Entre La Havane et Miami, la guerre des chansons fait rage

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Une affiche du concert de Gente de Zona, derrière les membres du groupe Alexander Delgado et Randy Malcom à Key Biscayne, en Floride, le 20 avril 2021

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Une bataille de slogans politiques, mais en chansons : depuis quelques mois, partisans et détracteurs du gouvernement cubain, à La Havane et à Miami, se livrent à un ping-pong musical sur des rythmes de reggaeton, salsa et rap.

Dimanche, le duo Gente de Zona, stars du hip-hop latino qui ont collaboré avec Jennifer Lopez et Enrique Iglesias, jouera pour la première fois en concert, à Miami, la chanson qui a déclenché les hostilités : "Patria y vida".

"C'est terminé", "le peuple est fatigué" clame le morceau, lancé le 16 février, qui détourne le slogan révolutionnaire "Patria o muerte" pour appeler à une "nouvelle aube" sur l'île, avec les chanteurs Descemer Bueno et Yotuel Romero (du groupe Orishas), installés en Floride, et, à Cuba, les rappeurs El Funky et Maykel Osorbo.

"Patria y Vida est arrivé parce que Cuba est à un moment critique", explique Randy Malcolm, de Gente de Zona, depuis le Marine Stadium de Miami où le concert aura lieu sous forme de drive-in, en raison de la pandémie.

"Il y a une répression comme jamais auparavant. Il n'y a pas de liberté d'expression. Les droits de l'homme ne sont pas respectés". "Beaucoup de gens qui sont ici en train de lutter contre la dictature ne l'ont pas fait avant. Nous non plus, on n'avait pas le courage", admet le chanteur, émigré en Floride en 2013. Mais "la peur du Cubain (à s'exprimer) disparaîtra peu à peu".

"L'arrogance de l'empire"

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Des Cubains manifestent contre l'embargo américain, à Santa Clara, Cuba, le 25 avril 2021

A La Havane, la réponse officielle n'a pas tardé: c'est une "campagne contre Cuba", a dénoncé la télévision avant de dégainer, le 2 mars, une réponse musicale avec le titre "Patria o muerte, por la vida", des artistes Raul Torres, Annie Garcés, Dayana Divo, Karla Monier et Yisi Calibre.

"Il reste à la révolution encore 62.000 millénaires", y clament-ils sur des airs de salsa, accusant ceux de "Patria y vida" d'avoir été payés pour "lécher l'arrogance de l'empire" américain.

La querelle ne s'est pas arrêtée là. Depuis, chaque semaine ou presque, une chanson sort d'un côté ou de l'autre du détroit de Floride, qu'il s'agisse du rappeur El Micha fredonnant depuis Miami "Cuba crie liberté" ou de Cubains en uniformes de policiers reprenant en chœur "Patria o muerte".

"On essaie de vendre l'idée qu'il y a une effusion de chansons à visée politique (...) Personnellement, je trouve que ce sont des pamphlets mal faits", commente, à La Havane, Emir Garcia, historien de la musique cubaine.

Dans ce pays berceau de la rumba et royaume de la salsa, des artistes cubains ont souvent défendu la révolution en chansons, comme Carlos Puebla qui entonnait dans les années 1960 "Et Fidel est arrivé" ou "Hasta siempre, comandante", dédiée à Che Guevara.

Cette fois, "dans trois mois, c'est fini et même si on fait 60 chansons de plus, les gens vont oublier", estime l'historien.

Difficile de nier, pourtant, que le climat politique s'est particulièrement tendu entre Cuba et la Floride, où vit la majorité des Cubains exilés, après quatre ans de renforcement de l'embargo par Donald Trump, ce qui a aggravé la crise économique sur l'île.

"Super divisés"

Dans ce contexte, les artistes cubains, vivant sur place ou à l'étranger, doivent "probablement" choisir leur camp, estime Israel Rojas, chanteur du duo Buena Fe, dont la chanson "La force d'un pays" rend hommage aux projets de vaccins cubains anti-coronavirus.

"En temps de radicalisation, détourner la tête ou faire l'autruche, c'est vraiment lamentable et triste, car tu finis par te mettre du côté de l'agresseur" (les Etats-Unis), dit-il face à la statue du Christ de La Havane, où il vient de tourner le clip. 

Assurant que sa chanson "ne répond à personne" et n'est pas "dans la confrontation", il reconnaît toutefois que "tôt ou tard, la politique te rattrape toujours".

Ceux qui critiquent depuis Miami "font une lecture erronée de l'origine de notre pauvreté, depuis le confort d'un réfrigérateur plein" et "se mettent du côté du pays qui a renforcé ses mesures en pleine pandémie pour nous faire mourir de faim", affirme-t-il, vêtu d'un t-shirt "Fier d'être Cubain".

Depuis la Floride, l'humoriste et acteur Alexis Valdés, qui chante "Nous sommes Cubains" avec Willy Chirino, semble directement lui répondre : "Personne ne perd sa condition de Cubain, de Chinois ou autre pour avoir émigré et avoir des opinions différentes sur le gouvernement". 

Face à cette bataille musicale qu'il juge "inédite", il appelle à l’apaisement : "Ce qu'on a voulu faire, c'est une chanson d'unité, d'unité des Cubains comme nation, car avec ce phénomène politique nous sommes super divisés et c'est une catastrophe pour le pays, car un pays divisé n'avance pas".

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