Échéances 2021 : Le radeau de la Méduse

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Réunion, le 8 juillet, du ministre de l’Intérieur, M. Abdelouafi Laftit avec les chefs de partis politiques représentés au parlement

Le jour viendra probablement où l’on aura à regretter d’avoir permis que les lois régissant les élections de 2021 soient discutées dans le cadre de l’état d’urgence, en l’occurrence l’état où l’autorité du Ministre de l’intérieur, des Walis et Gouverneurs est prépondérante face à l’autorité du Chef du Gouvernement lui-même.

Nous n’avions, certes, pas besoin de cela, ni de la prolongation de l’état d’urgence d’ailleurs, car les échéances électorales de 2021 et les enjeux y afférents exigent que le Parlement retrouve sa vitalité et assume sa responsabilité dans la formulation du futur du Maroc.

Certains aspirent à un changement permettant une alternance politique dans le pays. Ils arguent pour cela de leur sentiment de saturation après près d’une décennie passée par un même parti à la tête du Gouvernement.

Il va sans dire que c’est une aspiration légitime de l’ensemble des élites opposantes qui s’estiment les mieux à même de conduire le Gouvernement et à concrétiser l’alternance. Cependant, ce ne sont pas les sentiments ou le ressentiment qui justifieraient ou dicteraient le changement. Mais plutôt la compétition des élites, socle de la démocratie, et leur aptitude à transformer la lassitude en arguments politiques pour battre le parti en place.

La question qu’induit cet axiome est de savoir ce que l’on ferait des urnes s’il advient qu’une majorité de votants voit toujours en 2021 dans le PJD le meilleur des partis, et qu’elle refuse de troquer le borgne contre l’aveugle ?

Rétrospective 

Les élections de 2007 ont fait apparaitre les prémices de la force du PJD et un nouveau parti politique en est sorti, proposant une nouvelle offre politique se fondant sur la représentation présumée de la majorité silencieuse, notamment les 80% d’abstentionnistes.

Ce n’est pas là une nouvelle thèse. D’autres partis ont été fondés dans la perspective de représenter la majorité silencieuse. Si bien qu’avec la fondation du PAM, on s’attendait qu’il transforme cette perspective en réalité et se rapproche de cette composante majoritaire de l’électorat marocain qui boude les urnes. Mais, c’est l’inverse qui s’est produit, le PAM s’étant orienté vers le démarchage des autres partis, obligeant même certains à fermer boutique afin d’accélérer son avènement, et s’est retrouvé, en fin de compte, à partager les notables avec d’autres formations ou à les enrôler de force, reproduisant par là même le procédé habituel :  les notables apportant des sièges au parti et le parti garantissant aux notables des postes et des intérêts.

Dans ce sens, le PAM est une expérience qui mérite réflexion, car le problème demeure toujours dans l’aptitude du parti prédestiné à gérer les contradictions d’intérêts des notables face à la rareté des postes convoités.

Le péché originel du PAM réside dans le fait qu’il ne s’est pas adressé à cette large tranche abstentionniste de la population qu’il aurait pu mener à l’adhésion au parti et dont il aurait pu gérer les aspirations politiques. En lieu et place, il s’est orienté vers une catégorie de professionnels occupant le carré politique, dont il devenait difficile de gérer les conflits dès lors que le parti s’orientait vers leur enrôlement massif.

En face, le RNI, regroupement limité de notables proportionnellement répartis sur les régions, même s’il est familier des dangers d’un recrutement ouvert de notables dans un même espace géoéconomique, n’a pas été épargné pour sa part par des crises similaires à celles du PAM, même si c’est dans une moindre mesure.    

Le problème du RNI c’est qu’il est un parti qui manque de charisme et ne dispose pas de véritable conception de la politique. Son rôle se limite à suivre les orientations de l’État et d’en user pour accéder à des intérêts catégoriels. 

En revanche, le PAM compte dans ses rangs des élites gauchistes qui ont pratiqué le militantisme, ont des notions en matière de tactique et de stratégie, maitrisent dans une certaine mesure le jeu des règles et des procédures. En dépit de ces atouts, le parti n’engrange pas aujourd’hui un capital confiance suffisant en raison du surplus d’espoirs placés en Ilyass El Omari qui a débouché sur une impasse.

PAM Vs RNI

D’aucuns réduisent le conflit entre le RNI et le PAM à une simple querelle à propos de notables. Mais ce n’est là qu’un phénomène normal dont l’intensité augmente à l’approche de chaque échéance électorale, et ne reflète pas la vraie nature de la rivalité.

Dans les faits, le conflit tourne, aujourd’hui, sur la dose de confiance placée en l’un ou en l’autre des deux formations et qui déterminera, en conséquence, celle qui sera accréditée pour conduire le déclassement du PJD. 

On assiste actuellement à une vaste campagne de communication pour redorer le blason de M. Abdellatif Ouahbi, nouveau secrétaire général du PAM. On lui prête tour à tour du succès dans la gestion interne du parti, son aptitude à concilier les protagonistes et sa capacité de résorption des crises organisationnelles. On avance aussi l’urbanité de ses relations avec les forces de l’opposition et on met l’accent sur l’entregent qu’il déploie pour éloigner du PAM l’image d’une formation mettant à profit sa proximité du pouvoir pour dominer le paysage politique.

Néanmoins, ce blanchiment politique ne peut reposer uniquement sur les medias, ni sur quelques articles éparpillés sur des supports de presse. Cette opération ne peut s’avérer fructueuse que si elle repose sur des indicateurs significatifs et des faits politiques probants. Mais pour l’instant, l’homme en question n’a pas encore réussi à former son bureau politique. Il n’a pu se dégager de la cohabitation avec l’élite opportuniste qui a bénéficié de sa proximité avec l’ancien leadership pour acquérir une grande influence, pas plus qu’Il n’a réussi dans aucune de ses entreprises organisationnelles au sein de son parti. Dans le même registre, son désir déclaré de rapprochement avec le PJD n’a pas abouti à quelque chose à mettre sur le compte de son intelligence politique.

En définitive, on se retrouve dans la perplexité, essentiellement à cause de la faiblesse de l’alternative, de l’obsolescence du champ politique et de l’absence d’un concurrent réel du PJD.

D’où un nombre d’interrogations : serait-il possible de réaliser l’alternance en l’absence d’un potentiel concurrent politique ? L’état d’urgence rejaillirait-il sur les lois électorales en permettant une version diluée de la dure réalité électorale et de lui substituer de nouveaux arrangements arithmétiques ou modes électoraux ? Ou aurait-on recours à des solutions non conventionnelles ?

Quoi qu’il en soit, les choses ne se présentent pas aisées, car le changement d’une réalité à ramifications sociologiques, pour des considérations psycho-émotionnelles (ennui et lassitude) ou à travers des opérations de blanchiment politique à grand renfort de cosmétiques, ne peut représenter une solution viable.             

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