L’autisme au féminin

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Les petites filles présentant des troubles Asperger (Autisme) parviennent mieux à socialiser et à se faire des amis à l’école, et ont des loisirs (d’apparence en tout cas) plus « normaux » que ceux des garçons autistes

C’est un peu délicat, mais bien une réalité, les femmes autistes sont de plus en plus nombreuses à découvrir leur maladie tardivement, à l’âge adulte. Les spécificités féminines de l’autisme font qu’elles sont plus difficiles à diagnostiquer. C’est en tout cas un problème que soulèvent des chercheurs un petit peu partout dans le monde, tel que le professeur Laurent Mottron (Université de Montréal, Canada), qui a lancé une étude sur « l’autisme au féminin ».

L’art du camouflage. En effet, ces femmes autistes qui s’ignorent, développent d’infinies stratégies de compensation de leurs handicaps, et c’est cette façon de vivre les innombrables déficits de la maladie, qui donne naissance au terme « handicap invisible » utilisé pour parler de certaines formes d’autisme de haut niveau, rapporte Fabienne Cazalis dans une étude parue dans La Tribune.

L’ « Aspergirl », ou l’art de l’imitation sociale. Ainsi, les petites filles présentant des troubles Asperger (Autisme) parviennent mieux à socialiser et à se faire des amis à l’école, et ont des loisirs (d’apparence en tout cas) plus « normaux » que ceux des garçons autistes, qui, au lieu des objets animés tels que les chevaux, les chats, les célébrités, les fleurs etc., sont tentés de préférer les objets inanimés comme les plans de métro, les robots, les réseaux ferroviaires…

Nous sommes bien d’accord, ces femmes autistes l’ignorent elles-mêmes. Et ce serait la pression à la conformité, imposée aux petites filles, qui finit par faire d’elles des femmes qui vivent leur maladie dans la retenue, la discrétion. Elles présentent donc, moins d’agitation physique que les garçons Asperger, dont les troubles anxieux sont parfois plus spectaculaires ; et c’est ce qui rend la procédure de diagnostique, qui est déjà hasardeuse pour les hommes, un véritable parcours du combattant pour les femmes. Oui, ces femmes parviennent même à camoufler leurs stéréotypies et font en sorte que les signes de leur état sautent moins aux yeux de la famille, enseignants, collègues, recruteurs, médecins etc.

Prenons l’exemple de cette autiste qu’on va appeler Marianna. La description de cette jeune femme pourrait correspondre à celle de n’importe quelle femme qui pénètre dans la sphère autistique, sans le savoir.

Marianna passe aujourd’hui un entretien d’embauche. Elle ondule anxieusement une mèche de cheveux, on pourrait penser qu’elle est tout simplement nerveuse comme toute personne dans ce contexte. Et bien, il n’en n’est rien de vrai. Elle est, en réalité, même littéralement au bord de la crise de panique.

Une fois entrée dans le bureau du recruteur, l’homme la questionne sur son parcours universitaire, c’est un souhait exaucé pour elle, et elle se lance avec dynamisme sur son sujet de mémoire- portant-à priori, sur une étude, la modélisation météorologique, elle qui a fait des études en mathématiques.

Il la coupe, visiblement agacé. Il veut savoir la raison pour laquelle elle postule comme aide-comptable intérimaire alors qu’elle n’a ni expérience, ni formation. Marianna n’est pas très douée pour deviner ce que pensent les gens d’elle ; Mais elle sait maintenant qu’à la manière dont le recruteur la toise, qu’il l’a prend pour une incapable. Accablée, elle est au bord de l’évanouissement, même si elle arrive à se composer un visage impassible. Quelques minutes plus tard, la voilà sur le trottoir, elle tremble et pleure de rage. Comment peut-on être aussi nulle, se maudit-elle.

Après de multiples chutes à bord et en dehors du bus, quelqu’un appelle les pompiers. Marianna se réveillera en hôpital psychiatrique, et en sortira avec un diagnostic erroné de trouble psychique et des médicaments à trop forte dose qui ne résoudront aucun problème.

Si elle recevait le diagnostique d’autisme de haut niveau qui lui correspond, elle comprendrait peut-être enfin sont propre fonctionnement. Elle pourrait aussi se retrouver proche d’autres autistes et tirer le bénéfice dont elle a besoin pour apprendre à surmonter ses propres difficultés.

Au cours des études qui ont été menées sur l’autisme, en général, les recherches qui ont été effectuées sur les groupes de sexe masculin ont pris le pas, sur celles réalisées sur les groupes de sexe féminin. Ainsi, les recherches ont majoritairement été menées sur des groupes d’enfants garçons. Cette sous-représentation des sujets féminins est aujourd’hui lourde de conséquences.

En s’informant d’une façon plus consciencieuse sur les formes très différentes que peut prendre l’autisme, chacun pourra agir pour que ces enfants et ces adultes trouvent leur place et intègrent cette société.

Précisons-le encore une fois, c’est parce qu’elles sont intelligentes et autonomes, parce qu’elles sont drôlement habituées à pallier aux difficultés de communication propres à leur maladie, des difficultés dont elles n’ont pas conscience, que ces femmes passent à travers les mailles du filet, encore trop lâche du dispositif de diagnostic.

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