Rosario, la ville natale de Lionel Missi et Che Guevara, où la mort guette au coin de la rue – Par Hicham Lakhal

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Rosario, l'une des villes les plus importantes d'Argentine, notamment grâce à son port fluvial très fréquenté, a enregistré un record de 288 meurtres par armes à feu

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Par Hicham LAKHAL (Bureau de la MAP à Buenos Aires)

Rosario (Argentine) - Lundi dernier, Carmen Ignacia Nunez, 65 ans, sirotait tranquillement un verre de maté dans la cour de sa maison au sud de la ville argentine de Rosario, lorsqu'elle se fait surprendre par des individus qui lui ont tiré dessus depuis une voiture. La femme a succombé à six impacts de balle, dont deux en pleine tête.

Quelques heures après le meurtre de Carmen, la mère d'un officier de police, Marta Latanca, une femme de 50 ans, a été tuée dans un autre quartier de Rosario, la ville d'Argentine qui se trouve plongée depuis des années dans une spirale de violence sans fin.

Le meurtre de Carmen et Marta, et avant elles d’un policier et d’un membre d'un gang de trafiquants de drogue, aux mains de tueurs à gages, sans parler des attaques répétées contre le siège de la police et les stations de radio et de télévision sont les épisodes d'un quotidien terrifiant pour les habitants d'une ville qui ne jure que par les coups de feu. Un quotidien qui éclipse la renommée footballistique internationale de la ville qui a vu naître Lionel Messi, Angel Di Maria, ou encore Che Guevara.

Au cours de l'année dernière, Rosario, l'une des villes les plus importantes d'Argentine, notamment grâce à son port fluvial très fréquenté, a enregistré un record de 288 meurtres par armes à feu. Depuis le début de l'année, 41 personnes ont été tuées en moins de deux mois.

De temps à autre, les victimes de cette vague de violence descendent dans la rue pour dénoncer la transformation de leur ville en "capitale du crime et des assassinats en masse, en l’absence de toute protection", comme l’affirme le représentant des familles des victimes.

Le sursaut d’indignation est arrivé jusqu'à la Cour suprême fédérale, qui a récemment demandé au gouvernement central de répondre aux menaces reçues par les juges et procureurs fédéraux de la région de Santa Fe (dont fait partie Rosario).

Le gouvernement, lui, s'est engagé, par l’intermédiaire du ministre de la Sécurité Anibal Fernandez, à renforcer la protection des autorités judiciaires et à consolider la sécurité dans la province, dont le gouverneur, Omar Berutti, a remplacé quatre ministres régionaux et dix chefs de la police.

Berutti estime que la nomination récente d'Agustin Rossi, originaire de la province, au poste de Premier ministre contribuerait à consolider la sécurité dans sa région natale.

Il a par ailleurs averti que la drogue et les armes entrent dans le pays depuis l'étranger, ce qui mérite une présence renforcée de forces fédérales, car "l'Argentine ne peut pas permettre que cela se produise sur ses terres".

Du côté de l'église, le diocèse de Rosario a tiré la sonnette d'alarme sur la situation des habitants de la ville, affirmant que "la pauvreté n'est pas le seul problème qui guette de larges franges de la société, mais c'est surtout le cauchemar d'une violence terrifiante".

L'église a dénoncé les conditions sociales de la ville qui ont créé "un terrain propice à la toxicomanie et au trafic de drogue, un commerce illicite aux intérêts épouvantables dont nous ne pouvons expliquer la croissance que par une protection de certains cercles du pouvoir".

Elle a regretté que les représentants des autorités judiciaires, exécutives et législatives ne sont pas encore en mesure de concevoir des politiques publiques claires pour affronter cette violence avec détermination et courage et mettre fin aux souffrances des citoyens.

La presse tente de faire la lumière sur le phénomène de la violence dans la ville et souligne, sur la base d'avis d'experts, que le problème s’explique par le fait que les gangs rivaux et les réseaux de trafic de drogue enrôlent désormais les enfants, dénonçant que les rues de Rosario sont quotidiennement le théâtre d'incidents de tir aux mains d'enfants.

Le fait que les criminels emprisonnés maintiennent les liens avec l’extérieur, via leurs téléphones portables, est considéré par les médias comme l'un des plus grands dangers qui entravent la lutte contre la violence. Les méfaits des tueurs à gage ont dépassé les limites de la ville et se sont même étendues à la capitale Buenos Aires et à Parana, où des meurtres ont été commandités depuis les prisons.

De l'avis des experts, il est primordial de mettre en œuvre un plan pour éloigner les jeunes de la consommation et du trafic de drogue, car l’approche purement répressive a montré son inefficacité pour mettre fin à la spirale de violence.

Ils recommandent d'investir dans l'éducation à moyen et long termes, tout en luttant que la corruption au sein de la police et les complicités dans la sphère politique, rappelant que cette année verra l’organisation d’élections générales sur fond d’une proximité avérée entre certains politiciens et des trafiquants de drogue.

 

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