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Brésil: les villageois d'Amazonie seuls face au Covid-19
Un enfant patiente avant un prélèvement pour effectuer un test contre le Covid-19, à Bela Vista do Jaraqui (Brésil) le 18 janvier 2021.
Non loin de Manaus, sur les rives du Rio Negro, au cœur de l'Amazonie brésilienne, les villageois sont livrés à eux-mêmes face à la pandémie de Covid-19 et s'en remettent à leur foi en Dieu et aux breuvages traditionnels.
Les "Ribeirinhos", nom donné aux villageois, indigènes ou non, qui vivent dans ces communautés traditionnelles au bord de l'eau, ont tous les ingrédients naturels dont ils ont besoin à portée de main.
Avec pour seul remède du sirop à base d'écorce de jatoba ou d'andiroba, de citron et d'ail, Raimundo Leite de Sousa, 34 ans, dit avoir survécu au coronavirus qui a tué plus de 210.000 personnes au Brésil.
Une femme âgée présentant des symptômes du Covid-19 attend de recevoir une assistance médicale de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) à Bela Vista do Jaraqui (Brésil), le 18 janvier 2021.
"La maladie m'a touché, mais pas coulé", dit à l'AFP cet habitant de Bela Vista do Jaraqui, village situé à une heure de bateau de Manaus, capitale de l'Etat d'Amazonas (nord).
Quelque 112 familles y vivent dans des maisons en bois, avec vue imprenable sur le Rio Negro, un des principaux affluents de l'Amazone, où l'on peut admirer les splendides reflets dorés du soleil sur le fleuve.
Le dispensaire le plus proche se trouve dans un autre village, à 25 minutes à pied, ou dix minutes en bateau.
"Même si beaucoup d'entre nous ont perdu des proches, j'ai confiance en Dieu", confie Silvio de Melo, qui vient d'arriver au centre du village pour prendre part à une opération de dépistage du Covid-19 menée par la municipalité de Manaus, en partenariat avec l'Organisation internationale pour les migrations (OIM).
Opération dépistage
"Dieu prend soin de nous et si on doit mourir, aucun médicament ne peut nous sauver", renchérit Erasmo Morales, 55 ans.
Tous les villageois utilisent des masques, même les enfants, ce qui est loin d'être le cas dans les grandes métropoles brésiliennes, y compris Manaus, où la vaccination contre le Covid-19 a débuté lundi soir.
Cette opération de dépistage à Bela Vista do Jaraqui est seulement la deuxième depuis le début de la pandémie. La première, l'an dernier, avait été menée grâce à des dons.
Les 45 personnes testées lundi ne sauront pas avant 5 à 7 jours si elles ont été contaminées.
Plus de la moitié des villageois n'ont jamais fait de test, près d'un an après l'arrivée de la pandémie au Brésil, dans un des Etats les plus touchés du pays, qui a connu une explosion de nouveaux cas ces dernières semaines.
Les spécialistes estiment qu'un nouveau variant potentiellement très contagieux pourrait expliquer la virulence de cette deuxième vague, qui a submergé les hôpitaux de Manaus, frappés par une terrible pénurie de bonbonnes d'oxygène.
"En ville, tout le monde se bat pour cet oxygène qu'on a ici", lance Raimundo de Sousa, désignant les immenses étendues vertes du "poumon de la planète".
Bateau-ambulance
Les villageois se plaignent d'être délaissés par les autorités, qui avaient déjà été dépassées lors de la première vague.
"Je suis déçue, le gouverneur aurait pu en faire plus, ce sont des vies qui sont en jeu", déplore Jardei Santos, 35 ans, qui craint d'avoir attrapé le Covid-19 parce qu'elle ressent des maux de tête et des nausées.
"Je suis plus inquiète aujourd'hui que l'an dernier parce que je vois beaucoup plus de gens contaminés. Mais il faut continuer à prier, Dieu ne nous abandonne pas", poursuit-elle, attendant son tour pour le dépistage sur un banc en bois.
Même s'il semble coupé du monde, le village est doté d'une connexion internet, qui permet aux habitants de communiquer grâce à un groupe WhatsApp. Si un villageois ressent des symptômes graves, il est aussitôt amené vers un dispensaire sur une "ambulancha", un bateau-ambulance.
Achetées grâce à des dons, il y en a cinq en tout, pour 700 familles réparties dans 15 villages sur les rives du Rio Negro.
Mais le fait d'être soigné en ville est loin d'être une panacée. "Les dix patients qu'on a transférés à Manaus sont morts", déplore Raimundo de Sousa. L'un d'eux était son oncle, âgé de 53 ans.