Les enjeux futurs de la cohésion sociale

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La probl?matique de la coh?sion sociale est au c?ur des pr?occupations des Etats de par le Monde, parce qu?elle est au centre de tout ce qui a trait au renforcement du lien social et du vivre ensemble dans les soci?t?s modernes. Cependant, il est tr?s difficile de cerner son contenu, identifier ses fondements et rendre compte des instruments et des m?canismes de sa consolidation. Car si cette question est d?une grande complexit?, la r?flexion ? son sujet n?a r?ellement d?marr? qu?au d?but des ann?es 2000, que ce soit par des instituions internationales ou r?gionales comme le PUND, la Banque Mondiale, l?OCDE ou le Conseil de l?Europe, ou par d??minents ?conomistes et experts comme A.Sen, J. Stiglitz, M.? Yunus, L. Davoine, sans oublier de citer les apports d?institutions marocaines comme le CESE dans le cadre de la Nouvelle Charte Sociale que son Assembl?e G?n?rale a adopt? en d?cembre 2011, le Haut-Commissariat au Plan et l?Institut Royal des Etudes Strat?giques.

Ces pr?cautions d?usage ?tant et pour aller ? l?essentiel, le contenu et les fondements de la coh?sion sociale peuvent se ramener ? trois types d?indicateurs permettant ? des individus et des groupes sociaux de vivre ensemble pleinement leur citoyennet??:

  • Il y a les indicateurs constitutifs des droits humains fondamentaux n?cessaires ? la couverture des besoins essentiels de l?homme dans leurs dimensions ?conomique, sociale, politique, culturelle et environnementale, et dans leurs aspects mat?riel et immat?riel, quantitatif et qualitatif et ce dans le respect stricte d?un traitement non discriminatoire en fonction du genre, du milieu de r?sidence, du culte, de la langue et de l?origine ethnique. Ces droits permettent ? toutes les composantes d?une collectivit? nationale d?atteindre 1) un d?veloppement humain globale, int?gr? et durable compatible avec le niveau de vie reconnu par la collectivit?, et 2) un socle de protection sociale garantissant les citoyens contre les risques divers de la vie (maladie, ch?mage, accidents de travail, invalidit?, vieillesse, handicaps divers, ...).
  • Des indicateurs relatifs ? la gouvernance institutionnelle garantissant la participation, la libert?, la dignit?, la s?curit?, la justice, l??quit?, le contr?le d?mocratique des politiques publiques et la gestion responsable des affaires de la collectivit?.
  • Et enfin des indicateurs de bien ?tre, versus des indicateurs du bonheur ciment?s par une vision partag?e de l?avenir collectif, une ambition nationale contractualis?e et un projet de soci?t? partag?e.

Le niveau de ces indicateurs donnent g?n?ralement la mesure du degr? de renforcement du lien social et du vivre ensemble dans une soci?t? donn?e ? un moment donn? de son histoire et corr?lativement le niveau et la nature de la coh?sion sociale.

Une ?valuation de l??tat de ces indicateurs ? partir des donn?es disponibles tant pour le Maroc que pour les autres pays, r?v?le que la coh?sion sociale est moins solide que par le pass? et ce pour au moins trois raisons.

La premi?re r?side dans l?impasse face ? laquelle se trouvent aujourd?hui les mod?les sociaux dominants de par le monde, y compris ceux des pays nordiques r?put?s ? ce niveau exemplaires avec la France et la Belgique. Cette impasse se traduit par l??mergence de nouvelles g?n?rations de pauvres et de pauvret?, de ch?mage et de ch?meurs, d?exclusion et d?exclus. Les racines profondes de ces nouvelles r?alit?s qui d?stabilisent la coh?sion de nos soci?t?s se trouvent dans la crise des mod?les ?conomiques qui dominent ? l?heure actuelle le syst?me mondial. Ces mod?les cr?ent de moins en moins d?emplois et de richesses pour financer et la croissance et la solidarit? et ce sur un fond d?aggravation des in?galit?s sociales et spatiales entre les nations et ? l?int?rieur de ces nations.

La cons?quence sociale de cet ?tat de fait est le d?veloppement de nouvelles poches de pauvret?, la d?stabilisation de ce qui reste des classes moyennes et la saturation de la consommation des classes ais?es de la soci?t?, ph?nom?ne qui prend de plus en plus la forme de non sens consum?riste (gaspillages, fuites des capitaux, blanchiment de l?argent, ?).

La deuxi?me raison r?side dans l?aggravation du mode de financement de l?action sociale et de la solidarit? qu?ils s?agissent des r?gimes de couverture m?dicale, des retraites, de la compensation des prix des denr?es alimentaires de base, de l?indemnisation du ch?mage, ou des autres composantes de la politique sociale.

La troisi?me raison, enfin concerne la d?composition continue et acc?l?r?e des r?seaux anciens de solidarit? familiale, communautaire, tribale et de voisinage du fait de la pr?dominance de relations sociales fond?es de plus en plus sur des ?changes? principalement marchands. La rationalit? que dictent ces rapports marchands et la violence de l?argent qu?ils produisent, conduisent de par leur rationalit? intrins?que au repli sur soi, ? l??go?sme et ? la recherche exclusive de l?int?r?t particulier. Cette rationalit? syst?mique d?bouche ? terme sur l?isolement, la solitude et parfois m?me ? la d?sp?rance, d?stabilisant ainsi ? son tour le lien social et le vivre ensemble et corr?lativement la coh?sion sociale.

Pour toutes ces raisons r?unies la coh?sion sociale est menac?e un peu partout dans le Monde, y compris au Maroc. En effet, notre pays fait face ? au moins quatre menaces sociales correspondant ? quatre enjeux majeurs de la coh?sion?de sa soci?t? :

  • La crise structurelle de l??cole qui continue d?emp?cher notre pays de produire et reproduire une masse critique d??lites scientifiques, culturelles, politiques, syndicales, ?conomiques, administratives et civiles ainsi que des comp?tences d?un niveau d?excellence, d?int?grit? et d?engagement ? la mesure des ambitions trac?s et des d?fis ? affronter par notre pays en mati?re de cr?ation de richesses nouvelles et d?emplois productifs. Cette menace est ?galement au c?ur de celle de l?incapacit? objective d?une ?cole en crise de remplir ses autres fonctions en mati?re de production d?un savoir-?tre et de formation ? la citoyennet? ciments du lien social et du vivre ensemble, en raison de l?importance de l??ducation aux valeurs de solidarit?, de civisme social, de partage, d??coute de l?autre, de reconnaissance des diff?rences y compris sociales, et de tol?rance dans le renforcement de la coh?sion sociale;
  • Une protection sociale qui est loin d??tre g?n?ralis?e ? l?ensemble des citoyens et des r?gions du Maroc. En effet, si? 10 % seulement de la population marocaine est couverte par un r?gime de retraite, 56,5 % de la population n?est pas couverte par un r?gime d?assurance maladie, bien que le nombre de b?n?ficiaires de l?AMO dans les secteurs priv? et public et celui du RAMED connait une augmentation continue et significative. Cet ?tat de fait nourrit le sentiment d?exclusion et d?injustice chez de nombreuses couches de la soci?t??;?
  • La persistance, voir l?aggravation du ch?mage, notamment des jeunes, la mont?e des in?galit?s sociales et r?gionales et le blocage de la mobilit? sociale du faite de l?appauvrissement continu de ce qui reste des classes moyennes, et leurs corollaires l??mergence de nouvelles formes de pauvret? et de pauvres, de vuln?rabilit? et de vuln?rables, et d?exclusion et d?exclus. En l?absence ??d?un revenu minimum garanti?? et d?un syst?me d?indemnisation des ch?meurs, cette r?alit? exacerbe les frustrations, le sentiment d?exclusion, de laisser pour compte, et ?d?atteinte ? la dignit? et la citoyennet?.

Les implications concr?tes de cette menace sociale, qui risquent de prendre des proportions importantes ? l?avenir si rien n?est fait, sont d?ores et d?j? la prolif?ration des champs d?action du secteur informel, le d?veloppement de l??conomie du crime, l?attrait exerc? sur les jeunes par les activit?s illicites en sus de l??mergence et du d?veloppement d?une g?n?ration nouvelle de violences sociales.

  • Une gouvernance non encore appropri?e de la politique publique en mati?re d?action sociale et de solidarit?. Cette ? mal gouvernance?? r?side dans l?absence d?un pilotage institutionnel unifi?e des programmes sociaux dont le risque r?el est de perp?tuer l??clatement et l??parpillement de leur gestion, avec comme cons?quence la poursuite des d?perditions li?es ? l?absence de mutualisation des ressources humaines et financi?res, au d?ficit de coordination, de ciblage des vrais pauvres et donc de coh?rence et de convergence de toute la politique sociale.

Ces menaces montrent que notre pays n?a pas r?ussi encore ? contenir les diff?rentes formes de d?ficits sociaux, bien qu?il dispose de nombreux programmes d?action sociale et de solidarit?. Elles r?v?lent que l?Etat ne parvient pas encore ? ?lever le niveau d?efficacit? de ces programmes auxquels il consacre pourtant plus de 50% de son budget g?n?ral. Elles contribuent ? expliquer pourquoi, parall?lement aux actions men?es par l?Etat et par la soci?t? civile, notre pays n?a pas su et pu encore cr?er une dynamique nationale g?n?rale?autour de laquelle se mobiliseraient ?galement, avec l?engagement et la force n?cessaires, les acteurs syndicaux et politiques ainsi que les ?lites ?conomiques et administratives, et ce, malgr? l?existence d?un important arsenal d?institutions, de m?canismes, de dispositions et de programmes locaux, r?gionaux et nationaux.

Cette mobilisation g?n?rale, gage de la consolidation et la p?rennisation de la coh?sion sociale passe, cependant par le renforcement d?un partenariat structur?, contractualis?, innovant et volontariste entre l?Etat, la soci?t? civile, le secteur priv? et les autres forces vives du pays autour de l?action sociale et la solidarit?.

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