Aux Philippines, la danse pour redécouvrir sa sensualité

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Sur cette photo prise le 25 février 2024, Chriselle Guno (à droite) se produit pendant un cours au Chairlesque, un studio de danse burlesque et de danse sur chaise, à San Juan, dans la région métropolitaine de Manille. Aux Philippines, pays profondément conservateur, un studio de danse burlesque et de danse sur chaise aide les femmes à exprimer leur sexualité et à accepter leur corps. (Photo JAM STA ROSA / AFP)

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En tenue dénudée, Christelle Guno se déhanche sur un tube de Britney Spears en agrippant une chaise, dans un cours de danse à Manille: comme d'autres femmes, elle cherche à faire fi des tabous et à renouer avec sa sensualité grâce au "chairlesque".

Construit à partir des termes "chair" (chaise, en anglais) et burlesque, ce genre inventé par l'animatrice des lieux, Noreen Claire Efondo, vise à décomplexer les femmes en leur permettant d'adopter des postures lascives sans peur du regard des autres.

"Depuis que je suis petite, les gens se moquent de moi parce que je suis potelée. Ca a sapé ma confiance en moi", confie Christelle Guno, qui se dit enchantée de ce cours.

"Je l'ai choisi car c'est un lieu dans lequel je me sens en sécurité et où je peux exprimer mes émotions", ajoute-t-elle. Grâce à cette danse, "je me sens sexy et je trouve la confiance en moi que je recherchais".

Dans un pays à 80% catholique, où les questions de sensualité et de sexualité restent souvent taboues, c'est précisément le but que Noreen Claire Efondo s'était fixé en créant le chairlesque en 2017.

"C'est vraiment important de pouvoir se sentir sexy et sensuelles car notre corps a besoin de se détendre. Il a besoin de se libérer de toutes ces inhibitions" imposées par la norme sociale, souligne-t-elle.

Au début, les nouvelles élèves sont invitées à s'exprimer sur leurs complexes et leurs préoccupations concernant leur corps et leur sexualité.

Puis Noreen Claire Efondo leur apprend à faire bouger langoureusement leur corps non seulement en position debout, mais aussi couchées ou assises.

"S'aimer soi-même" 

Un exercice qui attire également des femmes matures, comme Henna So. "J'ai envie de m'offrir cela ", explique cette mère de 50 ans, qui dit vouloir renouer avec son corps et sa sensualité maintenant que son fils est grand.

"Après tout ce que j'ai donné pour l'éducation de mon fils, je pense qu'il est temps que je m'aime moi-même. S'aimer soi-même, c'est le préalable à tout le reste", souligne-t-elle.

Démarche partagée par Bianca Alvarez, 38 ans, qui confie chercher elle aussi à "nourrir" une sensualité étouffée au quotidien par son rôle d'épouse et de mère de deux enfants.

Reste que cette approche visant à décomplexer l'appréhension de son corps ne fait pas l'unanimité aux Philippines, où sur les réseaux sociaux Mme Efondo est parfois accusée de faire "honte" aux femmes.

Dans le pays, les questions de sexualité restent taboues, en particulier pour les femmes, relève la sexologue clinicienne Rica Cruz. "Le simple fait de parler de sexe est jugé vulgaire, car on estime qu'une femme n'a pas à parler de ça", résume-t-elle auprès de l'AFP.

Pour Christelle Guno, le chairlesque a permis de jeter les complexes à la rivière.

La jeune femme, qui lors de ses premiers cours il y a deux ans dansait sans presque dévoiler son corps, est aujourd'hui parfaitement à l'aise en simple bikini.

"C'est vraiment dur aux Philippines. Je n'entre pas dans les canons de beauté de la plupart des gens", relève-elle. Opératrice en centre d'appel, elle dit vouloir devenir à son tour formatrice de chairlesque "pour aider d'autres femmes à s'accepter elles-mêmes". (AFP)

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