''Néant'', pièce théâtrale qui sonde l'insoutenable fragilité de l'être

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La pièce est composée de scènes libérées des contraintes de l'écriture, à thématique unique et dans un enchainement linéaire des évènements

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Par Nizar LAFRAOUI (MAP) 

Meknès – ‘’Néant’’ est le titre, pour le moins évocateur, de la dernière pièce théâtrale de la troupe "Chamates" du dramaturge Bouselham Daif, donnée en représentation, ce week-end à Meknès. Plus qu’un spectacle, elle marque la rentrée culturelle de la région Fès-Meknès, après de longs mois de suspension des activités consécutive à la crise sanitaire de la Covid19.

Devant un large public réceptif et un parterre d'artistes de la capitale ismaélienne, la représentation de cette pièce au centre culturel "Mohamed Manouni", a redonné vie et espoir aux centres culturels et aux artistes qui ont retrouvé les planches.

Le titre "Néant" de cette pièce traduit fidèlement le contenu de l’œuvre qui explore les questions existentielles imminentes auxquelles l'être humain est confronté en tout temps et en tout lieu. Ce sont ces mêmes questions qu'il se pose pour s'affirmer et résister à l'assimilation et l'exclusion dont il peut faire l'objet.

La représentation de cette pièce s'inscrit parfaitement dans le contexte philosophique, humain et général dicté par la pandémie et ses répercussions inédites sur les rapports de l'Homme avec lui-même, avec l'Autre et avec le monde. La pandémie est, en effet, le moteur d'un sursaut qui vient tirer l'humanité de la torpeur dans laquelle elle a sombré en sous-estimant l'essence même de son existence.

La pièce est composée de scènes libérées des contraintes de l'écriture, à thématique unique et dans un enchainement linéaire des évènements. Sur les planches, les acteurs excellent tant en darija, en arabe classique qu'en français, dans des dialogues où ils crient la fragilité humaine accentuée par l'épidémie, quoiqu'elle constitue une faculté inhérente à l'Homme depuis la nuit des temps.

"Néant" dénonce une époque d'illusion où on tente de dompter la nature en se réfugiant dans la science et ses solutions toutes faites, d'assimiler des cerveaux à petit feu, moyennant un sentiment illusoire de liberté. Il s'agit là d'un cycle vicieux dans lequel l'être humain est pris en otage par des pouvoirs invisibles et dans un individualisme aliéné. Résultat : des individus déconnectés dans un monde connecté et mondialisé.

La pièce envoie des messages forts via une mélodie musicale expressive et des mouvements révélateurs des corps couplés à l'effet visuel des mots.

"Néant" se veut une expérience prometteuse, en ce sens que les six comédiens, trois hommes et autant de femmes, comptent parmi les premiers diplômés du projet "Studio de l'artiste", qui vise à explorer et affiner les jeunes talents du théâtre dans la capitale ismaélienne. Les personnages sont ainsi campés par les jeunes Imane El Kababri, Achraf Elhaibour, Fakir Jamal, Omar Fermouj, Firdaous Belkher et Hala Sentsissi.

Approché par la MAP, Bousselham Daif a indiqué que l'idée est née du sentiment de frustration qui a envahi les professionnels du théâtre à cause des restrictions imposées par la pandémie de la Covid19, laquelle les a empêchés d'exercer leur métier et leur passion.

"Alors que tous les théâtres ont été fermés et l'activité culturelle suspendue, l'idée m'est venue de travailler avec les jeunes de la ville de Meknès à travers des formations en plein air et sur les places publiques", a-t-il précisé.

"Nous avons travaillé sur des textes poétiques et littéraires internationaux, en les adaptant au théâtre de manière à traduire fidèlement le quotidien des gens. La pièce ne parle pas de l'épidémie en soi, mais plutôt de la fragilité et l'isolement de l'être et des objets", a encore ajouté le metteur en scène.

Cette représentation, qui est une autoproduction de la troupe, marque ainsi le début de la rentrée théâtrale à Meknès, une ville considérée, selon Bouselham Daif, comme étant l'un des fiefs du de cet art de la scène au Maroc. Elle constitue, d'après lui, un acte de "résistance" motivé par l'espoir d'une véritable reprise de la chose culturelle.

 

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