TOUR DE VIS EN VUE – Par Gabriel Banon

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Projet BEPS : Les seuls gagnants ne seront-ils pas les technocraties nationales et internationales ?

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ATTENTION LE MONDE VIELLI – Par Gabriel Banon

OCDE/G20 rassemble près de 140 pays et juridictions pour collaborer à la mise au point au projet BEPS destiné à lutter contre l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices, c’est-à-dire contre l’évitement ou la fraude fiscale.

Ont été adoptées en octobre 2021, les dispositions suivantes :

  • Réallouer 25 % des bénéfices des grandes entreprises à l’imposition des pays où se trouvent leurs clients.

  • Mise en place d’un système coordonné de règles globales anti-érosion de la base d’imposition (GloBE) pour que les grandes entreprises multinationales paient un niveau minimum d’impôt de 15 %.

La première disposition ne verra vraisemblablement jamais le jour, mais les règles anti-érosion avancent à marche forcée.

 Dans ce projet, les juridictions seront libres d’adopter les règles GloBE, mais elles devront s’engager à les mettre en œuvre et à les administrer selon les règles édictées par l’OCDE. Celles-ci ont été approuvées et diffusées par le Cadre inclusif le 20 décembre 2021, et devront être transposées dans le droit interne de chaque juridiction pour que les grands groupes d’entreprises multinationales (EMN) soient soumis à un taux minimum effectif d’imposition de 15 % sur les bénéfices générés dans les juridictions où ils exercent des activités. L’Union européenne en a profité pour abonder sa propre réglementation. En décembre 2021, elle a publié un projet de directive de 79 pages, validée par le Conseil européen en décembre 2022 pour être appliquée en 2024, à l’effet de s’assurer que chaque entité paye au moins 15 % d’impôt. 

Les règles prévoient, arbitrairement, les conditions selon lesquelles doit être calculé le chiffre minimum de 750 millions de chiffre d’affaires pour être assujetti à ce dispositif. 

L’UE s’arroge des prérogatives fiscales qui en principe devraient rester du ressort des États membres. Elle utilise le prétexte de la lutte contre l’évasion fiscale, la numérisation, et la concurrence… pour se saisir du sujet. L’Union cherche à instituer des dispositifs ayant des effets extraterritoriaux afin de pouvoir contrôler tous ses ressortissants économiques.

 L’OCDE a chiffré que le nouveau système pourrait rapporter chaque année 220 milliards de dollars, soit 9 % des recettes mondiales provenant de l’impôt sur les sociétés. Ces mesures auront sans doute des effets négatifs qui ne sont pas pris en compte.

Déjà une trentaine de grandes entreprises françaises, avec le soutien du MEDEF, de l’Afep et de la Fédération bancaire française, « s’alarment » de la quantité et du type d’informations qui devront être fournies dans les déclarations envoyées aux administrations.  Leurs inquiétudes sont vives quant à la protection des données économiques « sensibles ». 

En Suisse, où les règles de l’OCDE pourraient être adoptées selon une votation qui aura lieu le 18 juin 2023 pour changer la Constitution à cet effet, le Département fédéral des finances s’inquiète :

« Les incidences financières d’une imposition minimale sont incertaines. […]  La Suisse perdra de son attrait fiscal […]. Cela pourrait inciter les entreprises à quitter le territoire helvétique ou à ne pas s’y installer, ce qui se traduirait par des diminutions de recettes dans le domaine de la fiscalité des entreprises et dans d’autres domaines. La réforme restreindra aussi un peu la concurrence fiscale à l’intérieur même de la Suisse […] La réforme fera en outre croître la charge administrative des entreprises et des autorités ».

Ce qui peut être vrai pour la Suisse peut l’être aussi pour d’autres pays. Les seuls gagnants ne seront-ils pas les technocraties nationales et internationales ?

La mise en place de cet impôt minimal va être un moyen de contrôle au service des États.