chroniques
La Constitution, ''des paris et des promesses'', le débat permanent
L??vocation de la r?vision de la constitution, un d?bat r?curent, revient cette fois-ci sur l?article 47 et les formes de d?signation du chef du gouvernement par le Roi. Un v?ritable serpent de mer, sans cesse occult?, sans cesse sur la table
Nadia Bernoussi, professeure de droit constitutionnel, qui a figur? parmi les comp?tences que le Roi Mohammed avait d?sign?es pour apporter leur contribution ? l??laboration de la Constitution de 2011, ?tait mercredi dernier parmi les panelistes ???lectrons libres?? que le RNI a invit?s ? ?clairer de leurs analyses les 20 ans de r?gne du souverain.?
Sa seule pr?sence ?s-qualit? indiquait que le d?bat constitutionnel au Maroc restait ouvert pour la simple raison que le Constitution marocaine n?a pas encore atteint la pleine maturit? qui lui permettrait de g?rer sur une longue p?riode, sans remise en cause, les pouvoirs entre les institutions du Royaume.?
Nadia Bernoussi en constitutionnaliste qui a mis la main ? la p?te pour p?trir la fourn?e 2011 de la Constitution per?oit celle-ci comme ??un moment tr?s fort?? dans l?histoire du constitutionnalisme marocain. Pour deux raisons?:?
D?abord, sa ??proc?dure a ?t? in?dite??, entendant par-l? que c??tait la premi?re fois dans l?histoire du Maroc que des Marocains ?laboraient une constitution pour les Marocains. Ce qui n?est pas rien. ?
Ensuite de par le ??contenu de la Constitution puisqu?il y a eu une v?ritable charte des droits fondamentaux et un r?am?nagement des pouvoirs publics??. Ce constat une fois fait ne pouvait?la mener qu?? aborder une ?ventuelle r?vision de la Constitution. Avec ? l?esprit que la plupart de ceux qui ?voquent ce sujet pensent essentiellement ? l?article 47 qui restreint le choix du chef du gouvernement aux rangs du parti arriv? premier aux ?lections.
Tout le monde a en t?te l??pisode de la d?signation de Abdalilah Benkirane ? la suite des l?gislatives de 2016 et le long blocage qu?a connu le Maroc provoqu? par son incapacit? ? d?gager une majorit? gouvernementale avant que le Roi le d?mette au profit de son fr?re de parti Sa?deddine El Othmani.?
D?aucuns ont pris appui sur ces p?rip?ties qui ont dur? six mois pour s?interroger sur l?imp?ratif de lib?rer le Souverain de la contrainte de l?article 47. D?autres soup?onnent les tenants de cette r?vision d?arri?re-pens?es sans rapport avec le fonctionnement d?mocratique. Le sujet, on le voit, est d?licat et complexe, sachant que toute modification dans ce sens pourrait ?tre interpr?t?e comme un retour en arri?re.
Une r?forme susceptible de contre-productivit??
La constitutionnaliste n?est visiblement pas chaude, d?autant plus qu?elle juge pareille r?vision contre-productive?: ??pourquoi vous voulez r?viser cet article juste avant les ?lections?? Cela fait r?vision pr?t-?-porter et fait victimiser le parti que l?on suppose va arriver en t?te??, tranche-t-elle. Et si Nadia Bernoussi ??n?est pas l? pour dire qu?il faut r?viser ou pas??, elle pr?cise, toutefois, que ??si l?on doit r?viser, il n?y a pas que l?article 47??.??
Sauf qu?ouvrir le chantier du relifting de la Constitution reviendrait ? emprunter la gal?re.? Sans doute la Constitution de 2011, ?labor?e dans l?urgence, s?est engag?e sur plus que le Maroc, avec les pesanteurs historiques qui sont les siennes, ne pouvait tenir. Nadia Bernoussi a d?nombr? 180 promesses qui correspondent aux 180 articles de la loi fondamentale. D?s le lendemain de leur adoption, des cercles du pouvoir estimaient que la Constitution a trop donn?.?
Dans ces conditions, il est souvent pr?f?rable de confier la correction des imperfections ? l?application et ? l?interpr?tation, au gr? des mouvements de la mar?e et de leur travail en profondeur.?
C?est un truisme, mais comme toute loi, la loi fondamentale ne vaut que par l?application qu?on en fait. A ce titre, la constitutionnaliste, qui a d?fini les articles de la Constitution comme autant de ??paris et de promesses??, estime que ??l?impl?mentation de la Constitution de 2011 n?a pas ?t? au rendez-vous??. Pour autant, elle a ent?rin? ou produit, selon les cas, d?importants acquis.?
Parmi ceux-ci, ??la lib?ration de la parole constitutionnelle. Depuis 2011, pr?cise Nadia Bernoussi, les 200 m?morandums re?us par la commission de Abdellatif Mennouni, en plus ce qui se passe sur les r?seaux sociaux et les journaux, montrent que la Constitution est devenue un sujet. Ce n??tait pas le cas avant.?? Sans doute. Une nuance toutefois?: D?s 1904, avec un pique en 1908, la question constitutionnelle commen?a ? prendre place dans l?agenda national. L?imposition du protectorat au Maroc rel?guera cette pr?occupation au second ordre, la priorit? ?tant d?sormais au recouvrement de la souverainet? du Royaume.
Mais d?s le lendemain de l?ind?pendance, elle reprend ses droits pour devenir centrale dans le d?bat politique, pr?sente en force dans les d?lib?rations du Conseil consultatif. Elle est un passage oblig? pour Allal El Fassi et ses partisans en vue de sortir le Maroc de la Monarchie absolue. Elle est un peu plus que ?a pour Mehdi Benbarka et ses camarades. Certes, la d?mocratie dans son acception occidentale n?est pas la motivation profonde de ce qu?on a pris l?habitude d?appeler le Mouvement national. N?anmoins la constitutionnalisation du r?gime est consubstantielle aux ??querelles?? sur le partage du pouvoir.?
1962, 1970, 1972, 1992 sont autant d?escales dans ce long parcours o?, ? ses d?buts, une ??Constitution octroy?e?? r?pondait ? la revendication d?une ??constituante??. Ce n?est qu?? partir de la Constitution de 1996 adopt?e, enfin?!, ? l?unanimit? moins la voix de Ait Idder et de son groupuscule, que le d?bat marquera une pause. Pas pour longtemps. En 2002, il ressurgit ? la lumi?re du d?part d?un premier ministre politique, Abderrahmane Youssoufi, au profit d?un technocrate, Driss Jettou.? Il prend alors la forme de respect ??de la logique d?mocratique?? qui voudrait que le chef du gouvernement ?mane du parti arriv? en t?te des l?gislatives. D?s lors on comprend pourquoi que dans sa r?ponse au 20 f?vrier, le Souverain a mis sur le tapis, en premier lieu, la r?forme constitutionnelle dont l?un des ?l?ments phares est pr?cis?ment l?article 47.??