Alger à la recherche désespérée d’une entente alternative à l'Union du Maghreb Arabe – Par Hassan Abdelkhalek

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Le président algérien Abdelmadjid Tebboune, le tunisien Kais Saied et le libyen Mohamed Younes El-Menfi, président du Conseil présidentiel samedi le 2 mars 2024 à Alger)

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Le régime algérien cherche à établir un bloc avec Etats de la région, comme alternative à l'Union du Maghreb Arabe, dans une tentative désespérée de cibler le Maroc et de servir son agenda dans la région. Ce n’est pas la première fois qu’Alger se lance dans semblables aventures. En 1983 déjà il avait conclu le ‘’traité de fraternité et de concorde’’ avec la Tunisie d’un Bourguiba vieillissant et la Mauritanie du colonel Mohamed Khouna Ould Haidallah, avec le résultat que l’on sait.

Cette sempiternelle  envie d’isoler le Maroc a été confirmé par les récentes déclarations du président Abdelmadjid Tebboune et de son ministre des Affaires étrangères, Ahmed Attaf, qui avait déjà effectué une tournée incluant la Libye, la Tunisie et la Mauritanie, aboutissant à une réunion tripartite des présidents algérien Abdelmadjid Tebboune, libyen Mohammed al-Menfi et tunisien Kaïs Saïed, en marge du sommet des pays exportateurs de gaz à Alger au début du mois de mars dernier. 

Il a ainsi été décidé lors de cette réunion d'une "rencontre maghrébine tripartite" tous les trois mois, la première devant se tenir en Tunisie après le mois de Ramadan en avril en cours, sachant que le régime algérien s'efforce de convaincre la Mauritanie de participer à ces rencontres, dans l'espoir de mettre en œuvre son plan pour créer une nouvelle entité sans le Maroc.

La tentative du régime de créer ce bloc vise à masquer l'isolement qu'il subit dans ses relations tendues avec certains de ses voisins régionaux et certains pays arabes, et à se détourner de l'Union du Maghreb Arabe, qui n'a pas été un instrument docile pour se soumettre à ses objectifs de domination dans la région.

Des justifications fallacieuses pour créer un nouveau bloc

Le président Tebboune a prétendu dans sa sortie médiatique de la semaine dernière que le bloc qu'il prévoit de créer n'est dirigé contre personne, faisant implicitement référence au Maroc, justifiant la volonté de son régime de garder le Maroc à l'extérieur de cette entité par le fait que celui-ci a choisi d'autres voies de coopération sans consulter les pays de la région, comme sa demande d'adhésion au groupe économique de l'Afrique de l'Ouest. Une justification peu convaincante, quand on se rappelle que l'Algérie elle-même n'a consulté personne au Maghreb lorsqu'elle a présenté sa demande d'adhésion à l'organisation des BRICS, qui a été par ailleurs refusée.

Le président Tebboune a également justifié la création de ce bloc par l'absence de bloc en Afrique du Nord assurant la coordination entre ses pays et l'unification de leur parole sur certaines questions internationales, à l'instar de ce qui existe dans l'est, l'ouest et le sud du continent africain, un argument tout sans fondement que le précédent. Parce qu’en effet il existe déjà un bloc dans la région, l'Union du Maghreb Arabe, que l'Algérie essaie d'enterrer en créant un substitut à sa mesure qui serve son agenda, et surtout perpétue ses conspirations contre le Maroc et son intégrité territoriale en vue, entre autres, d’imposer sa vision prétentieusement hégémonique, basée sur l’hubris qui lui fait croire que l’Algérie est l’Etat pivot autour duquel doivent graviter tous les autres pays de la région.

Pendant plus de 35 ans, les faits ont montré que le régime algérien n'a jamais cru à la construction du Maghreb Arabe. Depuis la fondation de l'Union maghrébine le 19 février 1989 à Marrakech, il a érigé en constantes de sa politique les violations des accords de l'Union en continuant à utiliser les séparatistes du Polisario pour nuire à l'unité territoriale du Maroc. Il a aussi fermé les frontières terrestres avec le Maroc en août 1994, mettant un terme à la libre circulation des personnes et des biens dans l'espace maghrébin, tout en agissant pour étouffer toute initiative sincère d’'établissement de l'Union sur des bases solides. Et il a développé une opposition sournoise à la création d'un espace unique pour l'intégration et la coopération dans tous les domaines politiques, économiques et sociaux, dans un cadre d'équité et d'égalité entre les cinq pays, de nature à les rendre influents régionalement et internationalement.

 Par cette politique, il a réduit à néant le rôle de la sous-région nord-africaine face aux groupements économiques régionaux du continent, qui jouent un rôle central dans la réalisation de l'agenda de l'Union africaine 2063, notamment en matière de développement économique et d'intégration. 

Le pouvoir algérien a persévéré dans l’affaiblissement de l’UMA tout en prétendant que "l'Algérie est le seul membre de l'Union qui a ratifié toutes les conventions conclues dans le cadre de l'Union du Maghreb Arabe depuis sa création, soutenant inconditionnellement les activités de toutes les institutions maghrébines et leurs projets économiques, sociaux et culturels, et n'a jamais initié de demande pour geler les activités de ces institutions."

En réalité, l'illusion selon laquelle l'Algérie a signé 29 sur 37 conventions fédérales ne trompe personne, car ce qui compte, c'est l'exécution de ces conventions et non le fait de se vanter de les avoir signées et de les ranger dans des tiroirs tout en agissant à l'encontre du contenu du traité de Marrakech, en fermant les frontières terrestres et en rompant les relations diplomatiques avec le Maroc.

Alger peut feindre de se vanter de n’avoir jamais demandé le gel des activités des institutions maghrébines, tant par ses positions et actions, il a conduit au gel des activités de ces institutions, sans avoir besoin d’e, soumettre la demande formellement.

Le régime algérien a continué à manœuvrer contre le Maroc dans le cadre des activités de l'Union du Maghreb Arabe, notamment en refusant d'établir le lien dans le communiqué final de la trente-quatrième session du Conseil des ministres des Affaires étrangères des pays de l'Union tenue à Tunis (mai 2016), entre le transfert du conseil présidentiel libyen à la capitale Tripoli, et le succès des accords politiques de Skhirat au Maroc, signé par les parties  en conflit le 17 décembre 2015, sous l'égide des Nations Unies.  Il a fallu des heures de conciliabules  pour que la réunion parvienne à une formule consensuelle prévoyant "d'accueillir le transfert du conseil présidentiel libyen du gouvernement d'unité nationale à la capitale Tripoli, étape importante dans la mise en œuvre des dispositions de l'accord politique signé dans la ville de Skhirat au Maroc le 17 décembre 2015, dans le cadre du processus politique sous les auspices des Nations Unies".

Tout au long de ce processus, le régime algérien a tenté de contrer l’important rôle facilitateur du Maroc en réunissant les parties à la crise libyenne les incitant à quêter une solution entre elles pour stabiliser la Libye, membre de l'Union du Maghreb Arabe, avec le soutien et la parrainage des Nations Unies.

L'Algérie a ensuite vainement tenté d'écarter le Maroc des initiatives de médiation dans la crise libyenne en vue de se trouver une place pour elle afin d'avoir son mot à dire sur le destin de la Libye.

L'Algérie ne paie pas ses cotisations à l'Union du Maghreb Arabe

Le régime algérien a également révélé sa position hostile au Maroc et à l'Union du Maghreb Arabe lors de la nomination, l'année dernière, par le Secrétaire général de l'UMA, Taïeb Baccouche, d'une diplomate marocaine à la tête de l'une des directions de l'Union, en tant que représentante permanente auprès de l'Union Africaine. 

L'insistance de l'Algérie à continuer à paralyser l'Union du Maghreb Arabe et à l'empêcher de trouver une place à côté des regroupements régionaux reconnus par l'Union Africaine a été confirmée dans le communiqué dans lequel son ministère des Affaires étrangères a attaqué le 16 avril 2023 le Secrétaire général de l'Union, M. Baccouche, et le président de la Commission de l'Union Africaine, Moussa Mohamed Faki, pour avoir approuvé Mme Amina Salman comme représentante permanente de l'Union du Maghreb Arabe, prétendant que la nomination du délégué était infondée et que le mandat du Secrétaire général de l'Union du Maghreb Arabe, qui avait initié cette nomination, avait pris fin le 1er août 2022. 

En réponse aux fausses allégations du régime algérien, le Secrétariat général de l'Union du Maghreb Arabe a été contraint de rétablir la vérité dans un communiqué le 19 avril 2023 qu’Alger était depuis 2016 en défaut de payement de ses cotisations à l'Union et n'avait en conséquence ni le droit organisationnel, politique ou éthique de participer aux décisions prises par l'Union ou de s'y opposer.

 En réponse à cet incident, le régime algérien, par l'intermédiaire de l'un de ses médias, a prétendu que les quatre autres pays n'avaient pas payé leurs contributions au budget du Conseil consultatif de l'Union du Maghreb Arabe depuis 2014, sachant que l'absence de paiement de leurs contributions par ces pays est justifiée. Ils reprochaient au régime algérien d’avoir fait du Conseil consultatif une annexe et non une institution fédérale. Pour en faire la preuve, il suffit de se référer aux déclarations du Secrétaire général de ce Conseil, l'Algérien Saïd El-Mokadem, qui s'est écarté de ses obligations en exploitant sa position pour servir l'Algérie, en particulier dans la promotion de sa thèse hostile au Maroc et à son intégrité territoriale. 

Le Secrétariat général de l'Union a également réfuté les affirmations de l'Algérie en confirmant que les autorités algériennes n'avaient formulé aucune observation sur les initiatives prises par le Secrétaire général et que la décision de nommer une représentante permanente auprès de l'Union Africaine coïncidait avec l'extension du mandat du Secrétaire général Taïeb Baccouche, qui a sollicité à plusieurs reprises son remplacement, la dernière fois à l'occasion du sommet arabe en Algérie les 1er et 2 novembre 2022. Il a ainsi exprimé son regret de voir le régime algérien tomber dans la contradiction en qualifiant le Secrétaire général comme "l'ancien Secrétaire général", alors que les hauts responsables de l'État algérien, y compris le président Tebboune, ont continué de le contacter, en tant que Secrétaire général de l'Union.

Avant cet incident, le régime algérien avait pris l'initiative de retirer ses diplomates travaillant au Secrétariat général de l'Union, le dernier en juillet 2022, révélant ainsi son intention préméditée de mettre fin à l'Union du Maghreb Arabe qu'il n'a pas pu plier à ses désidérata pour dans la région.

Des axes sur les ruines de l'Union du Maghreb Arabe

Le régime algérien a officiellement dévoilé son dessein de noyer la région dans des axes sur les ruines de l'Union du Maghreb Arabe, son obsession étant d'isoler le Maroc et de dominer les autres pays de la région, en obtenant du président tunisien Kais Saied ce qu'on appelle la "Déclaration de Carthage", le 16 décembre 2021, suite à la visite du président Tebboune en Tunisie. 

Cette déclaration stipulait que "considérant les leçons tirées des expériences passées et compte tenu des réalisations dans les relations entre les deux pays, les deux présidents (tunisien et algérien) ont discuté de l'importance d'adopter une vision ambitieuse pour établir un nouvel espace régional unificateur, intégré et cohérent basé sur des valeurs, des idéaux et des principes communs et offrant des réponses coordonnées et efficaces aux défis sécuritaires, économiques, sanitaires et à tous les événements et évolutions actuels et futurs aux niveaux régional et international".

Il ressort clairement de cette déclaration que la visée du régime algérien est de créer une union alternative à l'Union du Maghreb Arabe, qui n'inclut pas le Maroc, en plus de provoquer des discordes dans la région. Il a notamment exploité à cet effet la crise économique et financière en Tunisie pour pousser le président Kais Saied à abandonner la position que la Tunisie a tenue sur la question du Sahara marocain. En offrant à Abdelmadjid Tebboune un accueil officiel au séparatiste Ibrahim Ghali, à l'occasion de la réunion du forum TICAD pour la coopération japonaise-africaine à l'été 2022, le chef de l’Etat tunisien s’est départi de la position traditionnelle de Tunis et ouvert une crise dans ses relations avec le Maroc. Il s’est mis par la même occasion au service du plan du régime algérien de mettre fin à l'Union du Maghreb Arabe.

Le rêve maghrébin trahi

Il y a un an, le Secrétaire général de l'Union, Taïeb Baccouche, a confronté le régime algérien à la réalité de sa persistance à détruire la construction du Maghreb Arabe en expliquant dans une interview à France 24 que "nous ne pouvons pas construire un grand Maghreb Arabe avec des frontières fermées et des relations diplomatiques rompues". Il faisait assurément référence à la fermeture des frontières terrestres avec le Maroc par Alger depuis près de 30 ans et à la rupture des relations diplomatiques avec le Royaume depuis le 24 août 2021. 

Rabat a mis en garde il y a 7 ans contre la situation critique que subit l'Union du Maghreb Arabe à cause des positions algériennes, comme l'a déclaré Sa Majesté le Roi Mohammed VI dans son discours à l'occasion du retour du Maroc à sa place dans l'Union Africaine. Devant ses pairs du continent, le Souverain ne pouvait que constater que "la flamme de l'Union du Maghreb Arabe s'est éteinte, en l'absence de foi dans un destin commun. Le rêve maghrébin, pour lequel la génération des pionniers s'est battue dans les années 1950, est aujourd'hui trahi’’, a-t-il dit, ajoutant : . ‘’Et il est triste que l'Union du Maghreb Arabe soit aujourd'hui la région la moins intégrée du continent africain, sinon dans le monde entier". Sa Majesté a également confirmé dans le même discours que "les citoyens des pays maghrébins ne comprennent pas cette situation. Si nous n'agissons pas, ou si nous ne tirons pas de leçons des regroupements africains voisins, l'Union du Maghreb Arabe se dissoudra en raison de son incapacité chronique à répondre aux aspirations définies par le traité de Marrakech il y a 28 ans’’.

Le Maroc a toujours affirmé sa conviction qu'il doit avant tout puiser sa force de son intégration dans son espace maghrébin, appelant à se rappeler le contenu du traité de Marrakech pour construire le Maghreb arabe sur des bases solides et avec un critère d'équité et de solidarité entre ses membres.

Il est certain que des pays de la région partagent l'avis du Maroc en pariant également sur l'activation de l'Union du Maghreb Arabe pour qu'elle occupe une position influente au sein des regroupements régionaux du continent africain et d'ailleurs, et refusent d'être un outil entre les mains du régime algérien pour passer son agenda dans la région dans le cadre d'une nouvelle entente.

Récemment, le ministre des Affaires étrangères algérien, Ahmed Attaf, a prétendu que l'entité que l'Algérie cherche à créer ne sera pas un substitut à l'Union du Maghreb Arabe, qu'il a dit dans ‘’le coma". Il a juste oublié que c'est son pays qui, par ses manœuvres, a conduit l'Union à cette situation et qu'au lieu de prendre l'initiative de contribuer à la récupération de sa vitalité, il se hâte, comme de par le passé, de créer un nouveau bloc. L'avenir lui montrera que c’est une entreprise vouée à l’échec. Ce bloc, s’il prend forme, ne pourrait être utilisé pour isoler le Maroc, qui est et restera, fort de ses atouts et de ses capacitésn l'un des piliers de la région et de ses soutiens pour la stabilité et le développement.

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