Un discours réquisitoire

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Le Souverain a fustigé l’argument de certains responsables politiques qui affirment qu’on ne les a pas laissés travailler. Le Roi leur a répondu qu’ils n’avaient qu’à démissionner, ce que rien ne leur interdit de faire

Le Roi lui-même a relevé qu’il n’avait pas parlé du Sahara ou de l’Afrique, comme pour signifier la gravité du moment. Maintenant, l’attente des Marocains concerne les effets

Les Marocains attendaient du Roi que, à l’occasion de la fête du trône, il offre une issue aux événements d’Al Hoceima, ville où des manifestations ont lieu depuis 8 mois. Le Souverain a pris soin, avant la diffusion du discours, de libérer des détenus en usant de son droit de grâce, qui lui est conféré par la Constitution. Le souverain donnait un signal fort pour l’apaisement d’Al Hoceima. On prévoyait un discours royal fort, il l’a été de manière inédite. Le Roi a prononcé un véritable réquisitoire, à la fois contre les partis politiques et l’Administration. En effet, l’incapacité des partis à jouer le moindre rôle auprès des populations d’Al Hoceima a été dénoncée, tout au long de ces mois. Dans son discours, le Roi est revenu sur le rôle constitutionnel des partis, celui d’encadrement des citoyens et non pas juste la tenue de congrès et la compétition électorale. Ce constat est unanime dans ce pays qui connaît une grande défiance vis-à-vis de la classe politique, défiance renforcée par l’épisode des tractations pour la constitution de l’actuel gouvernement. D’ailleurs, dans son discours, le Souverain a fustigé l’argument de certains responsables politiques qui affirment qu’on ne les a pas laissés travailler. Le Roi leur a répondu qu’ils n’avaient qu’à démissionner, ce que rien ne leur interdit de faire. C’est une réponse claire à ceux qui se cachent derrière de tels arguments pour fuir la responsabilité de leurs propres échecs. La charge la plus lourde a tout de même été réservée à l’Administration. Pointés du doigt, ceux qui se contentent de percevoir un salaire, même modeste, sans ambition, ni sérieux dans leur engagement. Le Souverain relève le contraste avec les Marocains qui dirigent de grandes entreprises internationales. Il a rappelé que l’Administration était là pour fournir des services publics, répondre aux sollicitations des populations. Il a notamment désigné les centres régionaux d’investissements (CRI), qui au lieu de faciliter la création d’entreprises deviennent un écueil et renvoient tout à l’Administration centrale. Tous les dysfonctionnements ont été fustigés dans ce discours, où Mohammed VI a rappelé que « construire un barrage ou creuser un puits, requiert la même attention, la même importance », pour signifier qu’il est inadmissible que l’Administration centrale ne s’attache qu’aux grands projets, délaissant la vie quotidienne des populations souvent excentrées. Le seul corps qui n’a pas été épinglé dans ce discours, ce sont les forces de sécurité. Attaquées par une certaine presse, qui mettait en cause « l’approche sécuritaire » à Al Hoceima, ces forces ont eu l’appui du Roi. Le Souverain a rappelé que les forces de l’ordre n’ont fait que leur devoir en protégeant les biens et les personnes dans le cadre de la loi. Cela devrait mettre fin aux tentatives de membres du gouvernement qui, pour masquer leur incapacité à calmer les manifestants, mettent en avant « l’approche sécuritaire », alors que pendant plusieurs mois, il n’y a pas eu le moindre heurt, tant que les manifestations étaient pacifiques. Ce discours réquisitoire tranche avec les précédents. Le Roi lui-même a relevé qu’il n’avait pas parlé du Sahara ou de l’Afrique, comme pour signifier la gravité du moment. Maintenant, l’attente des Marocains concerne les effets. On peut se diriger vers une refonte profonde de l’Administration dont on devrait voir les prémices rapidement. Par ailleurs, il est clair que ce discours et la libération des détenus sont un signal pour les manifestants d’Al Hoceima. La réponse du Roi va dans leur sens.

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