La rentrée scolaire ou le choix de l’embarras

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Saïd Amzazi, ministre de l’Education national : Peu de choix et beaucoup de dilemmes. Sera-t-il au rendez-vous ?

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Il aurait été peut-être utile de lancer un débat public sur les options dans la gestion du système de l’éducation et de la formation à la veille de la rentrée scolaire qui se déroulera cette année alors que les indicateurs épidémiologiques connaissent une hausse inquiétante. Et il est malheureux de constater que le communiqué du ministère de l’Education n’a apporté aux parents d’élèves que doute et confusion. Aucun ne sait ainsi si les cours seront présentiels, distanciels ou une mixture des deux. 

Fort heureusement, les examens du baccalauréat ont pu se passer sans grands dégâts, leur déroulement ayant coïncidé avec une phase de recul de la propagation du coronavirus. Mais actuellement la situation est autrement plus préoccupante que celle qui avait poussé les autorités en mars dernier à décider le confinement sanitaire, faisant peser de sérieuses menaces sur les examens de la première année du baccalauréat prévus pour début septembre. Dans la foulée, elle place les décideurs qui auront à opter ou non pour l’enseignement présentiel face à des considérations qui engagent directement leur responsabilité. 

En France et en Allemagne, mais pas seulement, le débat portant sur le référentiel scientifique devant déterminer le choix pour des cours en présence des élèves est allé au fin fond de détails techniques en vue de cerner les conditions de sécurité sanitaire en fonction des spécificités évolutives du coronavirus. Il s’en est dégagé une tendance à la prudence et un un penchant pour l’enseignement à distance par crainte d’une vague pandémique aigue en automne. 

Au Maroc, cette question pose un double problème. Le premier se rapporte à la gestion du système éducatif dans son ensemble aux périodes de hausse des indicateurs épidémiologiques. Le second concerne le secteur de l’enseignement privé et la manière de gérer la forte tension persistante entre les entreprises de ce secteur et la tutelle des élèves. Le problème est d’autant plus, pour ainsi dire, problématique que certaines entreprises cherchent à se prémunir contractuellement contre toute contestation des parents similaire à celle l’année scolaire précédente. 

En dépit des chiffres du ministère de l’Education consistant à se faire prévaloir d’une certaine performance de l’enseignement à distance et d’une prédisposition inattendue, mais réconfortante, des cadres enseignants pour réussir le distanciel, le succès, pour autant que l’on puisse parler de succès, du secteur public dans cette entreprise imposée par la pandémie est à relativiser.  La preuve en est que le ministère lui-même, peu confiant dans l’enseignement à distance, n’a tenu compte que des résultats obtenus en présentiel avant mars pour établir la moyenne des notes. Ce fait dénote une certaine conscience de la gravité de la situation et de ses implications qu’induisent les inégalités des moyens et des chances d’une couche sociale à l’autre, d’un établissement scolaire à l’autre et d’une région à l’autre. 

L’état des lieux n’est guère plus reluisant, si ce n’est que les choses s’y présentent encore plus mal, dans l’enseignement privé. Non seulement il a été moins efficace que le public dans le distanciel, mais l’évaluation du coût et du prix à payer de ce dernier ramené au présentiel, a gravement empoisonné les rapports des entreprises scolaires, qui déjà ne jouissaient pas de la plus belle des images, avec la tutelle des élèves. Dans cette relation malsaine marquée par une vive tension, chacune des deux parties cherche à barricader ses positions. Les patrons des entreprises scolaires privées, dont beaucoup ont perdu des procès intentés par les parents pour refus de délivrance de certificats de scolarité, s’orientent vers l’imposition d’accords écrits qui annihileraient toute possibilité de contestation. De leur coté, les parents d’élèves brandissent la menace de migrer vers l’enseignement public si le privé maintenait son dictat d’un accord écrit immunisant ses « acquis » pas toujours justifiés. 

Dans les deux cas, l’Etat est dos au mur. En plus de son impréparation pour l’enseignement numérique, le distanciel aggravera la situation dans les régions exclues des indicateurs de développement. Sans compter que si l’année dernière, enseignants et élèves ont eu la possibilité de s’acclimater mutuellement durant le premier semestre, opération nécessaire à l’interaction pédagogique, il n’en sera pas ainsi cette année si le choix se porte en définitive sur l’enseignement à distance.  Quant au privé, il faut bien dire que l’Etat a tout bonnement démissionné en arguant, textuellement, ne disposer, sauf pour ce qui est du pédagogique, d’aucune prérogative lui permettant d’intervenir dans les relations entre les patrons du privé et les parents d’élèves.  

Quoi qu’il en soit ou sera, l’option raisonnable serait de boucler les examens du baccalauréat de l’année écoulée et de reporter la rentrée scolaire à octobre pour la simple raison que la mise en place de la carte scolaire ne peut être achevée qu’après la proclamation des résultats de la première année du baccalauréat. Dans ce contexte, l’idéal, en attendant de voir plus clair dans l’évolution de l’épidémie, serait d’opter pour un enseignement présentiel pour les matières principales, de s’en remettre au distanciel pour les cours de moindre importance et d’adopter un emploi du temps en alternance pour les cours en classe.  Enfin, mettre à profit le mois de septembre pour perfectionner et consolider l’enseignement à distance enfin d’en améliorer l’efficacité et le rendement de manière à pallier les lacunes de l’année précédente qui a vu la pandémie prendre tout le monde de court. 

 

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