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Armes biologiques : des experts en biosécurité en concertation à Rabat
"Si la Convention sur les armes biologiques se targue d'une adhésion quasi-universelle, il reste encore du travail à faire. Douze États ne sont toujours pas parties à la Convention, dont six en Afrique" (Sylvain Fanielle, Bureau des Nations Unies pour les affaires de désarmement)
Rabat - Une cinquantaine d'experts en bio-sûreté et biosécurité ont planché, mardi à Rabat, sur les moyens de garantir l'universalisation et la mise en œuvre effective de la Convention sur les armes biologiques en Afrique du Nord.
Cette concertation sous-régionale et multi-acteurs intervient dans le cadre d'un atelier de trois jours organisé par le Bureau des Nations Unies pour les affaires de désarmement, en collaboration avec le Royaume du Maroc, une occasion pour les experts et représentants des États de la région de partager les expériences, discuter des besoins et priorités, identifier les possibilités d'assistance et ébaucher une stratégie pour une application complète et effective de cette convention aux niveaux national et sous-régional.
Rabat n'a pas été choisi au hasard pour accueillir cet évènement important. En effet, "le Maroc a toujours fait preuve d'un leadership fort dans la région, mais aussi au niveau mondial, en soutenant l'universalisation et la mise en œuvre effective de la Convention sur les armes biologiques, contribuant ainsi, par la même occasion, à l'architecture de sécurité sous-régionale et à la préparation des États à faire face à des évènements biologiques", a affirmé Sylvain Fanielle du Bureau des Nations Unies pour les affaires de désarmement, à l'ouverture des travaux de ce workshop s'inscrivant dans le cadre du projet quadriennal "Soutenir l'universalisation et la mise en œuvre effective de la Convention sur les armes biologiques en Afrique", financé par le Partenariat mondial contre la prolifération des armes de destruction massive et des matières connexes.
Il a, en outre, souligné que la pandémie de Covid-19 a démontré la vulnérabilité collective face à des maladies qui traversent rapidement les frontières et causent des dommages humains et socio-économiques incalculables et a douloureusement préfiguré ce qui pourrait se produire si une maladie était délibérément créée et diffusée, qualifiant cette convention de pilier de l'architecture de sécurité internationale et du régime de non-prolifération et de désarmement qui, au delà des aspects sécuritaires, contribue à renforcer les capacités des États en matière d'alerte précoce et de gestion des risques sanitaires et donc à favoriser les progrès constants vers la réalisation des objectifs de développement durable.
"Si la Convention sur les armes biologiques se targue d'une adhésion quasi-universelle, il reste encore du travail à faire. Douze États ne sont toujours pas parties à la Convention, dont six en Afrique", a-t-il déploré, formulant le souhait de voir cet atelier marquer le début d'une dynamique régionale dans toute l'Afrique du Nord.
Il va sans dire que, pour le Maroc, la Convention sur les armes biologiques qu'il a signée en 1972 et ratifiée en 2002 est un outil essentiel dans le cadre des efforts internationaux de renforcement de la paix et de la sécurité internationale, a assuré Abdelkrim Meziane Belfqih, secrétaire général du ministère de la Santé et de la Protection sociale, soutenant la nécessité de renforcer cette convention pour faire face aux menaces sans cesse renouvelées.
"Les biotechnologies à usage civil peuvent être détournées ou déviées malheureusement de leurs objectifs initiaux pour développer des moyens potentiellement nocifs pour l'Homme. Ces détournements -intentionnels ou non- peuvent intéresser des domaines vitaux comme les industries pharmaceutiques, la recherche biomédicales ou l'industrie alimentaire. Ils deviennent alors un enjeu de taille où se dissimulent désormais la préservation de la stabilité et le maintien de la paix mondiale", a-t-il averti, ajoutant que les conséquences de la pandémie interpellent tout un chacun et incite les États précurseurs des progrès biotechnologiques à contrôler les diffusions de technologies à double usage.
Pour ce faire, les pays doivent étendre les législations existantes à tous les aspects en relation avec la convention et développer, entre eux, des systèmes de coopération transparents, a-t-il avancé, expliquant que ces derniers permettraient de mondialiser la réflexion sur l'amélioration significative de la sécurité humaine en proposant des scenarii qui, d'une part, interdisent la mise au point, la fabrication, le stockage et la transmission des armes biologiques et, d'autre part, envisagent l'utilisation des techniques inoffensives comme capacités opérationnelles incontestables, l'objectif étant de mieux anticiper les moyens de riposte de demain en développant des capacités défensives (contre-mesures) à la hauteur des menaces existantes.
Cet atelier, qui connait la participation de délégations représentant le Maroc, la Tunisie, la Libye, la Mauritanie et les Comores (en tant qu'invité), ainsi que des experts du Canada, des États-Unis et de la France, d'organismes onusiens et du CDC-Afrique, comporte plusieurs sessions et verra l'organisation de visites à l'Institut national d'hygiène, à la Société de productions biologiques et pharmaceutiques vétérinaires (Biopharma) et à l'Office national de sécurité sanitaire des produits alimentaires.
"Les États-Unis sont heureux de soutenir cet atelier, aux côtés de nos partenaires du Partenariat mondial contre la prolifération des armes de destruction massive et des matières connexes, dont le Canada, le Royaume-Uni, la France et le Bureau des Affaires de désarmement de l'ONU par le biais de l'Unité d'appui à la mise en œuvre de la Convention sur les armes biologiques", s'est félicitée Emily Kelley du Bureau de la sécurité internationale et de la non-prolifération du Département d'État US.
Elle a, dans le même esprit, souligné que la réduction des menaces biologiques est un effort à long terme qui requiert l'universalisation et la mise œuvre effective de la Convention sur les armes biologiques et la mutualisation des actions de l'ensemble des parties prenantes.
La Convention sur l'interdiction de la mise au point, de la fabrication et du stockage des armes bactériologiques (biologiques) ou à toxines et sur leur destruction dite "Convention sur les armes biologiques", a été ouverte à la signature le 10 avril 1972 et est entrée en vigueur le 26 mars 1975. Elle a été le premier traité multilatéral de désarmement interdisant une catégorie entière d’armes de destruction massive. Avec 185 États parties, la Convention a établi une norme solide contre les armes biologiques, tout en facilitant l’assistance, la coopération internationale et le renforcement des capacités sur des questions telles que la science et la technologie biologiques, ainsi que la préparation et la réponse aux menaces biologiques délibérées.