La critique ou l’hégémonie du sens commun?

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couv-montage-laroui Le contexte dans lequel ?volue la pens?e dans ??le monde arabe?? est caract?ris? par une continuelle tension entre la conscience et la r?alit? Nos penseurs contemporains, particuli?rement ceux qui ont centr?s leurs efforts th?oriques pour d?voiler des ?l?ments constitutifs de la ??Raison??, en critiquant ses fondements th?ologiques, estiment, dans leur majorit?, qu?il faudrait mener un travail de reconstruction d?une synth?se susceptible d?introduire une dimension critique dans la pens?e. Que se soient ceux qui furent sous influence des id?es des Lumi?res ou ceux qui ont int?rioris? les concepts des diff?rents syst?mes philosophiques ou m?me ceux qui ont tent? d?int?grer l?approche d?constructrice, comme Khatibi, ou Arkoun ? certains ?gards. Ils ont appel?, tous, ? introduire une exigence de rationalit? et de critique dans le traitement des grandes questions qu?habitent la culture arabe. Ces penseurs appartiennent, ? mes yeux, ? la pens?e critique universelle, pour la raison simple et toutefois fondamentale, qu?ils ont construit leurs textes et leurs ?crits ? partir du contact direct avec l?histoire des id?es ?philosophiques, historique et politiques produites en Occident. Ils n?ont aucune g?ne ? faire appel ? tel ou tel penseur ?ou ? s?inspirer des r?f?rences th?oriques produites dans ??le march? universel de la pens?e??. Mohammed Aziz Lahbabi s?est inspir? des ouvertures du personnalisme de Mounier et de la philosophie de Bergson avec aisance. Abdallah Laroui revendique l?historicisme comme horizon de sortie du???retard historique??, ou Khatibi, quand il pr?ne une ??double critique??, ?tait guid? par le mode de questionnement de Derrida ou des Mohammed Abid Al jabri et Arkoun quand ils s?inspirent de Kant, de Marx, de Bachelard, de Foucault ou des diff?rentes sciences humaines. Khatibi a m?me d?clar? une fois qu?il r?fl?chit ? partir d?un ?l?ment refoul? dans la pens?e arabe qu?est la philosophie grecque. On postule que tout texte, ou tout ?crit peut-?tre critique ? partir du moment o? il arrive ? construire son mode de questionnement et ? produire du sens, ou plut?t un nouveau sens. Il arrache, ainsi, un espace de libert? de penser dans la production th?orique et intellectuelle. Cet objectif est impossible ? atteindre sans une r?flexion qui soit ? l??coute du travail philosophique en tant qu?effort dialectique, d?monstratif et une qu?te de sens. Il me semble, l?gitimement, qu?un ensemble de corpus produit par des penseurs arabes contemporains r?pondent ? cette exigence cognitive. Jusqu?? quelle limite la pertinence de leur critique ?branle le poids de l?historicit? et de la tradition et propose des ouvertures pour la pens?e arabe?? Avant d?approcher cette question il est opportun de constater que le contexte dans lequel ?volue la pens?e dans ??le monde arabe??, selon les pays et les exp?riences diff?renci?es, est caract?ris? par une continuelle tension entre la conscience et la r?alit? et par un statut probl?matique de l?acte critique dans des conjonctures hostiles ? la libert? d?expression et de penser. D?un autre c?t?, la conscience, du point de vue ph?nom?nologique, est une conscience de quelque chose, d?objets par un sujet. Cette d?finition pourrait ?tre pertinente ? propos de la question de la pens?e et de l??tre, comme elle peut ?tre limit?e, mais la conscience arabe contemporaine, avec ses diff?rents courants et r?f?rences, s?est constitu?e, semble-t-il, dans le cadre de rapports troubles avec ses objets, ? tel point qu?on est amen? ? dire qu?elle a conscience de choses qu?elle n?est pas appel? ? prendre comme objet de conscience. Nos penseurs sont frapp?s par le malaise qui habite cette conscience et les manifestations d??tranget? qu?elle exprime et ne cesse de reproduire. Certains parmi eux ont ?t? emmen?s ? se d?marquer de l?histoire de la philosophie pour int?grer des pr?occupations o? s?imbriquent la culture, la politique et des consid?ration civilisationnelles, o? s?enchev?trent l?histoire et l?id?ologie, ? tel point que le discours sur la ??philosophie arabe?? a besoin d??tre pr?cis? et interrog?, car il s?agit, beaucoup plus, de ce que Hicham Djait appelle ??la philosophie de la culture?? qui fait de l?identit?, de la tradition, de la raison, des rapports Orient- Occident, ?des th?matiques de choix. Cette prise de conscience fut confront?e ? un double enjeu?; le premier est inh?rent aux rapports probl?matiques avec l?Occident, dans ses diff?rentes manifestations coloniales et civilisationnelles?; le deuxi?me est li? aux conditions de questionnement de la culture arabo-musulmane. C?est ainsi qu?un ensemble de penseurs ont consid?r? que toute ?valuation de la tradition arabo-musulmane pr?suppose, de mani?re d?terminante, le d?voilement des ?l?ments constitutifs de la ??Raison?? qui a produit cette tradition face ? laquelle les arabes n?ont pu se d?marquer?; d?abord parce qu?une connaissance ad?quate de cette tradition leur fait d?faut?; et ?ensuite ?s?engager dans un travail critique pour ??r?gler ses comptes?? avec cette historicit? lourde qui exclut l??tre et r?siste contre toute tentative d?analyse rationnelle ou d?entreprise cr?atrice. Si cette historicit? a ?t? surexploit?e par le despotisme durant les quatre derni?res d?cennies en emp?chant la libert? de pens?e et la r?flexion, il a, dans les faits, permis ?la production de discours et d?actions d?une rare violence au nom de la religion et ? une mont?e vertigineuse d?un processus de fanatisation des esprits. Toute initiative intellectuelle ??moderne?? ou critique, face ? ce contexte, peut sembler une h?r?sie ou ?une dissidence par rapport au ??sens commun??.

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