Le jour où Hassan II a dit ''Kabbarha Tasghar'' - Par Seddik MAANINOU

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Le mardi 20 Ramadan, correspondant au 14 août 1979, les habitants d’Oued Eddahab renouvelaient leur allégeance au Roi du Maroc lors d’une cérémonie qui s’est déroulée au Palais royal à Rabat et au cours de laquelle des armes ont été remises aux représentants des tribus sahraouies.

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Décisions douloureuses – Par Seddik Maâninou

Mercredi dernier, j’ai suivi la causerie religieuse présidée par Sa Majesté le Roi Mohammed VI. C’est une rencontre qui s’inscrit dans le prolongement d’une tradition observée depuis des lustres par les sultans et rois du Maroc au cours du mois de Ramadan. Mohammed V avait l’habitude de tenir des rencontres pareilles avec les oulémas au sein du Palais royal. 

Mais c’est Hassan II qui a donné un rayonnement particulier à ces rencontres, en autorisant la TVM à transmettre à la télévision comme sur les ondes de la radio ces conférences animées par des oulémas du monde islamique. Au fil des ans, les causeries religieuses sont devenues un rendez-vous régulier et incontournable que l’opinion publique islamique attendait avec intérêt.

Complot

Au cours des causeries religieuses de l’été 1979, une surprise inattendue allait se produire lorsque Hassan II prit la parole au début d’une conférence. C’était un jeudi, deuxième jour de Ramadan. La conférence était animée par l’érudit et défunt Cheikh Mohamed El-Mekki Naciri.

Les informations rapportaient que la Mauritanie s’apprêtait à céder la région de Tiris al-gharbia (l’actuel région de Dakhla) aux séparatistes dans le sillage du putsch militaire qui a renversé le président Ould Daddah. Selon les renseignements parvenus à Hassan II, des forces algériennes, séparatistes et mauritaniennes, appuyées par des experts étrangers, ont été mobilisées pour mener une violente attaque au Sahara pour tenter de prendre de Dakhla. On allait comprendre par la suite que l’objectif était d’occuper le chef-lieu et de le proclamer «capitale de la république» de Tindouf. Le stratagème consistait à informer les Nations-Unies que le Maroc s’apprêtait à envahir la ville et à appeler le Conseil de sécurité à une réunion urgente et les pays amis à envoyer des renforts militaires pour protéger la république naissante. Il était un fait avéré que la Mauritanie de Mahmoud Ould Ahmed Louly, successeur de Moustapha Ould Mohamed Saleck qui a renversé Mokhatar Ould Dadah, complice du complot, allait faciliter le passage des unités militaires algériennes et séparatistes et leur livrer la ville.

Le Roi a dit

Au cours de cette journée d’une chaleur torride, Hassan II prit de court l’opinion publique par un discours devenu célèbre pour avoir utilisé une expression en dialecte marocain : «Kabbarha Tasghar» que l’on peut approximativement traduire par : Amplifier le problème il se dégonflera de lui-même. Hassan II dira le 8 août que cette expression renvoie à la teneur du verset coranique «Il se peut que vous ayez de l’aversion pour une chose, alors qu’elle vous est un bien». 

Sur le déroulement des faits, le Souverain a assuré : «Nous avons décidé que notre marche vers notre Sahara sera notre lot, celui de nos enfants et de nos petits-enfants». Et de préciser : «Nous suivons les événements avec une fermeté sereine, car la situation requiert perspicacité et analyse».

Sultans du Maroc

Il était clair qu’une course contre la montre a été engagée. Des instructions ont été données aux Forces armées royales à se tenir prêtes pour repousser les hordes hostiles et les empêcher d’atteindre leurs objectifs. Dans mes mémoires, j’ai raconté comment «les habitants de Oued Eddahab avaient exprimé, durant des occasions antérieures, leur marocanité et leur attachement à l’allégeance aux sultans du Maroc, et leur indignation de ce partage du Sahara et leur cession au jeune Etat mauritanien. C’est pourquoi ils ont manifesté, secrètement et en public, leur rejet de la présence mauritanienne qu’ils ont considéré comme une injustice à leurs tribus et un affront à leur histoire».

Immédiatement après le discours royal, les habitants de Dakhla se sont rassemblés et, brandissant les drapeaux du Maroc, ont assiégé les forces mauritaniennes qui attendaient l’arrivée des séparatistes sous coupe algérienne.

La plus féroce des batailles

Une semaine après le discours royal, les forces ennemies étaient entrées au Sahara, en direction de Dakhla où elles entendaient mettre à exécution leur plan. Le 9 août 1979, l’artillerie et les armes blindées se sont mis en branle. Le 10 août, les forces aériennes confirmant l’ampleur inédite de l’attaque avisent l’unité marocaine en faction à Bir Anzarane qu’elle allait être prise d’assaut dans quelques heures. Le 11 août, les unités hostiles arrivent à Bir Anzarane, le passage incontournable pour accéder à Dakhla. Ce fut une attaque massive et brutale que l’unité marocaine en place a repoussée avec beaucoup de bravoure. Ils étaient à peine 500 militaires à tenir tête à des colonnes composées de plus de 5000 hommes armés jusqu’aux dents et appuyés par des centaines de chars et d’engins. Bir Anzarane fut l’une des plus féroces batailles menées par les Forces armées royales. Elle restera dans les annales comme le témoin d’un courage inouï qui a permis à nos valeureux soldats de reprendre force et confiance et de savourer le goût de la victoire.

Le défi

Une année après la plus célèbre et la plus féroce des batailles qu’ait connu la région, Hassan II, bravant le danger, se rendît le 4 mars 1980 à Dakhla où il présidât la cérémonie d’allégeance, mettant ainsi fin aux rêves d’Alger et de ses mercenaires et déjouant un des complots les plus graves ayant visé l’unité territoriale du Royaume. Depuis, la formule de Hassan, II «Kabbarha Tasghar», accompagne quasi-constamment ma pensée quand je réfléchis à la question du Sahara. 

Le mardi 20 Ramadan, correspondant au 14 août 1979, les habitants d’Oued Eddahab renouvelaient leur allégeance au Roi du Maroc lors d’une cérémonie qui s’est déroulée au Palais royal à Rabat et au cours de laquelle des armes ont été remises aux représentants des tribus sahraouies. Mais c’est une autre histoire dont je livre les détails dans mes mémoires «Jours d’antan».

 

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