Cycle Fatima Mernissi : Où en sont les droits des femmes marocaines ?

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‘’ Le débat s’est amplifié et s’est fixé sur le code de la famille grâce au discours royal du 30 juillet dernier, qui a constaté que l’application du code de la famille pose problème et montre qu’il y a des insuffisances et lacunes, ainsi que des contradictions entre les différentes dispositions du code de la famille’’ (Malika Berradi)

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Le troisième débat du Cycle Fatima Mernissi, programmé par le CCME dans le cadre du SIEL-2023, a été consacré à la thématique « Où en sont les droits des femmes marocaines ? ». Il a réuni un panel de spécialistes en la matière, notamment Malika Benradi, Fatima Aït Ben Lmadani, Rabéa Naciri, Imane Elmalki, Samira Bouhout Tayebi et Mohamed Kilito, avec la modération d’Amina Lemrini.

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Vue de l’assistance - « Quand on est croyant, on ne peut pas accepter une injustice. Or, le système successoral d’aujourd’hui est injuste vis-à-vis de plusieurs catégories de femmes » (Rabéa Naciri).

Dans sa présentation, Amina Lemrini a salué le choix fait par le Conseil de la Communauté Marocaine à l’Etranger de la thématique autour des droits des femmes Marocaines, puis de consacrer toute un programme qui évoque la pensée, l’esprit et l’apport combien important de la défunte Fatima Mernissi, surtout en ce moment où le Maroc connait toute une dynamique concernant les droits des femmes.

Dans son intervention intitulée pour « une citoyenneté complète de la femme au Maroc », la professeur-chercheure, Malika Benradi, a indiqué que cette dernière est encore inachevée. « La preuve en est tout le débat ouvert il y a plus d’une année sur l’harmonisation de l’arsenal juridique marocain avec les dispositions constitutionnelles (Constitution de 2011), notamment l’article 19 qui pour la première fois dans l’histoire du pays consacre le principe de l’égalité aux femmes dans tous les droits, y compris civils, et le principe de la non-discrimination fondée sur le sexe, en tant que premier critère, et la primauté des normes internationales, des conventions internationales ratifiées par le Maroc sur les lois nationales. Le débat s’est amplifié et s’est fixé sur le code de la famille grâce au discours royal du 30 juillet dernier, qui a constaté que l’application du code de la famille pose problème et montre qu’il y a des insuffisances et lacunes, ainsi que des contradictions entre les différentes dispositions du code de la famille », explique Benradi. Et d’ajouter que le mouvement des femmes réformistes revendique la réforme de ce code et la réforme du code de la nationalité. Et ce, en répondant, pour le premier, à la question du référentiel national égalitaire et à toutes les conventions que le Maroc a ratifiées. Puis, pour le second de compléter sa révision. « Le mouvement a identifié différentes dispositions discriminatoires qui sont en contradiction avec la constitution et avec les engagements internationaux du Maroc », souligne-t-elle. Ce mouvement parle, ainsi, de l’approche à adopter qui est une approche purement juridique et droits humains et qui va adopter l’approche genre pour être en conformité avec l’article 19 et les engagements internationaux du Maroc, afin d’achever la citoyenneté pleine et entière des femmes.

Pour l’enseignante-chercheure, Rabéa Naciri, dont l’exposé a porté le titre : « Pour un système successoral égalitaire », ce plaidoyer pour l’égalité et la justice, se justifie par trois impératifs : celui moral des droits de l’homme, c’est-à-dire la prohibition de la discrimination, le deuxième est d’ordre religieux, sachant que l’Islam préconise la justice. « Donc, quand on est croyant, on ne peut pas accepter une injustice. Or, le système successoral d’aujourd’hui est injuste vis-à-vis de plusieurs catégories de femmes ». Le troisième impératif, que Rabéa considère comme le plus important, est celui des réalités sociales au Maroc, remettant en questions deux grands paradigmes sur lesquels est basé le code la famille, notamment le fait que l’homme est le pourvoyeur des ressources de la famille, puis le deuxième concerne la famille patriarcale élargie. Ce qui ne correspond pas aux réalités sociales d’aujourd’hui, souligne Rabéa en citant plusieurs exemples, en premier lieu le rétrécissement de la famille et le vieillissement de la population qui mettent à mal le système successoral.

Le mot de Mohamed Kilito, membre du Collectif pour les Législations Egalitaires (CLE), s’est axé sur l’analyse genre des principaux textes juridiques et institutionnels du Maroc. « Ce rapport se veut un plaidoyer pour les lois et pratiques égalitaires mettant à la disposition des associations féministes, des défenseurs des droits humains et de la société civile un outil d’inspiration et d’accompagnement des initiatives législatives. Cette analyse genre s’est basée sur les travaux, études, rapports et mémorandum des ONG de défense des droits de femmes et propose les réformes nécessaires pour l’harmonisation de l’arsenal juridique avec la convention internationale des droits des femmes et de l’enfant », affirme Mohamed Kilito.

De son côté, la magistrate Imane Elmalki, a évoqué certains aspects de l’administration judiciaire et du travail auprès des tribunaux qui concerne la femme résidente à l’étranger. « J’aimerais traiter ce sujet sur deux points essentiels : le premier concerne l’ensemble des activités qui ont été initiées au sein du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire et l’autre volet sur le travail judiciaire de l’ensemble des tribunaux du Royaume (tribunaux de première instance et les cours d’appel). Au niveau du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire, en 2022, une circulaire conjointe du président délégué du ministre de la justice et du Président de la PNP fut d’une grande importance pour le traitement des affaires judiciaires qui concernent les immigrés en général. On a, aussi, pensé à installer cellules régionales et une cellule centrale pour le traitement de ces sujets et leur suivi. Durant la période 2022, on a reçu un grand nombre de doléances de la part des immigrés (19.446 doléances pour les tribunaux de première instance, et 7400 pour Cours d’Appel) qui concernent, en général, les droits de la famille, le droit foncier, puis le droit pénal. Le pourcentage de la femme dans le cadre de ces statistiques est de 19% et 81% concernent les MRE hommes. On essaye de notre mieux pour faciliter les démarches pour leur éviter les aller-retour ».

La sociologue Fatima Aït Ben Lmadani a surtout focalisé son intervention sur « Immigrés : discrimination et reconnaissance », en parlant des personnes immigrées marocaines âgées, il y a le temps de l’urgence pour ces femmes qui ont plus de 70 ans se posent les questions de rapatriement, du décès et du traitent de leurs problèmes arrivant à la retraite. « Il y a la dette de mémoire qui est très importante pour ces personnes : elles attendent du Maroc, mais aussi de la France où elles ont vécu et travaillé dur.  Il y a, ensuite, la question de logement où plusieurs d’entre elles continuent subissent une discrimination au moment de la retraite et en retournant au Maroc, beaucoup se sont faites avoir par des membres de la famille. Et là, je souhaite que les tribunaux marocains prennent la question d’intersectionalité en question dans le jugement ». Pour Fatima, un travail sur la question de mémoire et de reconnaissance est impératif.

Samira Bouhout Tayebi, la maire de Clichy sous-bois, a donné un retour en images et en paroles de ce que peuvent vivre les femmes immigrées en France. « C’est quand les problèmes arrivent qu’elles commencent à s’intéresser aux droits au Maroc. Je reçois beaucoup de femmes qui ont des problèmes de partage de biens avec les époux, de garde d’enfants et autres, de l’autorité parentale et autres ». 

C’est vrai que le Maroc a fait beaucoup de démarches pour régler certains problématiques de la femme, mais toujours est-il qu’il y a encore beaucoup à faire.

 

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