance de la justice et à s'abstenir de mêler le pouvoir judiciaire aux conflits politiques, afin qu'il puisse s'acquitter pleinement de son rôle sur la base de l’égalité de tous devant la loi.

Ce scrutin a aussi le mérite d’avoir instauré, pour la première fois en Tunisie, les débats télévisés connus sous le vocable "Mounadharat" entre les candidats au Palais de Carthage.

Cette expérience des duels télévisés, assez courante dans les pays ancrés dans la pratique démocratique, est une occasion déterminante pour séparer le bon grain de l’ivraie.

En effet, l’expérience des débats télévisés opposant les candidats à la Présidence intervient dans la foulée de la décision de conférer le maximum de transparence, de clarté et d’intégrité à l’opération électorale. Il s’agit aussi d’offrir aux candidats, toutes tendances ou appartenances confondues, des chances égales de faire valoir leurs programmes et leurs choix.

En attendant le jour J, les Tunisiens semblent avoir pris conscience, cette fois-ci, qu’ils se doivent de choisir un président rassembleur pour tenir le gouvernail des cinq prochaines années, les plus décisives du processus entamé voilà maintenant huit ans et qui a permis au pays de constituer une heureuse exception et comptabiliser des avancées considérables dans la démocratisation de son système politique.

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