Journée de la musique : une célébration sans fête à l’ère du Covid-19

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Le groupe marocain Hoba Hoba Spirit, Reda Allali

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Par Sofia El Aouni (MAP)

Rabat - Rendez-vous artistique annuel, la journée nationale de la musique (7 mai) est marquée pour sa deuxième année consécutive par la crise sanitaire liée au Covid-19 et l'absence de toute festivité.

Malgré la pandémie qui marque les esprits, la musique garde toujours sa place en tant qu’exutoire qui permet à l’être humain de prendre son souffle et de poursuivre son "périple".

Cette importance vitale de la musique a été mise en avant par nombre de penseurs, philosophes et d'artistes. Dans son livre « De l’inconvénient d’être né », l'écrivain roumain Emil Cioran se pose moult interrogations sur la place de la musique dans la vie humaine.

“À quoi la musique fait appel en nous, il est difficile de le savoir ; ce qui est certain, c'est qu'elle touche une zone si profonde que la folie elle-même n'y saurait sonder”, écrit-il.

L’effet cathartique que la musique "exerce" sur le public renseigne sur une relation intrinsèque avec l’âme.

Pour le leader du groupe marocain Hoba Hoba Spirit, Reda Allali, “l’ADN du Maroc est avant tout musical. C’est une richesse incroyable, variée et vivante”.

Il existe un rapport étroit avec cet art comme en témoigne la déception que ressentent les aficionados de la musique à cause de la pénurie des festivals due principalement à la pandémie, a-t-il confié à la MAP.

Avec une pandémie qui affecte les industries événementielles, les rendez-vous musicaux se trouvent, peu à peu, dépourvus de leur essence, “en l’absence de contact avec un public passionné”.

M. Allali déplore, dans ce contexte, le manque de “visibilité musicale” causé par le nouveau coronavirus. “C’est dur de parler musique quand il est impossible de la jouer”, a-t-il regretté.

Il a en outre estimé que la musique, “art le plus populaire”, fait face désormais à des défis qui concernent notamment la mise en place d’un modèle qui permet aux musiciens de vivre de leur musique - sans recourir au sponsoring - et de mobiliser les salles au niveau national.

De son côté, le musicologue Ahmed Aydoun a relevé qu'à l'approche de la période estivale, aucune perspective ne se dessine à l’horizon et comme il n’est pas encore possible d’annoncer la date de relance des festivals, le monde de l’événementiel portera les séquelles de la crise sanitaire, à moins qu’il ne se réinvente.

Il a, en outre, indiqué qu'après le confinement et les restrictions, certaines idées ont fleuri, comme ébauche de solutions pour l’avenir tels que le recours au numérique et au livestream.

En effet, la stimulation artistique s'est adaptée aux conséquences du Covid-19, en réinvestissant le champ musical à travers des services de streaming musical et vidéo, en plus de partager les créations sonores des artistes et d’intégrer la diffusion directe via les réseaux sociaux, a-t-il expliqué.

M. Aydoun a également avancé qu’il existe des recommandations pour remplacer la formule classique du spectacle, y compris le principe d’accueillir le public debout et de garantir la distanciation.

“Théoriquement, cette formule reste possible, mais son application est difficile quand on sait que les foules sont souvent incontrôlables. C’est le cas des événements qui drainent plusieurs dizaines de milliers de festivaliers”, a-t-il ajouté.

Malgré la pandémie, la création musicale au Maroc n’a cessé d'évoluer à la recherche d’une utopie artistique, avec une révolution digitale, plus complexe et hautement connoté, touchant des répertoires du patrimoine national notamment le judéo-marocain et la musique soufie.

L’underground et le rap marocain ont également eu la cote en cette période, avec la découverte de jeunes talents marocains à l’instar du jeune casablancais El Grande Toto ou encore Draganov.

Dans l’attente de beaux jours des scènes musicales et un public assoiffé de “sensations”, il est nécessaire d’appréhender la musique tel un écosystème et de lancer de nouvelles réflexions en vue de la préserver face à la crise sanitaire.

 

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