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L’Afrique du Sud au bord du précipice financier - Par Hamid AQERROUT
Des personnes font la queue pour obtenir de l'eau après que l'approvisionnement en eau ait été interrompu au Cap.
Par Hamid AQERROUT (Bureau de la MAP à Johannesburg)
Johannesburg - L’Afrique du Sud est au bord du précipice financier. La crise budgétaire a atteint un niveau critique contraignant l’exécutif à recourir à l’austérité budgétaire, au risque de susciter l’ire de la société civile et des milieux d’affaires.
L’ampleur de la crise est telle que tous les départements publics ont été sommés de geler les recrutements et les postes vacants et de mettre en œuvre des mesures pour contenir les coûts opérationnels et éliminer toutes les dépenses non essentielles.
Pour faire face aux contraintes budgétaires de l’exercice 2023/24, le gouvernement sud-africain n’a d’autres choix que de se tourner vers les marchés des capitaux dans le but de lever des fonds supplémentaires. Des experts mettent, toutefois, en garde contre cette mesure qui augmentera le fardeau de la dette nationale au-delà de la barre de 25 milliards de dollars (4.730 milliards de rands) et creusera le déficit budgétaire au-dessus de 4,2 % du Produit intérieur brut (PIB).
Dans la foulée, la Présidence sud-africaine a déclaré que les réductions des dépenses du secteur public seraient une priorité au cours des neuf prochains mois. De l’avis de certains analystes, l’atonie de l’économie nationale et les niveaux insoutenables de la dette publique obligeraient le Président Cyril Ramaphosa à envisager de réduire la taille du gouvernement.
Toujours dans l’optique de contrecarrer le déclin de l’économie, l’exécutif envisage une augmentation de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) de deux points de pourcentage. Selon des statistiques de l’Autorité nationale des revenus pour 2022, l’impôt sur le revenu des personnes physiques représente 35,5 % du total des recettes fiscales, la TVA 25,0 % et l’impôt sur le revenu des sociétés 20,7 %.
Un déficit budgétaire plus important que prévu
Contacté par la MAP, le professeur Jannie Rossouw de Wits Business School a expliqué qu’il existe trois manières d’empêcher l’Afrique du Sud de sombrer dans le précipice budgétaire : Emprunter davantage d’argent, augmenter les recettes fiscales ou réduire les dépenses publiques.
Il a expliqué que le pays arc-en-ciel ne peut pas emprunter plus d’argent, car cela affecterait sa cote de crédit, sachant qu’il est déjà inscrit sur la liste grise du groupe d’action financière (GAFI) chargé de lutter contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.
Faisant également constater que l’économie croît plus lentement que la population, le professeur Rossouw recommande au gouvernement de limiter ses dépenses, d’arrêter la mauvaise gestion de l’argent des contribuables et de récupérer les produits de la corruption.
Le ministre des Finances, Enoch Godongwana, devrait publier, le 1er novembre prochain, les lignes directrices des restrictions budgétaires proposées, alors que le Trésor a averti que des coupes dans les dépenses pourraient être nécessaires pour contrer la baisse des recettes et un déficit budgétaire plus important que prévu.
Nombreux sont les économistes qui pensent que la déclaration budgétaire à moyen terme du 1er novembre pourrait révéler la faiblesse persistante des finances publiques, des prévisions d’endettement élevées et des déficits élevés en pourcentage du produit intérieur brut, aggravés par la croissance économique atone du pays.
L’estimation du déficit devrait être révisée à plus près de 5 % du PIB, par rapport à l’estimation budgétaire de février de 4 %, selon Annabel Bishop, économiste en chef d’Investec.
L’économie sud-africaine a évité de justesse la récession au cours du premier trimestre de cette année. Le PIB n’avait augmenté que de 0,4% au cours de cette période, après une baisse révisée à la hausse de 1,1% au cours des trois derniers mois de 2022.
Syndicats et ONG crient haro sur l’austérité budgétaire
Les coupes budgétaires envisagées par le Trésor ont suscité la colère des partis d’opposition et de plusieurs organisations de la société civile qui craignent leur impact sur les citoyens, particulièrement ceux démunis. Dans ce contexte, les syndicats ont menacé de déclencher une grève nationale pour exprimer leur opposition à la possibilité d’un nouveau gel des salaires, de suppressions d’emplois et de nouvelles coupes dans les services gouvernementaux.
La Coalition pour le revenu de base universel (Ubic) se dit, quant à elle, «profondément préoccupée» par les tentatives constantes du Trésor national d’opposer les intérêts des groupes vulnérables les uns aux autres et de créer un sentiment de panique autour d’une «falaise budgétaire», afin de passer outre «des coupes inutiles et mortelles» dans les dépenses sociales.
Dans ce contexte de crise, réduire les dépenses sera une tâche difficile pour le Congrès National Africain, parti au pouvoir en Afrique du Sud, étant donné qu’il doit se présenter aux élections l’année prochaine et que les sondages d’opinion montrent qu’il risque de perdre sa majorité nationale pour la première fois depuis son arrivée au pouvoir en 1994.