De Mistura, l'envoyé personnel des Nations Unies pour le Sahara, signe pour l’instant un échec – Par Bilal Talidi

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Steffan de Mistura, l'envoyé personnel du Secrétaire général de l’ONU chargé de la question du Sahara, à Pretoria avec la chef de la diplomatie sud-africaine Naledi Pandor

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Le Patient et l'intempestif - Par Bilal TALIDI

Mardi dernier, Steffan de Mistura, l'envoyé personnel du Secrétaire général de l’ONU chargé de la question du Sahara, a présenté un briefing spécial devant le Conseil de sécurité. Comme à l'habitude, il a inclus les dernières nouvelles sur la situation concernant le conflit du Sahara ainsi que les résultats des consultations qu'il a menées avec les parties concernées par le conflit et les acteurs internationaux. 

Alexandre Ivanko, chef de la mission de la MINURSO, a, de son coté, présenté son briefing sur les évolutions de la situation sur le terrain et les défis que l'organisation rencontre dans l'exécution de sa mission de surveillance du cessez-le-feu. 

Le contenu du briefing de l’envoyé personnel peut être considéré comme routinier, n’apportant aucune indication d'un changement imminent. Il est clair que M. De Mistura se trouve dans une situation très difficile. D'une part, il reconnaît la difficulté du processus de négociation en raison des divergences de points de vue des parties impliquées dans le conflit et évoque la possibilité d'un échec de sa mission. D'autre part, il affirme que la reprise du processus de négociation, conformément au mécanisme approuvé par les résolutions du Conseil de sécurité, est possible, ce qui implique l'engagement des parties concernées dans le mécanisme des tables rondes. 

Cette situation, à laquelle l'envoyé personnel est arrivé, résume en fait son approche de la gestion des négociations avec les parties concernées et aussi dans la désignation des acteurs internationaux qu'il a choisis pour consultation sur la question du conflit. Au lieu de se concentrer sur l'élaboration d'une vision pratique claire qui oblige les parties à appliquer la résolution du Conseil de sécurité et à s'engager directement dans l'activation du mécanisme des tables rondes, et à interagir positivement avec les évolutions de la situation internationale et les réalités créées par le désir de la communauté internationale de transformer la région du Sahara d'une zone de conflit en une zone de développement durable servant de base pour la généralisation des modèles de développement dans la région du Sahel au sud du Sahara, M. De Mistura a opté pour des options prétendant construire un '’équilibre’' illusoire dont la motivation se trouve apparemment dans son désir de perturber les progrès réalisés dans ce dossier par une diplomatie marocaine active. 

L'envoyé personnel du Secrétaire général, qui a insisté sur sa liberté de gérer la consultation avec les acteurs internationaux, n'a pas justifié objectivement ses choix des pays avec lesquels il a entamé la négociation, ni le lien de cela avec la question du Sahara, ni si ces visites contribuent ou non à l'avancement de ce dossier et à l'obligation pour les parties de mettre en œuvre les résolutions du Conseil de sécurité. Pour n’avoir à l’arrivée rien à réaffirmer si ce n’est à nouveau constater la difficulté du processus de négociation et l'éloignement des points de vue des parties concernées.  Et en définitive, se donner un autre espace pour justifier la poursuite de sa mission en suggérant que l'espoir est toujours permis. 

En fait, il y a là un gros problème que l'ONU doit prendre en compte, tant la nomination de l'envoyé personnel ne se limite pas à la capacité de communiquer avec les parties, d’écrire des rapports sur leurs positions et leur vision de la négociation, ni même de préparer des briefings sur ses consultations avec les puissances internationales actives. Ce sont là, en effet, des tâches routinières, qui accompagnent, généralement à la marge, la mission principale, qui est de faire avancer le processus de négociation et de développer une approche qui amène les parties à appliquer les résolutions du Conseil de sécurité et à négocier sur leur base

L'envoyé personnel a visiblement échoué dans cette mission, c'est-à-dire la mission de produire une méthode qui fait bouger les choses, et a également échoué dans une autre mission associée, celle de comprendre les dynamiques en cours, les transformations survenues dans la région, et les enjeux internationaux, qui ont atteint un niveau élevé de maturité et de consensus. Jamais auparavant un tel consensus n'avait été atteint au niveau international autour de la transformation de la région du Sahara en un portail de développement s'étendant à l'intérieur de l'Afrique. Jamais auparavant également, un aussi grand nombre de pays influents n'avait engagé des partenariats économiques stratégiques avec le Maroc, prenant en compte, et peut-être essentiellement, l'investissement dans la région du Sahara, sans que le conflit qui persiste artificiellement autour de la question n'ait empêché les pays de déplacer leur curseur du considérant politique au considérant économique, en brandissant la bannière du 'droit de la région au développement' pour surmonter le problème politique que ces pays avait d’habitude tendance à prendre comme amorce à toute démarche de ce type. 

M. De Mistura, dont on espérait une méthode intelligente de gestion des négociations et parvienne ainsi à une solution politique finale au conflit, est revenu aux positions classiques désuètes, réactivant 'la logique de l'équilibre' au lieu de prendre en compte la logique des grandes transformations et des enjeux fondamentaux qui font de la résolution intelligente du conflit du Sahara une porte d'entrée pour une solution plus large, touchant toute la région. Comme le montrent ses actions, l'envoyé personnel agissait sous l'impulsion de la peur des initiatives du Maroc, de la peur que son action soit conforme et soutienne son agenda, et de la peur que son action ne mette la pression sur l'Algérie pour l'engager à appliquer les décisions du Conseil de sécurité. 

Ainsi, comme le montre son dernier briefing, il s'est retrouvé incapable de convaincre les parties de s'engager dans un processus de négociation qui aboutirait ou préparerait une solution politique. Et aussi incapable de suivre les transformations que connaît l'affaire, après que l'Espagne, la France et les États-Unis, pour ne citer qu’eux, se soient engagés dans une vision commune, croyant en le développement du Sahara sous souveraineté marocaine comme l’unique entrée pour résoudre d'autres problèmes liés à la sécurité, au développement et à la stabilité dans la région du Sahel au sud du Sahara. 

Certains croient que la présence de l'Algérie au Conseil de sécurité a rendu la tâche de l'envoyé personnel difficile, réduisant son briefing presque à un discours avant l'annonce de l'échec de la mission. En réalité, cette présence, et celle auparavant de pays hostiles au Maroc au Conseil de sécurité, comme l'Afrique du Sud, n'a pas empêché l'émission de décisions qui étaient globalement une reconnaissance de la justesse et de la crédibilité de la proposition marocaine pour l'autonomie et une reconnaissance que l'Algérie est une partie dans le conflit, et non 'juste un acteur neutre aidant' à résoudre le conflit comme le prétendent ses responsables. 

Reste à voir ce que la prochaine mise au point de de Mistura apportera, car que sa mission se poursuive ou qu'il jette l’éponge, aucun des deux scénarios ne sont pas nuisibles pour le Maroc. Car la prochaine résolution du Conseil de sécurité ne peut différer de la décision précédente, notamment en ce qui concerne la confirmation que l'Algérie est une partie dans le conflit, et qu'elle doit s'engager dans les tables rondes pour reprendre les négociations. En cas d'annonce d'échec, cela signifie que tout futur envoyé personnel ignorant les réalités du terrain et les grandes transformations en cours, sous prétexte de s'en tenir à une thèse classique intitulée l'équilibre, son destin sera similaire à celui de nombreux autres qui ont échoué, alors que le Maroc continue de progresser sur le terrain.

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