Législatives du 7 octobre : une question d’alliances!

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Les alliances, plutôt pragmatiques, procèdent, principalement, d’une volonté des différents partis de consolider leurs chances dans leur quête de sièges

Les élections législatives du 7 octobre se profilent d’ores et déjà à l’horizon. Les alliances aussi… La question de positionnement et de repositionnements ne date pas d’aujourd’hui, mais demeure désormais d’actualité à l’approche de chaque échéance aussi bien à l’échelle locale et régionale que nationale, de par son impact et son incidence sur les rapports de force entre les formations politiques en lice, voire sur l’échiquier politique national, dans sa globalité.

Ces alliances, plutôt techniques et pragmatiques, procèdent, principalement, d’une volonté des différents partis politiques de consolider leurs chances dans leur quête du maximum de sièges à la Chambre des représentants. Cependant, ces “coalitions” suscitent parfois des problématiques inhérentes principalement à une homogénéité et à une concordance qui, caressées dans le mauvais sens du poil ou tirées par les cheveux, émaillent, un tant soit peu, la configuration du paysage politique et lui confèrent une physionomie “hybride” et “contre-nature”. Une pratique à laquelle a recours les composantes et de la majorité et de l’opposition.

Selon Mohamed El Ghali, professeur des sciences politiques à l’Université Cadi Ayyad de Marrakech, il existe deux formes d’alliances: certaines qui requièrent des dimensions tactiques et pragmatiques fondées sur le paradigme de la réaction et d’autres dictées par des postulats de nature purement stratégique et politique.

Certaines expériences issues des dernières électorales au Maroc, déclare-t-il, n’étaient pas reluisantes et ont révélé des pratiques “douteuses” et “incommodes” dans le seul et unique objectif de s’adjuger éventuellement des postes de responsabilité, précisant de telles manœuvres portent préjudice, remettent en question la finalité escomptée et sapent la notion de concurrence loyale devant présider inéluctablement à des scrutins censés transparents et crédibles. D’autant plus que ceci risque d’engendrer et d’aboutir à une polarisation et contre-polarisation sur l’autel desquelles les principes démocratiques seront sacrifiés.

Mais, qu’en est-il des législatives de 2016 ? Pour le politologue marocain, Mustapha Sehimi, les scenarii les plus “plausibles” révèlent que le Parti de la justice et du développement (PJD) et le Parti authenticité et modernité (PAM) seront pole-position.

Les alliances demeurent évidemment une question d’inéluctabilité, chacun des deux protagonistes ne pouvant prétendre à une position dominante dans le champ politique national -Il s’agit d’une vision de société qui est en question. L’une et l’autre sont légitimes et elles ont une base sociale propre du fait du pluralisme, de la sociologie et de la place à accorder au fait religieux, bien commun de la Nation, mais sans “instrumentalisation” éligible à un projet politique, confie-t-il.

Ceci dit, estime-t-il, il ne faut pas s’attendre à de grandes surprises et bouleversements au niveau du système des partis politiques ou encore à un raz-de-marée pour telle ou telle formation, pronostiquant que le PJD et le PAM seront dans le lot de tête, suivis d’un deuxième lot: Rassemblement national des indépendants (RNI) et du Parti de l’Istiqlal (PI), puis d’un troisième: Mouvement populaire (MP), Union socialiste des forces populaires (USFP) et Union constitutionnelle (UC).

En tout état de cause, poursuit-il, une majorité, quelle qu’elle soit, devra pouvoir compter sur 198 sièges dans la Chambre des représentants, qui est le seuil de la majorité absolue nécessaire, pour l’investiture du nouveau gouvernement, notant qu’il s’avère nécessaire que les résultats du 7 octobre, chez les uns comme chez les autres, permettront de former une majorité de soutien au futur Exécutif.

“Nous sommes dans une situation très ouverte pouvant conduire à des reclassements qui ne sont pas forcément ceux de la campagne électorale”, indique le politologue.

Évoquant la question des alliances, leur nature et leurs dimensions. M. Sehimi qualifie de “fortement improbable” la reconduction de la majorité sortante. Le RNI, n’y participant pas, sera éventuellement suppléé par le PI. Quant au MP, “flottant”, rien n’indique qu’il s’engagera, une nouvelle fois, dans une nouvelle majorité. Il peut être intéressé par une “offre” alternative formulée par le PAM et ses alliés, prédit-il.

Une chose est sûre pour M. Sehimi: l’alliance actuelle au sein de la majorité sera certainement revue et corrigée, avec au moins le retrait du RNI. Quant à l’opposition, qui verra le départ du PI vers une éventuelle majorité dirigée par le PJD, elle couvrira un large spectre allant du PAM à l’USFP en passant par le RNI et l’UC, le MP pouvant s’y adjoindre d’ailleurs.

Aux yeux du politologue, deux visions s’opposent pratiquement: celle d’un pôle “islamo-conservateur” (PJD-PI) et celle d’un référentiel moderniste. Cela ne porte pas sur des options économiques -comme ce fut le cas dans les années soixante et soixante-dix avec l’UNFP (NDLR: Union nationale des forces populaires), actuelle USFP- mais plutôt sur des questions sociétales, des modes vie et des valeurs.

Des partis issus du Mouvement national (PI, USFP, PPS), unis naguère au sein de la Koutla démocratique (1998-2011) mais qui, depuis cinq ans, ont enregistré des évolutions bien distinctes, fait observer le politologue, ajoutant que ce bloc paraît bien avoir épuisé ses effets et ses vertus unitaires, ainsi que sa dynamique la conduisant à une vocation gouvernementale contrariée durant des décennies.

Le MP, créé sur la base du triptyque amazighité-monde rural-pluralisme, s’emploie à préserver sa spécificité dans un Maroc démocratique où des politiques sont consacrées dans les deux premiers crédos cités, rappelle-t-il, précisant que cette formation reste articulée autour de fiefs électoraux qui ne dépassent pas une trentaine de sièges (8 pc).

Autre trait structurant relevé par M. Sehimi. Celui de la place des partis politiques historiques, tels que le RNI qui témoigne d’une longue longévité de trente-huit ans et de l’UC, un parti qui a plus de trois décennies. Nouveau venu en 2009, le PAM, qui présente de grandes similitudes avec ces deux derniers, est là “en force” avec une base électorale “importante” et un contre-projet et de société s’opposant à celui du PJD, selon le politologue marocain.

“C’est dire que le champ électoral et politique est largement occupé par des grappes de partis bien installés, ce qui laisse peu d’espace à de nouvelles formations”, estime-t-il.

Candidat à jouer les outsiders, la Fédération de la gauche démocratique: Parti socialiste unifié (PSU), parti de l’avant-garde démocratique et socialiste (PADS) et le Congrès national ittihadi (CNI), est un nouveau militant fervent qui avait obtenu quelque 100.000 voix, lors du scrutin communal du 4 septembre 2015. “Pâtissant du système rentier” de tous les autres partis politiques, ainsi que des divisions de la mouvance socialiste, ce groupement se propose néanmoins comme une nouvelle alternative de gauche, signale M. Sehimi.

Se prononçant sur des “dysfonctionnements” qui entachent la pré-campagne électorale, M. Sehimi fait état de certains excès: accusations mutuelles et propos diffamatoires, notant qu'”aucune place” n’est pratiquement accordée à des questions de fond susceptibles d’éclairer le citoyen et de lui permettre de mieux appréhender les enjeux du scrutin du 7 octobre, affirmant qu’un programme électoral doit être évalué et jugé, de prime abord, en fonction de sa faisabilité et de son réalisme.

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