Quand Fernando Collor de Mello parlait de l’Amérique Latine à l’Académie du Royaume

5437685854_d630fceaff_b-

Le secrétaire perpétuel de l’Académie du Royaume, Abdejlil Lahjomri s’entretenant avec le sénateur Fernando Collor de Mello

1
Partager :

"Je salue […] la décision de reconnaître l'initiative d'autonomie comme seule base de règlement du différend régional sur le Sahara et d’ouvrir un consulat dans la ville de Dakhla, qui représente un acte de reconnaissance de la souveraineté du Maroc et du potentiel de la région en tant que pôle économique régional", peut-on lire dans la lettre que le sénateur brésilien Fernando Collor de Mello a adressée au président américain Joe Biden dans laquelle il souligne » l’importance de la décision américaine de reconnaitre la pleine souveraineté du Maroc sur son Sahara en vue d’une solution durable à ce conflit artificiel. »

Ancien président du Brésil (1990-1992), il est élu le 15 mars 1990 au terme des premières élections démocratiques organisées dans le pays depuis 29 ans. Le plus jeune élu à ce poste, il a déjà derrière lui une longue carrière politique dont gouverneur de l’Etat d’Alagoas, député fédéral, maire de Macéo et actauellment sénéteur fédéral depuis 2007. Il connait le Maroc et la région, pour y avoir séjourné, et en novembre 2017, il donne une conférence à l’Académie du Royaume dans le cadre du cycle préparatoire de la 45ème session de l’Académie, consacré à L’AMERIQUE LATINE ET L’HORIZON DE LA MONDIALISATION - Parcours de marins ou de naufragés?. Dans cette conférence, Fernando Collor de Mello expose le chemin du Brésil et de l’Amérique Latine pour une place au Soleil. Un retour sur l’histoire qui “passe au rayon X” l’amérique latine et finit dans ce siècle soumis aux implacables certitudes et incertitudes de la mondialisation. Un document qui vaut le détour et mérite qu’on s’y arrête.

L’AMERIQUE LATINE ET L’HORIZON DE LA MONDIALISATION

Fernando Collor de Mello lors de sa conférence à l’Académie du Royaume le 22 novembre 2017

Je voudrais tout d’abord remercier l’Académie du Royaume, en la personne de son Secrétaire Perpétuel, M. Abdeljalil Lahjomri, pour l’invitation qui m’a été faite pour cette conférence.  Je me sens honoré de participer aux activités de cette prestigieuse institution, dont le travail se fait sous le haut patronage de Sa Majesté le Roi Mohammed VI. Ma participation se fait avec d’autant plus d’enthousiasme que l’Académie a choisi de se pencher, lors de sa session de 2018, sur une thématique latino-américaine, ce qui montre l’intérêt qu’il y a au Maroc pour un renforcement des liens entre nos pays et entre nos peuples. Soyez sûrs que cet intérêt est réciproque et que les Brésiliens et les Latino-Américains sont pleinement conscients de l’importance d’avoir le Maroc – avec sa richesse de culture, d’histoire, son entrecroisement d’une pluralité d’influences et d’inspirations – dans notre « horizon de pensée », comme vous le dites dans l’énoncé du thème que vous avez fixé pour 2018. Des initiatives comme celle-ci contribuent de façon significative à une meilleure connaissance mutuelle entre nos pays. J’y participe donc avec plaisir et je vous en suis très reconnaissant.

Le continent latino-américain: un passage aux rayons X

L’expression “Amérique Latine” fut utilisée pour la première fois en 1856 par le philosophe chilien Francisco Bilbao et, la même année, par l’écrivain colombien José María Torres Caicedo, pour désigner la région du continent américain englobant les pays où sont essentiellement parlées des langues latines – en l’occurence, l’espagnol, le portugais et le français. Aux Etats-Unis, le terme Amérique Latine n’a commencé à être utilisé qu’au début du XXèmesiècle. A la fin de la seconde guerre mondiale, la création de la Commission Economique pour l’Amérique Latine et les Caraïbes (CEPAL) a consolidé l’usage de l’expression. Actuellement, l’Amérique Latine abrite 21 pays pour une population totale d’environ 600 millions d’habitants (ce qui correspond aux sept pays les plus peuplés d’Afrique[1]), qui est à l’origine de près de 8% du PIB mondial et occupe une surface continentale de 19,2 millions de kilomètres carrés (ce qui correspond à la superficie des 14 plus grands pays d'Afrique[2]).

Une vue de l’assistance

C:\Users\Naïm Kamal\Downloads\DSC_0023.JPG

Une vue de l’assistance à la conférence de Fernandi Collor

Colonisée principalement par les Espagnols et les Portugais, à partir de leur percée mercantiliste des XVème et XVIème siècles, l'Amérique Latine était exclusivement vue comme une terre pourvoyeuse d'or, d'argent et de produits agricoles valorisés sur le marché européen, comme le sucre par exemple. Ses relations commerciales avec la métropole étaient régies par ce que l'on appelait le "pacte colonial", qui imposait l'exclusivité du commerce de la colonie avec la métropole. Ce processus de colonisation a légué à l'Amérique Latine une série de handicaps pesant encore aujourd'hui et contribuant au retard relatif de la région: 1. Excès de bureaucratie et corruption; 2. Exploitation prédatrice; 3. Gouffre social entre une minorité privilégiée et la grande masse de la population et 4. Investissement tardif en éducation et en technologie, sachant que tout était centré sur la métropole.

Le processus colonial s’est poursuivi jusqu'au début du XIXème siècle, moment à partir duquel il a commencé à montrer des signes d'épuisement, face à la progression du capitalisme industriel anglais, qui aspirait à de nouveaux marchés. Lors de la période de 1810 à 1824, inspirés par les idéaux libertaires de la révolution française et par l'indépendance récente des Etats-Unis d'Amérique (1776), les pays de la région se lancent aussi dans la quête de leur indépendance. Ainsi, après les mouvements de 1810 et 1811 dans plusieurs colonies, en 1814 le Mexique prend son indépendance de l'Espagne, suivi en 1816 par l'Argentine; le Brésil en 1822 devient à son tour indépendant du Portugal. Toutefois, ce mouvement, conduit par les élites créoles - descendant d'Espagnols nés en Amérique - visait simplement à une réarticulation avec le marché européen sur de nouvelles bases. Pour cette raison, il n'a pas entraîné de changement substantiel d'un point de vue économique et social, puisque l'Amérique Latine restait dépendante de l'Europe et gouvernée par les mêmes élites qu'autrefois.

Je souhaiterais souligner ici le rôle significatif de trois figures emblématiques de cette période de l'indépendance, connues comme les "Libertadores"(libérateurs), des bourgeois descendants d'Européens, influencés par le libéralisme et dans la plupart des cas dotés d'une formation militaire en métropole.

Je commence par Simon Bolivar, idéaliste libertaire dont le rêve était de réunir toute l'Amérique Latine au sein d'un pays unique. Bolivar était obsédé par l'idée de liberté. Il répétait toujours que "L'anarchie et la tyrannie forment un immense océan d'oppression entourant un petit îlot de liberté". Il a joué un rôle fondamental dans le processus d'indépendance de la région, animé par les idées de Rousseau et de Montesquieu. Sa première participation au mouvement d'indépendance a lieu en 1812, quand, succédant à Miranda, il cherche à promouvoir l'indépendance du Venezuela, ce qui se solde néanmoins par un échec qui l’obligera à s'exiler en Jamaïque en 1815. Plus tard, avec l'aide de l'Angleterre, il réussit à former une nouvelle armée et, partant de l'embouchure du fleuve Orénoque, traverse les Andes et libère tout d'abord en 1819 la Nouvelle Grenade, qui deviendra la Colombie. Tout de suite après, en 1821, Bolivar prend Caracas et libère définitivement le Venezuela.

Pendant ce temps-là, à l'autre bout de l'Amérique du Sud, José de San Martín parvient à unir les Argentins jusqu'alors divisés et prend la suite de Belgrano. Buenos Aires et les villes de l'intérieur surmontent momentanément leur méfiance mutuelle et l'indépendance nationale peut finalement être officialisée lors du Congrès de Tucuman, en 1816. Par la suite, en 1817, traversant les Andes, San Martín entre au Chili et, s'unissant à la lutte de Bernardo O'Higgins, bat les Espagnols à Maypu, achevant la libération définitive du pays en 1818.

Grâce à la flotte anglaise de Lord Cochrane, San Martín évite le désert de l'Atacama et rentre au Pérou. Le vice-roi s'enfuit de Lima et un pays de plus prend son indépendance en 1821. Dans le même temps, Simon Bolivar marche vers le sud et, la même année, intègre l'Equateur à la Colombie.

Je mettrai également en lumière l'oeuvre d'Antonio Jose Sucre, rédacteur de l'armistice de Trujillo conclu entre la Colombie et l'Espagne en novembre 1820, qui constitue un jalon du droit international en tant que premier document à établir le traitement humanitaire que les vainqueurs d'une guerre devraient réserver aux vaincus. L'importance de Sucre va toutefois bien au-delà de ce texte, car il est le grand chef militaire qui a mené les processus d'indépendance de l'Equateur, du Pérou et de la Bolivie, pays qu'il a présidé entre 1825 et 1828.

Au Brésil, l'indépendance vis-à-vis du Portugal est proclamée par Dom Pedro Ier en 1822. A la différence de ce qui s’est passé dans les colonies espagnoles, nous avons hérité, de ce fait, du seul cas d'implantation sur le continent latino-américain d'une monarchie parlementaire. La République du Brésil, avec son système présidentiel en vigueur jusqu'ici, n’a été proclamée par le maréchal Deodoro da Fonseca que 67 ans après l'indépendance, le 15 novembre 1889.

Sonnant comme un avertissement sérieux face aux tentatives de recolonisation promues par la Sainte Alliance[3] (1815), ce qu'on appelle la "Doctrine Monroe" surgit le 2 décembre 1823 par la voix du président des Etats-Unis, James Monroe, qui, lors d'un discours au Congrès nord-américain, a dit: "L’occasion a été jugée convenable pour affirmer, comme un principe où sont impliqués les droits et les intérêts des Etats-Unis, que les continents américains, en vertu de la condition libre et indépendante qu'ils ont conquise et qu’ils maintiennent jusqu'à ce jour, ne doivent plus être considérés comme susceptibles de colonisation à l’avenir par aucune puissance européenne." Ce qui signifie: "L'Amérique aux Américains". Cette doctrine allait servir de base, plus tard, à d'autres mouvements internationaux importants sur le continent, comme la création de l'Organisation des Etats Américains (OEA) en 1948 et la signature en 1947 du Traité Interaméricain d'Assistance Réciproque (TIAR).

Immédiatement après l'indépendance, l'unité du continent n’a pu être maintenue, conséquence de la vieille politique anglaise consistant à "diviser pour régner" et des conditions propices à la fragmentation qui pré-existaient déjà du temps de l'Amérique espagnole. Il n'existait pas de fraction hégémonique de l'oligarchie capable de viabiliser un mouvement politique autour d'un centre de pouvoir unique. Au Brésil, au contraire, avec l'arrivée en 1808 à Rio de Janeiro des institutions portugaises fuyant devant Napoléon Bonaparte, un centre de pouvoir effectif a vu le jour, ce qui a facilité le maintien de l'unité nationale.

Un épisode important à signaler à cette époque est la Guerre du Paraguay, entre 1864 et 1870. Considérée jusqu'ici comme le plus grand conflit armé du continent, cette guerre a vu s'opposer la "Triple Alliance", composée du Brésil, de l'Argentine et de l'Uruguay, aux prétentions expansionnistes de Solano Lopez, à l'époque président du Paraguay. Depuis lors, la région n’a plus connu un seul conflit et bénéficie d’une situation de paix depuis presque 150 ans.

 Toujours au XIXème siècle, on assiste ainsi à une militarisation progressive des institutions, comme résultat direct de l'importance de la lutte armée dans le processus d'indépendance, ce qui se traduit para une tendance au règlement violent des impasses politiques qui, plus tard, sera à l'origine des nombreux coups d'état qui frapperont la région. Les "caudilhos" – leaders populistes, charismatiques et autoritaires – font leur apparition, expression du vide institutionnel exprimé par différents secteurs de l'élite à différentes époques. Les Etats-Nations récemment formés cherchent désormais à s’insérer dans le capitalisme international, ce qui engendre des initiatives modernisatrices (ports, voies ferrées, chaîne frigorifique, routes) et la construction d'un appareil politique de nature libérale.

Les gouvernements oligarchiques, dont la base du pouvoir était l'agro-export, voient leur existence contestée à partir de la grande crise de 1929, qui marque profondément les pays latino-américains. En raison de la crise, ceux-ci ne parviennent plus à exporter leurs produits à volume constant vers les pays centraux, ce qui les oblige à revoir leur modèle économique en se tournant vers l'industrialisation. Ce processus accélère la crise de l'Etat oligarchique, déjà en cours depuis un certain temps.

Au Mexique, Porfirio Diaz gouverne de 1876 à 1910, représentant l'apogée de la phase oligarchique et l'insertion définitive du pays dans le contexte capitaliste occidental. Il est renversé par une révolution, avant tout de nature agraire et en réaction à la pénétration excessive du capital étranger dans l'économie. Malgré le jusqu'au-boutisme initial de certains membres du mouvement révolutionnaire, comme Zapata et Pancho Villa, Carranza parvient à assurer la victoire des classes propriétaires contre les masses populaires radicalisées, en 1917.  

En Argentine, en 1930, le coup d’Etat qui destitue le président Irigoyen, remplacé par José Feliz Uriburu, marque le début de ce qu’on appelle la "décennie infâme", au cours de laquelle survient une série de régressions sociales, comme l'abolition du salaire minimum et la fermeture de syndicats. Avec l'accession au pouvoir du "Groupe des Officiels Unis", dont faisait partie Juan Domingo Perón, les droits des travailleurs sont réintroduits, ce qui conduit en 1946 à l'élection de Perón, qui restera au pouvoir jusqu'en 1955 avant d’être à son tour renversé par un coup d'Etat.

Au Brésil, 1930 marque le début de "l'Ere Vargas", qui va durer jusqu'en 1945. Lors de cette période, les industries de base profitent d'un essor important sous l'impulsion du président Getulio Vargas, qui promulgue également de très nombreux droits sociaux pour les travailleurs, mais mène le pays d'une main de fer, au sein d'un gouvernement autoritaire connu comme l’ "Estado Novo" ("Etat nouveau"). Avec la fin de la seconde guerre mondiale, Vargas se retire du pouvoir et le processus de redémocratisation du Brésil est amorcé. Il importe toutefois de signaler qu'en 1950, Getulio Vargas revient à la présidence, élu cette fois par le vote du peuple.

A Cuba, on a affaire à un processus sui generis. L'indépendance tardive du pays a bouleversé son évolution historique en ne lui permettant pas de passer par cette étape intermédiaire de domination d'une oligarchie créole, entre l'émancipation et l'incurssion du capital monopolistique. Au contraire, c'est justement le capital monopolistique qui va "parrainer" l'émancipation. L'économie était basée sur les enclaves sucrières, dont la production représentait près de 54% des exportations en 1908, part qui s'élève à 88,6% en 1918. Toutefois, à partir de 1925, avec la chute des prix du sucre sur le marché extérieur, conséquence directe de la reprise de la production européenne de betterave, Cuba connaît une crise profonde, aggravée par la Grande Dépression de 1929. Ceci augmente l'agitation populaire et conduit à une succession de coups militaires jusqu'à ce que, en 1952, Fulgencio Batista renverse Pio Socarrás et installe un gouvernement dictatorial, qui aggrave la misère et la domination étrangère, offrant un terreau fertile à la révolution qui sera menée par Fidel Castro en 1959.

Le processus révolutionnaire cubain débute en 1955, lorsque Fidel Castro et son frère Raúl, exilés au Mexique, organisent le mouvement du 26 juillet, auquel se joint le médecin révolutionnaire argentin Ernesto Che Guevara. En décembre 1956, un groupe de 82 hommes embarque à bord du yacht “Granma”, en direction de Cuba. A l'arrivée, une grande partie des rebelles meurt lors du combat contre les troupes de Batista, et les rescapés fuirent vers la Sierra Maestra, où ils commencent une campagne de guérilla qui finit par l'emporter en 1959, avec l’entrée des révolutionnaires à La Havane.

Le Venezuela voit quant à lui, l'apogée de sa phase oligarchique lors du gouvernement dictatorial de Juan Vicente Gómez (1908-1935). Après sa mort, le pays vit une sorte de "despotisme éclairé", marqué par des gouvernements successifs cherchant à le moderniser grâce aux bénéfices du pétrole. Ce processus est interrompu pour l'implantation de la dictature de Perez Jiménez, en 1952. Avec sa déposition en 1958 et l'élection de Rómulo Betancourt l'année suivante, le pays entre alors dans une longue phase de démocratie constitutionnelle.

Nous arrivons donc alors, Mesdames et Messieurs, à l’époque de la guerre froide, qui transforme le caractère de la politique interventionniste des Etats-Unis en Amérique Latine: ne relevant plus seulement des “affaires domestiques", elle est considérée à partir de là comme une stratégie de défense du monde libre contre le communisme. Dans ce contexte, toute tentative latino-américaine visant limiter l'exploitation des marchés et des ressources naturelles par les Etats-Unis est désormais vue comme une conspiration communiste. Les oligarchies traditionnelles et les militaires s'allient à cette politique, ce qui explique les nombreux coups militaires qui frappent les pays latino-américains durant les décennies de 1960 et 1970, en plus des interventions directes de Washington pour renverser certains gouvernements, comme dans les cas de la République Dominicaine (1965), de la Grenade (1983) et du Panama (1989). Dans ses grandes lignes, la politique des Etats-Unis poursuit cette orientation lors des gouvernements de Lyndon Johnson et de Richard Nixon. Avec Jimmy Carter se dessine une plus grande préoccupation pour les droits humains, alors que pendant le mandat de Ronald Reagan, on assiste au contraire à un durcissement du combat contre le communisme et à la fin de la phase de "détente", qui était pourtant à l'ordre du jour jusque-là. D'un point de vue économique, le gouvernement Reagan apporte une hausse des taux d'intérêt et l'assèchement des liquidités mondiales. A la suite de quoi, différents pays latino-américains entrent alors dans une profonde crise d'endettement extérieur.

La chute du mur de Berlin en 1989 et la fin de l'Union Soviétique en 1991 inaugurent une nouvelle époque pour les relations internationales, avec la fin de la guerre froide et l'hégémonie politico-militaire des Etats-Unis. L'Amérique Latine, de toute évidence, n'allait pas pouvoir rester à l'abri des effets de ce changement significatif. Le premier d’entre eux est la fin des régimes dictatoriaux, qui se profilait déjà depuis le milieu des années 80, marquées par la crise économique et l'hyperinflation. En ce sens, José Sarney au Brésil et Raul Alfonsín en Argentine, après les gouvernements militaires dans les deux pays, ont eu pour défi de promouvoir la transition vers la démocratie; pendant ce temps, au Mexique, Miguel de La Madrid connaissait le grand succès de sa présidence dans le domaine économique.

C’est à cette époque qu’émerge ce qu'on appelle le "Consensus de Washington", ensemble de recommandations économiques élaborées en 1989 par des économistes issus d’institutions financières situées à Washington D.C., comme le Fonds Monétaire Internationale (FMI), la Banque Mondiale et le Département du Trésor des Etats-Unis, et qui vise à promouvoir la politique économique néolibérale comme moyen de combattre les crises et la misère des pays sous-développés, surtout ceux d'Amérique Latine. Ces recommandations se sont d’abord fondées sur un texte de l'économiste John Williamson, de l'Institut International d'Economie, avant de constituer la politique officielle du FMI dans les années 90. A cette époque, le Fonds se met à les préconiser pour promouvoir "l'ajustement macroéconomique" des pays en développement qui traversent des difficultés.

En pratique, ces théories néolibérales ont eu des résultats divers sur le continent: elles aboutissent à l'approfondissement des expériences de privatisation des entreprises d'état, à l'ouverture commerciale rapide et à la dérégulation de l'économie, en vue de créer des climats d'affaires favorables aux investisseurs internationaux. Au-delà de ces développements économiques, en termes politiques, l'Amérique Latine entre dans une nouvelle période démocratique, marquée par des élections libres et directes à tous les niveaux. C'est à cette époque que sont élus les présidents Carlos Menem (Argentine); Carlos Salinas de Gortari (Mexique); Gonzalo Sanchez de Lozada (Bolivie); Alberto Fujimori (Pérou); Carlos Andrez Perez (Venezuela).

Au Brésil, Fernando Henrique Cardoso est élu président en 1994, s'inscrivant dans la continuité du processus de modernisation et d'ouverture des marchés que j'avais moi-même amorcé, lorsque j'occupais la Présidence de la République du Brésil entre 1990 et 1992, sachant que j’ai donc été le premier président élu par le peuple après 21 ans de gouvernement militaire.

Outre cette vague de néolibéralisme et de démocratisation, l'Amérique Latine est le théâtre de mouvements lors de cette période. Le premier est la défaite des groupes terroristes qui ravageaient la région pendant les décennies de 1970 et 1980, comme le Sentier Lumineux, démantelé pendant le gouvernement de Fujimori au Pérou, ou l'Armée Zapatiste de Libération Nationale au Mexique (Accord de San Andrés, 1996). Plus récemment, c'est la Colombie qui est parvenue à résoudre un conflit décennal avec le groupe de guérilla des Forces Armées Révolutionnaires de Colombie (FARC).

Il importe de signaler qu’avec la fin de l'Union Soviétique les mouvements de gauche ont traversé une période de désarticulation temporaire. C’est à ce moment-là que surgit l'initiative du "Forum de São Paulo", conférence de partis politiques et d’organisations de gauche créée à partir d'un séminaire lancé au Brésil, en 1990, par le Parti des Travailleurs (PT) - la principale formation de gauche du pays -, pour discuter des alternatives aux politiques néolibérales dans la région et pour promouvoir l'intégration latino-américaine dans les domaines économique, politique et culturel. Cette initiative est devenue une structure permanente et réunit aujourd'hui des organisations issues de divers pays, dont les positions politiques varient au sein d'un large spectre, incluant des partis sociaux-démocrates et d’autres d'extrême gauche; des organisations communautaires, syndicales et sociales; la gauche chrétienne, des groupes ethniques et écologistes; des organisations nationalistes et des partis communistes.

D'un autre côté, un mouvement s’est dessiné vers l'intégration des marchés, avec la création du Marché Commun du Sud – Mercosur (Traité d’Asunción, 1991) - entre le Brésil, l'Argentine, l'Uruguay et le Paraguay, et de l'Accord de Libre Echange Nord-américain (ALENA) – entre le Canada, le Mexique et les Etats-Unis. Cette vague intégrationniste a émergé comme une alternative en faveur de l'insertion de la région au capitalisme international, et comme un outil de plus pour que le Brésil exerce son soft power (diplomatie d'influence). Cette union était alors perçue comme fondamentale pour le repositionnement des pays de la région sur la scène internationale, à l'exemple de ce que faisait déjà l'Union Européenne, à partir de 1958 avec la signature du Traité de Rome.

En 1994 est signé le Protocole d'Ouro Preto, instrument dotant le Mercosur d'une personnalité juridique et d'organismes administratifs, et établissant partiellement une zone de libre-commerce et une union douanière limitée, à compter du 1er janvier 1995. En outre, en une tentative de contrebalancer le mouvement de création de la Zone de Libre Echange des Amériques (ZLEA) – mené par les Etats-Unis, le Brésil entame des négociations avec l'Union Européenne qui entraînent la signature en décembre 1995 du premier accord inter-blocs économiques, l' "Accord Cadre Inter-régional de Coopération Union Européenne-Mercosur".

De manière générale, les années 90 en Amérique Latine sont par ailleurs marquées par l'instabilité financière globale, avec la chute des indicateurs sociaux, l'augmentation du chômage et une croissance économique lente. Les économies de la région croissent à un rythme inférieur à celui des pays développés et bien en dessous de celui des "tigres asiatiques", entraînant une augmentation des disparités entre l'Amérique Latine et les pays développés,  ce qui engendre de fortes pressions populaires et ouvre la voie à l'ascension des gouvernements de gauche au début des années 2000.

C'est ainsi qu'avec des mouvements sociaux de plus en plus forts et des inégalités sociales de plus en plus flagrantes, des présidents aux discours de gauche ont accédé au pouvoir dans pas moins de 11 pays de la région, à savoir: Hugo Chávez (Venezuela), Luiz Inácio Lula da Silva (Brésil), Evo Morales (Bolivie), Nestor Kirchner (Argentine), Michelle Bachelet (Chili), Fernando Lugo (Paraguay), Ollanta Humala (Pérou), Tabaré Vazquez (Uruguay), Rafael Correa (Equateur), Daniel Ortega (Nicaragua) et José Manuel Zelaya (Honduras). Ces gouvernements représentaient un contrepoint au néolibéralisme et comptaient répondre aux importantes revendications sociales qui se présentaient à eux.

Malgré les nombreuses avancées sociales et le changement d'axe de l'agenda économique, les gouvernements de gauche, de manière générale, n’ont pas été capables de mener des réformes plus profondes dans les structures sociales. Peut-être ceci explique-t-il en partie les mouvements récents vers le centre-droit qui touchent actuellement la région. Parmi eux, pour commencer, la victoire de Mauricio Macri en Argentine en 2015, mettant fin à une “Ere Kirchner” de 12 ans au pouvoir; les résultats des élections législatives du mois dernier ont confirmé le renforcement du gouvernement actuel. Au Venezuela, après les élections parlementaires, l’installation de l’Assemblée Constituante et l’élection des gouverneurs, la situation reste marquée par une forte polarisation, ainsi que par de profondes divergences sur l’aspect institutionnel, et cette situation est toujours suivie avec attention et intérêt par tous ceux qui, comme moi-même, sont des amis du peuple vénézuélien. En Bolivie, Evo Morales perd le référendum sur la réforme constitutionnelle visant à lui accorder un nouveau mandat présidentiel. Au Pérou, le scrutin de 2016 est remporté par Pedro Pablo Kuczynski, de tendance centre-droite et libérale. Quant au Brésil, après quasiment 13 ans de gouvernement du Parti des Travailleurs, Michel Temer, libéral, assume la présidence en 2016 suite à l'impeachment de Dilma Roussef, successeur de Luiz Inácio Lula da Silva, tous deux de gauche. L’an prochain, nous aurons au Brésil des élections présidentielles et législatives (aux niveaux national et des états) et pour le gouvernement des 27 états de la fédération.

Il est encore tôt pour affirmer que nous sommes en train de vivre un nouveau virage à droite. Toutefois, les faits indiquent que les citoyens latino-américains, surtout les nouvelles générations, après avoir obtenu une plus grande intégration sociale et l'essor de la classe moyenne, attendent désormais davantage et sont devenus très critiques du pouvoir, notamment en ce qui concerne la corruption et l'absence de perspectives d'avenir les concernant. On voit ainsi s'installer un contexte créant chez eux de profondes frustrations et débouchant sur des manifestations hostiles aux pouvoirs constitués. La fin de la décennie dorée des matières premières est également à la base de ce changement de cycle. Les économies latino-américaines ont connu entre 2003 et 2012 des taux de croissance dépassant les 4%, selon les données de la CEPAL. Depuis les années 60, la région n'avait pas connu de période de croissance économique aussi intense. Une bonne partie de la popularité de ces gouvernements s'appuyait sur des subventions et des programmes sociaux qui dépendaient de ressources fiscales perçues grâce aux prix élevés des matières premières.

Ces années prospères ainsi que les gouvernements de gauche ont changé beaucoup de choses pour le continent. Entre 2002 et 2012, le niveau de la pauvreté est passé de 44% à 29%, alors que celui de la pauvreté extrême a diminué de 19,5% à 11,5%, avec un essor considérable des classes moyennes. La dépense publique a aussi beaucoup augmenté. Et ceci a induit davantage d'intégration sociale. Un exemple: entre 1999 et 2011, d'après l'UNESCO, le taux de scolarisation de base est passé de 55% à 75%.

Mais cette période semble s'être achevée. L'an dernier, l'Amérique Latine a enregistré une croissance négative du PIB pour la deuxième année consécutive. La réduction de la demande de matières premières est la première cause de ce recul. Entre 2011 et 2015, les prix des métaux et de l'énergie (pétrole, gaz et charbon) ont chuté de presque 50%, selon la CEPAL. Sur la seule année 2015, ces mêmes produits ont perdu 24% de leur valeur.

3. Certitudes et incertitudes: la mondialisation et l'avenir de l'Amérique Latine

Le XIXème siècle est une période de véritables transformations, intenses et rapides. En parallèle aux mouvements d'indépendance, il connaît également une croissance accélérée des processus de modernisation. Ainsi, en 1819, le Savannah, premier navire à vapeur à traverser l'Atlantique, fait le voyage des Etats-Unis vers l'Angleterre en 26 jours; en 1821 Michael Faraday invente le moteur électrique; en 1825 est inauguré le premier train de passagers en Angleterre; et en 1831 Charles Darwin embarque pour l'Amérique du Sud à bord du HMS "Beagle", dans le cadre des recherches qui allaient fournir la base de son livre L'origine des espèces. L'industrie commence à transformer le monde et les relations économiques internationales, consolidant ladite "première révolution industrielle" en activant la mécanisation de la production grâce à l'eau et à l'énergie à vapeur. Ainsi s'ouvre l'ère de la production en masse à l'aide de l'énergie électrique (deuxième révolution industrielle), suivie peu après par la révolution numérique, l'utilisation de l'électronique et des technologies de l'information qui permettront d'automatiser encore plus cette production (troisième révolution industrielle) et de diffuser en conséquence le processus de globalisation jusqu'à l’heure actuelle. Aujourd'hui, nous vivons la quatrième révolution industrielle - ou industrie 4.0 - qui inclut le maximum de technologies d'automatisation et d'échange des données, associées à l’usage des concepts de "systèmes cyber-physiques", "internet des objets" et "informatique en nuage" ("cloud computing") .

Donc, nous ne pouvons envisager les perspectives futures pour l'Amérique Latine dans les années à venir sans nous arrêter sur les effets du processus de mondialisation en cours. Dans ce contexte, la question que je pose à présent est la suivante: l’Amérique Latine peut-elle assumer son rôle visible et indépendant sur la scène internationale? Il me semble qu’elle peut le faire.

Pour cela, premièrement, il importe que les élites dirigeantes latino-américaines reconnaissent, une bonne fois pour toutes, l'inexorabilité de la mondialisation, phénomène irréversible, qu'il soit ou non de notre goût. A ceci s'ajoute la nécessité de concevoir la conjoncture internationale comme marquée par les protectionnismes, la rupture technologique et le combat contre la corruption. Il existe en outre une série d'éléments communs à toutes les régions du monde, comme l'inégalité croissante, la vulnérabilité de la classe moyenne et la méfiance vis-à-vis des élites politiques, qui configurent actuellement un nouveau processus historique, au-delà du drame des réfugiés, du phénomène migratoire, du chômage et de la menace terroriste du fait du manque d'horizon pour les jeunes et de la diffusion précaire de la connaissance.

J'ouvre ici une parenthèse pour souligner l'importance de reconnaître le rôle de la mondialisation dans ce contexte précis. En 2000, le FMI a identifié quatre aspects basiques pour cette mondialisation: (1) commerce et transactions financières; (2) mouvements de capitaux et d'investissement; (3) migrations et mouvements de personnes; et (4) diffusion de la connaissance.

Les deux premiers aspects, davantage liés à la réalité des flux commerciaux et financiers imposés par la mondialisation, sont depuis longtemps déjà reconnus et assimilés par pratiquement toutes les nations de la planète. Aujourd'hui, il est impossible d'imaginer un monde, totalement ou partiellement intégré, sans les mouvements de capitaux et d'investissement générés par les transactions commerciales et financières. Pour cette raison, je souhaiterais m'arrêter davantage sur les aspects et les conséquences les plus récents, et en même temps les plus sensibles, de la mondialisation: les mouvements de personnes et la diffusion de la connaissance.

Francis Bacon a affirmé catégoriquement que "le vrai pouvoir est la connaissance". La mondialisation est la plus grande conséquence du rétrécissement de l'espace et du temps, fruit du progrès technologique et de l'innovation. C'est donc la conséquence de la conquête du pouvoir par la connaissance. Ainsi, ni la rhétorique simpliste consistant à la nier, ni l'obstination à vouloir la combattre ne mèneront quelque part. En fin de compte, le monde est constitué de tout ce qui se passe; il englobe l'ensemble des faits, non des choses. Pour cela, il est bien indispensable de comprendre la mondialisation dans son ensemble afin de s'adapter à une réalité qui ne reculera plus.

Il y a un vide dans la mondialisation par rapport à son but principal. C'est face à cet espace vacant  que la politique, par la gouvernance des Etats-Nations et tout en respectant les libertés individuelles, doit entrer en scène, agir et indiquer le nord vers lequel nous devons marcher. Toutefois, ce n'est pas ce qui se produit. En général, la politique dans le monde – sous l'effet de la logique de ses systèmes et du prisme des principes démocratiques – s’est rétrécie et ne parvient même pas à accompagner le rythme effréné de l'économie, dicté par la mondialisation.

Comme l’a dit Daniel Bell, les Etats-Nations sont devenus trop petits pour les grands problèmes et trop grands pour les petits problèmes. Et la preuve magistrale de cette réalité dans la majorité des pays se trouve dans les difficultés que connaissent ceux qui sont désignés comme les "déshérités de la mondialisation". Si sur le plan global cela correspond au phénomène des migrations et des réfugiés, sur le plan local, à l'échelle des nations, on les retrouve sous la forme du chômage et des guerres civiles. Ces phénomènes d'instabilité de plus en plus grands sont corrélés, l'un étant en bonne partie la conséquence de l'autre. Si d'un côté les conflits internes provoquent des flux de réfugiés, de l'autre, le chômage engendre les migrations. Et dans les deux cas, la toile de fond est la mondialisation et la non-satisfaction des attentes qu'elle a elle-même engendrée.

Le fait est que, de manière générale, la jeunesse des pays moins développés comme celle des nations latino-américaines se retrouve sans direction, sans perspective. La mondialisation engendre des expectatives en termes d'opportunité et de styles de vie qui ne sont pas toujours à la portée de la majorité des jeunes. Pour une série de raisons, tout cela débouche sur le chômage, l'exclusion et la déception, qui devient frustration.

La conséquence extrême de cette situation dans certains pays est le terrorisme, qui ne doit pas forcément être confondu avec une question religieuse. Les extrémismes s'imposent comme justification de leur propre existence, comme moyen d'attirer l'attention. Peut-être qu'ici, au-delà des intérêts géopolitiques et financiers en jeu, réside également l'une des causes de la guerre cybernétique, une des principales menaces à la stabilité mondiale.

De la même manière, le chômage apparaît comme la marque de l'exclusion sociale sur le marché du travail, en général du fait d'un manque de formation éducative. Tout ceci engendre un déficit d'éducation qui va se refléter négativement dans tous les secteurs socio-économiques des pays en général, et de l'Amérique Latine en particulier.

Dans le cas du Brésil même, ce scénario est de plus en plus courant. Près de un million 700 000 postes de travail vacants restent non-occupés, faute de candidats qualifiés (selon des données de 2009). Dans un domaine essentiel du développement économique, l'ingénierie par exemple, les chiffres sont alarmants: 90% de nos municipalités ne disposent pas d'ingénieurs parmi leurs cadres; la désertion des cursus d'ingénierie en raison des déficiences de l'enseignement primaire atteint 75% dans les universités privées et 60% dans les universités publiques; alors que le Brésil, avec plus de 200 millions d'habitants, forme 30.000 ingénieurs par an, la Corée du Sud, avec 50 millions d'habitants, en forme plus de 80.000. En plus de cela, selon des données de 2014, 7,6 millions de jeunes Brésiliens âgés de 18 à 24 ans, ayant pourtant achevé leur cursus d'enseignement secondaire, avaient interrompu leurs études.

A travers un autre volet, on peut se rendre compte que la mondialisation engendre de plus en plus d'exigences différenciées en terme de formation technique et professionnelle, afin de répondre aux demandes de nouveaux services et aux offres de nouveaux métiers qui, progressant de façon géométrique, surgissent ou se renouvellent dans tous les domaines. Nous savons qu'aujourd'hui près de 70% des élèves de l'enseignement primaire dans le monde seront amenés à exercer des activités et des professions qui n'existent pas encore. La prévision est que d'ici 20 ans, 70% des emplois actuels disparaîtront. A titre d'exemple classique de cette dynamique, on peut rappeler ici le cas de Kodak, l'entreprise de pellicules et d'appareils photos. En 1998, elle employait près de 170 000 salariés et vendait 85% du papier photo dans le monde. En seulement 3 ans, son modèle commercial est devenu obsolète et l'entreprise a disparu. De la même manière, au cours des prochaines années, et à un rythme de plus en plus rapide, de nouveaux logiciels vont avoir un impact sur la majorité des affaires et aucun domaine d'activité ne sera à l'abri des changements à venir. C’est ce qui produit déjà aujourd’hui, du fait des sites internet, des réseaux sociaux et des applications tels que Google, Facebook, Uber et tant d’autres. Selonune étude récente de l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC), 80% des emplois perdus dans les économies avancées le sont en raison des innovations technologiques, et 20% seulement en raison de la concurrence des produits importés. Dans les pays en développement comme ceux d'Amérique Latine, ce ratio 80%/20% tend à être encore pire, du fait du bas niveau de scolarité. Ainsi, une bonne part des questions relatives aux flux migratoires et à la mondialisation constatées aujourd'hui dans le monde s’avèrent être le résultat du chômage et des tensions sur le marché du travail.

S'ajoutent à ce cadre les exclus de l'univers numérique, ceux qui ne disposent même pas d'un accès à internet faute de conditions ou par défaut d'universalisation du haut débit. Dans le monde globalisé, où le commerce électronique génère à lui seul des flux s'élevant à 25 billions de dollars par an, l'inclusion numérique devient une composante décisive pour la production et le commerce de n'importe quel pays. En ce sens, il suffit de citer cette étude de la Banque Mondiale selon laquelle une augmentation de 10% de l'accès d'une partie de la population à internet entraînerait une augmentation du PIB de 1 à 2%. Ceci sans parler de l'importance du rôle qu'exercent aujourd'hui les réseaux sociaux, pas seulement en tant qu'instruments d'intégration et de mobilisation, mais aussi à travers leur utilisation à des fins commerciales, sociales et politiques.

Mesdames et Messieurs, comme on le voit, l'exclusion provoquée par la mondialisation rend la scène internationale bien sombre, et, en particulier en Amérique Latine, imprévisible. Mais il nous indique également le nord et nous révèle une certitude: il n'est plus possible de négliger l'impérieuse nécessité d’intégrer socialement les déshérités de la mondialisation.

Pour cela, il nous faut lutter: pour moins de nationalisme et plus de multilatéralisme; pour moins de protectionnisme et plus d'ouverture; pour moins d'isolationnisme et plus d'intégration; pour moins d'idéologie et plus de pragmatisme; pour moins de rhétorique immature et plus de dialogue responsable. Pour ce faire, les nations doivent larguer les amarres du passé, du retard et des préjugés, notamment dans ces régions qui doivent encore se construire un avenir plus développé et plus égalitaire, comme dans le cas des continents latino-américain et africain.

Et c'est justement dans ces régions, du fait de la proximité géographique – même séparées par un océan qui, en réalité, nous unit et nous rapproche –, des liens historiques qui la nourrissent et de l’avenir auxquel elles aspirent, qu'il devient fondamental de discuter de manière constante du rapprochement des nations. Je n'ai aucun doute sur la disposition d'une bonne partie des pays d'Amérique Latine à poursuivre cet objectif.

En conséquence, Mesdames et Messieurs, il faut commencer par reconnaître l'intégralité de ce contexte mondialisé pour que l'Amérique Latine exerce, de façon moins dépendante des grandes puissances, un rôle plus important dans le monde. Ceci fait, reste à voir quels sont les intérêts convergents de ses nations, leurs avantages comparatifs et comment mieux en tirer profit pour influencer le scénario international en leur faveur. C’est à dire, pour rechercher la spécialisation et la complémentarité. En ce sens, l'intégration régionale et la politique des blocs exercent un rôle majeur. Ceci parce que, ensemble, leurs nations sont plus fortes, mais séparément, elles deviennent faibles et vulnérables.

Cela étant, il serait naïf de supposer qu'une politique de blocs puisse faire directement face aux puissances hégémoniques. En revanche, nous pouvons bien utiliser le soft power, comme dirait Joseph Nye, pour influencer ponctuellement la donne internationale, en négociant en notre faveur sur des points qui nous soient essentiels, en cédant sur certains sujets et en avançant sur d'autres, comme j'ai cherché à le faire lorsque j'ai exercé la Présidence de la République du Brésil, en priorisant certains thèmes comme le désarmement, les droits de l’homme et l'environnement. Grâce à cela, nous avons gagné du terrain parmi les principaux acteurs du monde globalisé.

Permettez-moi de mentionner les lignes directrices de la politique extérieure sous mon gouvernement. A ce moment-là, j'ai eu l'occasion d'affirmer que "Le Brésil moderne doit mettre l'accent sur la participation active aux décisions internationales. Pas par prétension hégémonique (...) mais parce qu'aujourd'hui, l'interdépendance exige que tout acte de gouvernement soit une combinaison permanente de variables internes et externes."

Nous étions à un moment de construction de nouvelles règles de conduite globales, formalisées par des régimes internationaux, comme ceux qui ont émergé du Sommet Mondial pour les enfants en 1990 ou de la Conférence de Rio en 1992. La fenêtre d'opportunité était ouverte pour que des pays intermédiaires, comme le Brésil, avec une valeur ajoutée liée à un thème spécifique,exercent leurs soft power et promeuvent une intégration compétitive. C’ést en ce sens que, en tant que président de la République, j’ai signé avec le gouvernement d’Argentine l’Accord  de non-prolifération des armes nucléaires, chimiques et bactériologiques de destruction massive, mettant fin a un ancien contentieux du sous-continent. Cet accord est, jusqu’à nos jours, considéré comme un modèle par l’Agence Internationale d’Energie Atomique (AIEA).

Aujourd'hui, 25 ans après la fin de mon gouvernement, cette vision conserve sa valeur, sachant que la mondialisation progresse à grands pas et que l'intégration économique se configure comme une voie importante pour que nos pays assument une action coordonnée sur la scène internationale.  Qui plus est, la recherche d'un rôle plus actif sur des thèmes comme les droits de l’homme et l'environnement peut être un différentiel que le continent latino-américain chercherait à proposer au monde.

Plus spécifiquement quant au Mercosur, il est important de souligner que nous parlons d'une population de 305 millions d'habitants, c'est à dire de 70% de la population de l'Amérique du Sud, générant un PIB de 3 billions de dollars américains, ce qui équivaut à la 5ème économie mondiale! Par contraste, le deuxième bloc d'Amérique Latine, l'Alliance du Pacifique - Chili, Colombie, Mexique et Pérou - présente un PIB global de 1,9 billions de dollars. Je souligne aussi que le commerce interne au Mercosur est passé de 4 milliards de dollars en 1990, à 108 milliards en 2015, ce qui suffit à démontrer la force de l'intégration et de la coopération économique.

Malgré ce saut incroyable, en termes de volume commercial, il reste encore beaucoup à faire. Dans la ligne du soft power, le Mercosur dispose d'un grand potentiel pour agir sur le marché des aliments et des marchandises en général, mais pour entrer dans les chaînes productives globales nous devons augmenter notre efficacité. Je donne ici un petit exemple: selon l'Indice de Compétitivité du Forum Économique Mondial 2016, les membres de l'Alliance du Pacifique occupent la 53ème position sur 138 pays, alors que les membres du Mercosul sont à la 101ème place; selon le Doing Business Index 2016 de la Banque Mondiale, l'Alliance du Pacifique apparaît au 48ème rang, et le Mercosul au 123ème.

Une étape importante vers l'amélioration de l'efficacité et la compétitivité de la région a été atteinte en l'an 2000, avec la création de l'Initiative d'Intégration de l'Infrastructure de la région Sud-Américaine (IIRSA), dont l'objectif est de diminuer les coûts de transport et de circulation des marchandises, en vue d’augmenter les niveaux d'exportation intra et extra régionales. En 2016, 581 projets étaient en cours, avec un volume d'investissements estimé de l'ordre de 192 milliards de dollars américains.

Il convient de rappeler aussi que dans le Mercosur, tout ne se résume pas aux résultats économiques. L'un de ses principaux objectifs, consacrés depuis le début, était d'ouvrir la voie au retour de la région à la démocratie. Tous les pays membres sont sortis de dictatures dans les années 1980 et, en 1998, ont signé le Protocole d'Ushuaia sur l'Engagement Démocratique, selon lequel la rupture de l'ordre démocratique constitue une cause de suspension d'un pays membre.

En dehors du Mercosur, je souhaiterais citer certaines initiatives importantes du point de vue régional contemporain. Je commence par l'Union des Nations Sud-Américaines (UNASUR) – bloc réunissant 12 pays, fondé en 2008 pour construire un espace d'intégration des peuples sud-américains, sur la base d'une articulation autour de domaines structurants, comme l'énergie et l'infrastructure, ainsi que d'une coordination des positions politiques. La création de l'UNASUR participe au processus récent de dépassement de la méfiance régnant entre les pays sud-américains depuis les mouvements d'indépendance au XIXème siècle.

Je souligne également le Partenariat Transpacifique (PTP) – conclu en 2015 par 12 pays du Pacifique, dont 3 latino-américains - Chili, Pérou et Mexique – dont les principaux objectifs sont l'intégration économique entre les Etats-membres; la création de règles communes de propriété intellectuelle; l'harmonisation des lois du travail; le développement d'actions environnementales communes; et l'augmentation des investissements internes du bloc. Il faut signaler que les Etats-Unis ont participé à la création du bloc, pendant le mandat du président Barak Obama. En entrant à la Maison Blanche, le président Donald Trump a en revanche signé un décret exécutif retirant son pays du PTP.

Il existe d'autres entités de type intégrationniste en Amérique Latine, qui méritent d’être citées du fait de leur importance historique. C'est le cas de l'Association Latino-Américaine d'Intégration (ALADI); du Marché Commun Centre-Américain (MCCA); de la Communauté et Marché Commun Caribéens (CARICOM); ou encore de l'institution, en 1968, de la Corporation Andine de Développement(CAF) – la banque de développement de l'Amérique Latine.

Comme la politique interne ne peut être découplée de la politique internationale, le Brésil a cherché à s’étendre en géopolitique. Un exemple est la création de ce que l'on a appelé les BRICS, une association politique de pays émergents, composée du Brésil, de la Russie, de l'Inde, de la Chine et de l'Afrique du Sud, lancée dans les faits en 2009. En plus de chercher à nouer de nouveaux accords commerciaux et à avancer de différentes manières vers une coopération inter-gouvernementale, ces nations agissent ensemble, au moyen de réunions annuelles, comme contre-poids géopolitique au rôle central des Etats-Unis et de l'Union Européenne. En dépit du constat de nombreuses asymétries entre les membres des BRICS, principalement dans les domaines économique et politique, ces pays parviennent à travailler, contre toutes les prévisions de la communauté internationale, à renforcer leur coopération, unir leurs positions dans les forums mondiaux et consolider leur institutionnalisation. Parmi ses membres, le bloc possède trois puissances nucléaires: la Russie, l'Inde et la Chine. Ainsi le poids du Brésil réside-t-il précisément dans l'exercice de son soft power. Ceci constitue sans doute la plus grande contribution brésilienne, entre autres, permettant de consolider les BRICS et, au-delà, de représenter l'Amérique Latine dans le jeu de pouvoir entre les puissances de la planète.

Mesdames et Messieurs, que ce soit dans le Mercosur, au sein des BRICS ou de l'UNASUR, l'Amérique Latine ne peut perdre de vue les voies qu’empruntent le progrès et le développement. Dans le passé, ce sont les puissances mercantilistes et industrielles qui dominaient. Aujourd'hui, époque de ladite "industrie 4.0", ce qui va déterminer quels seront les futurs leaders du XXIème siècle, ce sera l'attention plus ou moins grande accordée aux tendances qui se dessinent devant nous: nanotechnologies, internet des objets, algorithmes, ordinateurs quantiques, intelligence artificielle, robotique, parmi d’autres, tout ceci évidemment dans une perspective soutenable et globale.

Il me semble impossible que l'Amérique Latine s'insère avec succès sur la scène internationale sans chercher à se rapprocher davantage de l'Afrique. En ce sens, les relations avec le Maroc revêtent une importance plus que spéciale, surtout depuis le règne de Sa Majesté Mohammed VI.

Le Maroc est, pour ainsi dire, une porte d'entrée des pays latino-américains vers le monde arabe et vers l'Afrique. Nous avons un héritage culturel commun, qui date de l'époque où les arabes occupaient la péninsule ibérique. En outre, les relations commerciales denses du Maroc avec l'Union Européenne peuvent faciliter l’accès pour les produits latino-américains à ce marché.

Autre point favorable: le Maroc a conclu des accords commerciaux avec divers blocs économiques. Je cite, par exemple, l'Accord de Libre Echange Maroc-Etats-Unis, entré en vigueur en 2006, l'Accord d'Association avec l'Union Européenne, entré en vigueur en 2000 et l'Accord Cadre Mercosul-Maroc, signé lors de la visite du roi Mohammed VI à Brasilia, à la fin 2004, similaire à celui signé avec l'Afrique du Sud (2000) et avec l'Egypte (2004). En dehors de ces textes, le Royaume a aussi conclu différents accords de coopération tant avec l'Argentine que le Brésil, ce qui tend à accroître les relations entre ces pays.

En dehors de l'intégration régionale, l'autre question à laquelle l'Amérique Latine est confrontée dans son avenir est la persistance de quelques problèmes de frontière, qui ont toujours un potentiel d’instabilité plus ou moins grande et qu’il est donc essentiel de régler par la diplomatie et par des négociations pacifiques. Je pense aux contentieux ou aux discussions qui existent, par exemple, entre la Colombie et le Venezuela, entre le Chili et la Bolivie, entre le Chili et le Pérou, entre le Venezuela et la Guyane ou entre la Guyane et le Surinam.

On ne peut enfin oublier de mentionner la question de Guantanamo, à Cuba, qui est devenue une possession nord-américaine en 1988 et est aujourd'hui utilisée comme camp de détention pour les prisonniers de la "guerre contre le terrorisme", initiée en 2011 par le président George W. Bush. Il s'agit d'un point de tension permanent entre les deux pays.

4. Considérations finales

Mesdames et Messieurs, j'ai gardé pour maintenant la réponse à la question que j'ai formulée au début de cet exposé, et qui est plus précisément le thème de cette conférence: L'Amérique Latine et l’horizon de la mondialisation – Parcours de marins ou de naufragés?

Comme je l'ai déjà mentionné, la situation en Amérique Latine a toujours subi les effets des intérêts des grandes puissances, depuis sa découverte par les Espagnols au XVème siècle. Elle n'a jamais eu de force politique pour imposer sa volonté sur la scène internationale, à part sur certaines questions ponctuelles. Si autrefois le rapport de forces était avant tout déterminé par la puissance militaire, actuellement l'économie, la connaissance et l'innovation jouent un rôle plus important. L'interconnexion des marchés a conduit à un phénomène curieux, selon lequel les pays impliqués dans ce processus commercial évitent les conflits armés pour ne pas entraver leurs affaires réciproques. En ce sens, la mondialisation pourrait être un chemin vers la paix et finir par représenter, ou encore plus que cela, signifier, un véritable vivre-ensemble international. Si cela ne dépendait que de la puissance militaire, l'Amérique Latine serait condamnée à rester à la remorque des grandes puissances, mais la mondialisation offre une opportunité pour transformer la région en l'un des principaux acteurs du XXIème siècle, en renforçant son potentiel de soft power.

Pour que ceci ait lieu, nous devons, en Amérique Latine, trouver des dirigeants qui sachent percevoir les tendances de la modernité, vers lesquelles le monde avance.

Nous ne saurions nous montrer ingénus et croire que les grandes puissances sont disposées à céder de leur espace. L'Amérique Latine doit envisager les opportunités qui sont devant nous et nous devons nous préparer pour celles-ci. Et la mondialisation est une grande vague d'opportunités, mais, si l'on n'y est pas préparé, elle peut se transformer en tsunami dévastateur, et alors nous courrons effectivement le risque de finir naufragés.

En ce sens, je rappelle ici les mots de Alvin Toffler, pour qui "l'unique espoir de fuir la misère et réduire les inégalités est d'habiliter les personnes à produire plus, et ceci n'arrivera qu'avec la diffusion de la connaissance".

Pour l'Amérique Latine, une voie possible dans cette direction est sans aucun doute celle de la biotechnologie, une alternative d'investissement bien moins onéreuse qu'un programme spatial ou même que la sidérurgie, par exemple. Et c'est une opportunité spécifique à l'Amérique Latine, qui pourrait former un consortium tourné vers le développement de la biotechnologie. L’Entreprise brésilienne de recherche agricole (Embrapa) – dispose d'un savoir-faire reconnu dans ce domaine et pourrait beaucoup contribuer en ce sens.

Tous les aspects de base de la mondialisation sont posés sur la table: flux commerciaux et transactions financières, mouvements de capitaux,  d'investissements et de personnes, et, plus encore, dissémination de la connaissance. En dehors de cela, les défis environnementaux, comme le changement climatique, la pollution de l'air et la surpêche océanique sont eux aussi liés à la mondialisation. De leur côté, l'importance croissante des nouvelles technologies - en tant que phénomène mondial - menace d'aggraver encore le fossé gigantesque qui nous sépare des pays développés.

Voici les facteurs auxquels nous devons être préparés. Comme je l'ai montré au long de mon exposé, l'Amérique Latine passe actuellement par un processus d'ouverture économique et d'intégration, depuis le début des années 90, en parallèle à la démocratisation de ses institutions politiques aujourd’hui, en proie à des crises et à des turbulences. Heureusement, le terrorisme - qui frappe pourtant d'autres régions du monde – n’est pas une menace constante à la paix et à la stabilité de la région, même s'il est source de préoccupations. L'accord de paix conclu entre le gouvernement colombien et les FARC est sans doute le symbole le plus fort de cette nouvelle ère en Amérique Latine.

Mesdames et Messieurs, la première étape a déjà été franchie.

À l’heure actuelle, il nous reste à approfondir ces voies, c'est-à-dire, à avancer vers l'intégration avec les pays de la région et aussi avec d’autres pays émergents, afin de profiter des avantages comparatifs dont nous disposons et additionner nos forces dans le jeu du pouvoir international. En même temps, nous devons faire en sorte que nos pays soient de plus en plus attractifs pour les investissements à long terme, dans des secteurs qui soient prioritaires pour nous, à l'exemple de ce qu'on fait les tigres asiatiques et même la Chine, devenue la grande pourvoyeuse actuelle de produits industrialisés. Ceci requiert stabilité politique et sécurité juridique, ce qui exige notre attention permanente.

Ainsi, dans le cas de l'Amérique Latine, le dépassement des entraves réside dans l'intégration entre les peuples, dans la réduction drastique des inégalités, dans l'effectivité de l'éducation universelle et dans l'efficacité du développement durable. En ce moment, ceci est le rôle à la fois fondamental et novateur du continent latino-américain.

Pour terminer, Mesdames et Messieurs, je souhaiterais rappeler les mots de Montaigne, qui affirmait que "Le monde n'est qu'une branloire pérenne". Ainsi, entre trajets par la gauche et raccourcis par la droite, le défi est de trouver la voie de l'équilibre et la centralité du balancier.

L'Amérique Latine paraît donc être dans la bonne direction. Si nous sommes marins ou naufragés, l’horizon nous le dira.

Merci beaucoup à tous!

AMÉRIQUE LATINE

 

lire aussi