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Jeunes peuls cherchent travail au Niger (Vidéo)
Jeune garçon lors du festival de la Cure Salée, le 17 septembre 2021 à Ingall, dans le nord du Niger
"Je suis carrément au chômage, je chôme trop même!" Pour Veli Rabo, jeune Peul nomade nigérien de 28 ans qui n'a jamais travaillé "à part à l'école", c'est presque devenu une blague que de parler boulot.
Il est un parmi des milliers de jeunes Sahéliens qui ne trouvent pas de travail dans cette région du monde qui affronte un conflit multiforme et enraciné, une désertification croissante et une démographie galopante.
Jeunes nomades peuls, durant le festival de la Cure Salée, à Ingall, dans le nord du Niger, le 17 septembre 2021
En 2018, le think-tank International Crisis Group (ICG) estimait à 80% le taux de chômage des jeunes du Nord nigérien dans le secteur formel, mais l'importance du secteur informel et la forte ruralité font qu'il est difficile d'établir des statistiques fiables.
Reste que, parmi les jeunes rencontrés mi-septembre par l'AFP pendant la fête du pastoralisme nigérien à Ingall, dans le nord désertique du pays, nombreux étaient ceux qui disaient ne pas travailler.
Pour sa part, Veli Rabo loue sa mobilité -- il a une moto -- aux habitants du village quand ils ont besoin de faire une course. "Ca me permet de gagner 1.000 ou 2.000 francs (2-3 euros) et de nourrir la petite famille", dit-il, coiffé d'un chèche bleu. Mais c'est tout ce qu'a ce mari et père d'un enfant pour ramener de l'argent.
Les populations pastorales sont d'autant plus touchés qu'elles ont un accès à l'éducation et à la santé plus que précaire. Alors, "beaucoup ne font rien", dit Bidgi Gaya, un ami du même âge que Veli.
"On prépare le thé, on discute, on vaque aux activités du jour", explique-t-il.
Berger nomade lors du festival de la Cure Salée, à Ingall, dans le nord du Niger, la 18 septembre 2021
Les deux jeunes ont été à l'école à Agadez, la capitale régionale, jusqu'en troisième. Le premier se prenait à rêver de soigner les gens, l'autre de faire des affaires. Las! Sur les 40 de leur classe, "trois ou quatre" travaillent aujourd'hui, disent-ils.
Les autres sont rentrés au village. Ils représentent une jeunesse qui s'interroge ("dans les autres pays, tout le monde a appris à écrire? c'est vrai qu'il y a des minorités qui ne parlent pas français chez vous ?"), une jeunesse romantique qui récite des poèmes d'amour au petit soir avant de dormir, mais une jeunesse bloquée: aucune perspective pour Veli et Bidgi.
"Chair à canon"
Ces deux-là devisent sur les violences jihadistes qui se multiplient depuis une dizaine d'années dans la région. "Alhamdoulilah ("Dieu merci", ndlr), chez nous tout va bien", dit Veli. Mais l'important taux de chômage des jeunes inquiète les autorités locales, confient plusieurs d'entre elles à l'AFP.
Veli le reconnait : "La vérité, c'est que si on est assis à ne rien faire et qu'il faut nourrir la famille, beaucoup pourraient dire oui à un ami qui vient proposer de faire des mauvaises choses, si ça permet de s'en sortir."
Vidéo
Trois jours durant, le désert saharien d'Ingall, dans le nord du Niger, se drape des couleurs des tuniques de milliers d'éleveurs venus fêter leurs traditions pour les festivités de la Cure Salée, annulées l'année dernière pour cause de coronavirus.
Pendant le festival du pastoralisme de la "Cure salée", en septembre, les autorités ont multiplié les rencontres. Aux chefs coutumiers locaux, le président nigérien Mohamed Bazoum a expliqué que la stratégie des jihadistes de l'Etat islamique, installés sur la frontière malienne, "consiste à cibler (ces) jeunes, à les récupérer et à les utiliser comme chair à canon".
Dans ces zones rurales, les "fils de pasteurs" sont les "premières victimes" de cet embrigadement, a confirmé le général Mahamadou Abou Tarka, président de la Haute autorité à la consolidation de la paix (HACP).
Dans la région de Diffa (sud-est du Niger frontalier du Nigeria), où sévissent les fantassins de Boko Haram, et dans celle des "Trois frontières" - entre Mali, Burkina Faso et Niger - des jeunes ont déjà été recrutés en masse.
Alors, l'Etat essaie de sensibiliser les communautés nomades et leur jeunesse à "ne pas prêter le flanc" à ces propositions alternatives. L'armée a notamment recruté en leur sein.
A la "Cure Salée", Doula Dokao, peul wodaabe de 48 ans dont 14 à la tête d'une association locale de sensibilisation, a animé et participé à des ateliers. Tous avaient le même but: "parler aux jeunes pour les convaincre qu'il y a du positif et des opportunités".
Mais quand on évoque le volontarisme gouvernemental et ses nombreuses promesses, la réponse est claire : "sur 100% de choses qu'ils paient, on en voit 5% au village". Le reste s'est sans doute perdu en chemin dans les méandres de la corruption, complète un parent.
Aux jeunes de Foudouk (nord), le chef de village Nassamou Malam préconise d'être patients : "s'ils ne le sont pas, ils prendront un autre chemin qui n'est pas bon". Et d'ajouter tout de go : "évidemment, le futur fait peur".