Le PJD face à ses démons

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C’est de notoriété publique, Mustapha Ramid et Abdalilah Benkirane n’ont jamais appartenu au même courant au sein du Mouvement pour l’Unicité et la Réforme. Le premier plus radical que le second, ils se sont souvent opposés

Ce n’est encore qu’à fleurets mouchetés, mais la passe d’armes entre Mustapha Ramid et Abdalilah Benkirane a de fortes chances de s’intensifier si l’actuel secrétaire général du PJD et ses soutiens s’obstinent à briguer un troisième mandat à la tête du parti, quitte à prendre des libertés avec les règlements et les statuts, un comportement spécifique aux pays marqués par le sous développement politique et culturel, sans parler de l’économie. Ce n’est pas tant un troisième mandat pour A. Benkirane  qui dérange, grand bien lui fasse s’il a envie de rempiler. Mais ce faisant, il participe à la bananiérisation de son parti et de sa propre personne, lui qui, alors chef du gouvernement, s’est toujours vanté d’incarner l’abnégation même et de cultiver le mépris de l’amour des postes.

C’est de notoriété publique, Mustapha Ramid et Abdalilah Benkirane n’ont jamais appartenu au même courant au sein du Mouvement pour l’Unicité et la Réforme. Plus radical dans son approche de l’Islam et plus faucon dans sa façon d’appréhender l’action politique, l’actuel ministre d’Etat aux Droits de l’homme s’est souvent trouvé en opposition avec l’ancien chef du gouvernement. Pendant l’agitation du 20 février 2011, M. Ramid était de toutes les manifestations, tandis que Abdalilah Benkirane freinait des quatre fers pour que les militants du PJD ne participent pas au mouvement. Après les législatives de la même année, c’est Abdalilah Benkiarne, leader de ce qu’on veut surnommer actuellement, par dérision pour en rabaisser la portée, le « courant du ministrabilisme », qui a tout fait pour que Mustapha Ramid le suive au gouvernement.  Probablement pour éviter sa capacité de nuisance, sachant qu’à l’époque la base du PJD n’était pas encline à la participation.

C’est une fois au gouvernement, notamment après le décès de Abdallah Baha, que les deux hommes ont commencé à se trouver des complicités qu’apparemment ils sont en train de perdre. Une inversion des rôles en quelque sorte. Depuis son débarquement de la primature, Abdalilah Benkirane n’a de cesse de jeter l’opprobre sur le « ministrabilisme » de ses anciens ministres. A un mois du congrès du PJD, reporté une fois pour permettre à celui qui était encore chef du gouvernement de continuer à bénéficier exceptionnellement des pouvoirs de secrétaire général, l’issue de ce combat de coqs reste incertaine. Mais les opposants à un troisième mandat de A. Benkirane viennent de recevoir un soutien inattendu. Celui d’Ahmed Raissouni, une vénérable figure du MUR, qui a déclaré à Telquel rejeter « les exceptions » et refuser « toute forme de violation. » Pour bien enfoncer le clou, il précise : « si un parti ne dispose que d'une seule personne capable de mener des réformes, il est préférable de l'enterrer immédiatement. » Le parti bien sûr, pas la personne. Et pour une fois je trouve qu’Ahmed Raïssouni a raison.

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