Afrique du Sud/élections : La nation arc en ciel loin du compte

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En Afrique du Sud, la violence sociale aggrave la violence politique

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Par Hamid AQERROUT (MAP)

KwaZulu-Natal (Afrique du Sud) - A KwaZulu-Natal, fief de l'ex-président sud-africain, Jacob Zuma et l’une des provinces sud-africaines les plus touchées par les émeutes de juillet dernier, la campagne électorale pour les communales du 1er novembre a une connotation particulière. Ici, na nation arc-en-ciel, une notion inventée par l'archevêque Desmond Tutu afin de désigner son rêve de voir construire une Afrique du Sud post raciale et égalitaire est loin du compte.

Elle n’est pas pour convaincre une population désemparée qui ne croit plus en les promesses d’un lendemain meilleur, souvent faites par le parti au pouvoir, le Congrès National Africain (ANC), qui, pourtant, gouverne le pays depuis plus de 26 ans.

Pour de nombreux Sud-africains, les prochaines élections, tout comme les précédentes d’ailleurs, sont perçues à juste titre par les tenants du pouvoir au sein de l’ANC et par la classe politique en générale comme une aubaine pour conforter leur position, pour s’enrichir.

Amertume et dégâts

Quant aux citoyens lambda, ils n’ont malheureusement qu’à constater avec amertume les dégâts causés par des décennies de mauvaise gouvernance, conjuguée à une corruption rampante dans toutes les institutions du pays, y compris les services de police, comme l’avait d’ailleurs reconnu à plusieurs reprises le Président Cyril Ramaphosa.

A Durban, certains membres de la communauté du quartier de Folweni ont perturbé la visite de campagne du président de l’ANC et chef d’Etat, Ramaphosa, dans la région en portant des pancartes indiquant «Xulu must fall» (Xulu doit tomber). Ils sont alors venus exprimer leurs inquiétudes au sujet du candidat du parti au poste de conseiller.

Zanele Jean, membre de la communauté, a confié à ce propos à la MAP que la communauté n'était pas satisfaite du candidat et qu’elle ne votera pas cette fois-ci pour l'ANC.

Siya Valentyn, 30 ans, affirme quant à lui qu’il n'a pas terminé ses études et qu’il n'a jamais eu d'emploi permanent. «Je suis au chômage en ce moment, il n'y a pas beaucoup d'emploi ici. J'ai déjà travaillé sur un chantier de construction, faisant de l'étanchéité de toiture», regrette-t-il.

Très pessimiste quant à l’avenir du pays, il a déclaré n’avoir jamais voté lors d'une élection et qu'il n'avait pas l'intention de le faire le 1er novembre. «Pourquoi dois-je voter ? Mon père avait voté pour l'ANC pendant de nombreuses années, mais le résultat est que rien n’a changé. Nous continuons à végéter, alors qu’eux continuent à s’enrichir», a-t-il martelé. Et de lancer sur un ton ironique : "L'ANC fait toujours des promesses vides".

A deux pas de Siya , Mondli Majola, 32 ans, ne sait pas d'où viendra son prochain repas. Travailleuse domestique de son état, elle pense que la corruption, qui a gangréné le parti au pouvoir et tout le pays avec, a eu un impact dévastateur sur la vie des gens, surtout les couches défavorisées.

Elle a confié qu’elle a tout de même décidé de voter, mais elle ne sait pas encore pour qui. «Je déciderai le jour J pour qui je donnerai ma voix», dit-elle.


Pour Siphosethu Deko, 40 ans, qui vit dans le township, le prochain scrutin révélera indubitablement de grandes surprises. Lors des dernières élections, il n'a pas voté car il refusait de donner encore sa voix à l'ANC. «Cette fois-ci, je suis allé m'inscrire mais j'ai décidé de donner mon vote à un autre parti", dit-il.

Doutes et sceptiscisme

Zakhele Ndlovu, professeur de sciences politiques à l'Université du KwaZulu-Natal, a déclaré qu'il était compréhensible que le chef de l’Etat et les hauts dirigeants de l’ANC viennent dans la province pour faire campagne et courtiser les voix de la population.

Aux yeux de ces dirigeants, le KwaZulu-Natal demeure une province importante, parce que Zuma n'est plus le président de l’ANC et de l’Afrique du Sud. «Lorsque Zuma était président, l'ANC bénéficiait d'un soutien écrasant des populations de la région, mais maintenant qu'il n'est plus président, la question est de savoir si le parti au pouvoir va encore bénéficier du même soutien», a-t-il déclaré.

Pour cet analyste, il ne faisait aucun doute que l'ANC s'inquiétait des perceptions de la population de la province selon lesquelles l'ancien président Zuma avait été persécuté, ce qui a entraîné les émeutes de juillet dernier. Zuma, l’une des figures de proue de l’ANC, avait été condamné, en juillet dernier, à 15 mois de prison ferme pour son refus de témoigner devant la Commission judiciaire de lutte contre la corruption.

Le parti au pouvoir tente aussi, tant bien que mal, de contrer l’influence et les «incursions» de certains partis politiques dans cette importante province, notamment ceux de l’opposition, comme l’Action démocratique (DA), les Combattants de la liberté économique (EFF) et le Parti de la liberté Inkatha (IFP).

Dans cette optique, le président de l’ANC a insisté, lors de ses meetings électoraux, pour que les batailles entre factions au sein du parti s’arrêtent le temps des élections, pour restaurer la confiance du public.

Lors des élections municipales de 2011, l’ANC a recueilli 61,07 % de voix et ce pourcentage est tombé à 56,01 % au scrutin municipal de 2016 pour se situer à 54,06 % lors du vote provincial en 2019. Des partis comme la DA, l'IFP et l'EFF ont, par contre, vu leurs bases de soutien se développer.

Et pourtant, l'ANC se dit confiant de remporter les prochaines élections locales, malgré de graves difficultés financières qui l'ont contraint à ne pas payer les salaires de son personnel pendant plus de trois mois.

 

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