Rapprochement Maroc-Višegrad (Hongrie, Pologne, Slovaquie et Tchéquie) vu par le russe Sputnik

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Les ministres des Affaires Étrangères du Royaume du Maroc, de Hongrie, de la République de Pologne, de la République tchèque et de la République slovaque, suite à la première Réunion V4 + Maroc, à Budapest le 6 décembre 2021

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Sputnik, agence de presse multimédia internationale lancée par le gouvernement russe le 2014 souligne qu’en pleine offensive diplomatique, le Maroc a mis le cap sur les pays d’Europe centrale où le chef de la diplomatie marocaine s’est rendu pour rencontrer ses homologues du groupe de Visegrád et s’interroge sur les raisons de cette visite et se demande pourquoi le Maroc a jeté son dévolu sur cette zone géographique?

C’est un rapprochement qui pourrait étonner si on devait l'apprécier à l'aune du nombre peu élevé de Marocains établis en Europe centrale, écrit le site russe dans sa version française, qui s’appuie dans son analyse sur le chercheur et professeur marocain de relations internationales à l'Université Ibn Tofaïl de Kénitra Azeddine Hannoun. Rappelant que le chef de la diplomatie marocaine, Nasser Bourita, s’est envolé pour Budapest où il s’est entretenu lundi 6 décembre avec ses homologues du Groupe de Visegrád, organisation intergouvernementale composée de la Hongrie, de la Pologne, de la Slovaquie et de la Tchéquie, avant de prendre part le lendemain à la réunion ministérielle V4+1.

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Réunion ministérielle V4+1 (Maroc) à Budapest le mardi 6 décembre 2021

Dans un format inédit, ce rapprochement s’inscrit tout d’abord dans la logique de la stratégie diplomatique marocaine déployée depuis quelques années consistant à diversifier les partenaires et ainsi réduire sa dépendance aux alliés traditionnels, précise l’auteur de l’article de Sputnik Mariam Maazouz. La période de turbulences traversée avec les poids lourds européens tels que l’Allemagne et l’Espagne sur le dossier du Sahara occidental, et dans une moindre mesure avec la France, sur l’affaire de la réduction des visas, semble avoir confirmé cette approche. C’est d’ailleurs dans cette perspective que la diplomatie marocaine s’active également à Londres, depuis le Brexit.

"Des intérêts communs"

Comment expliquer ce choix géographique ? Pour le chercheur et professeur de relations internationales à l'Université Ibn Tofaïl de Kénitra Azeddine Hannoun, approché par Sputnik, chaque "mini bloc géopolitique" possède ses propres intérêts : "les pays de l’Europe du Nord n’ont pas les mêmes intérêts que ceux du sud". Et les intérêts communs entre le groupe de Visegrád et le Maroc ne manquent pas. C’est ce qui ressort notamment du communiqué de la diplomatie marocaine à l’issue de cette rencontre: "Le Maroc et ses partenaires au sein du Groupe de Visegrád ont une forte détermination à renforcer leur coopération pour faire face aux défis communs, notamment en matière de lutte contre le terrorisme, l’immigration clandestine et le crime organisé transfrontalier".

Pour le professeur marocain, qui est aussi chercheur au Centre marocain des études stratégiques (CMES) :

"L’action du V4 se focalise principalement autour de la question migratoire, notamment suite à la grande crise de 2015-2016 qui avait secoué l’UE et qui avait poussé ces États à concevoir des dynamiques d’action en dehors même des institutions de l'Union". À ce titre, le chercheur pense que ce rapprochement s’explique par de réels points de convergence étant donné le rôle joué par le Maroc sur la question. Par ailleurs, cette visite s’inscrirait également dans une démarche "souveraine, rationnelle et réaliste", visant "à ancrer la présence marocaine dans la région", ajoute l’intervenant.

Autre volet non négligeable de ce rapprochement, celui de la coopération économique. Le positionnement stratégique du Maroc en fait une "porte d’entrée" sur le marché africain, au même titre que les pays de Visegrád représentent une "porte d’entrée" sur l’Europe centrale et orientale. Mais il faut aussi noter que cette visite intervient quelques semaines après un discours royal, prévenant qu’aucun accord économique qui exclut le "Sahara marocain", ne serait passé. Les pays de Visegrád seraient-ils disposés à coopérer sous cette condition ?

Sur les pas des États-Unis ?

"Certains États n’ont pas la capacité d’afficher des positions clairement établies par rapport à ce dossier. Les pays du groupe de Visegrád n’ont pas d’a priori, ni de positions tranchées sur la question du Sahara, ils ont même une certaine sensibilité historique par rapport aux phénomènes de séparatisme". À ce titre, ils pourraient être plus compréhensifs à l’égard de la position marocaine: "Ils n’ont pas de partis-pris ou d'intérêts opposés au Royaume qu’ils voient sûrement comme un interlocuteur crédible dans la sud-méditerranée".

Une posture qui se confirme à travers les différentes manifestations de soutien, comme en novembre 2020, lorsque plusieurs pays ont salué le rétablissement de la circulation à Guergarate par les Forces armées royales. À Budapest, la Hongrie a également confirmé son soutien à l’appel du Conseil de l’UE auprès de la CJUE suite à annulation des accords agricole et de pêche Maroc-UE, après le recours du Polisario.

Enfin, Peter Szijjártó a réitéré cette semaine son soutien à la proposition marocaine de Plan d'autonomie pour le Sahara occidental, présentée au secrétaire général de l’Onu en 2007 et "aux efforts entrepris par le Royaume pour le développement des provinces du sud", rapporte un communiqué du ministère marocain des Affaires étrangères. Autant de raisons et de signaux positifs pour le Maroc, qui espérerait sans doute voir ce rapprochement se concrétiser davantage par une reconnaissance officielle.

Les pays de Visegrád porteront-ils alors la cause nationale marocaine au plus haut niveau européen ? Le chercheur marocain rappelle que ce bloc de quatre pays, dont l’alliance historique (1991) précède la constitution de l’Union européenne (1993), est homogène et détient une certaine influence au sein de l’Union, malgré les points de divergences politiques avec Bruxelles. Il pourrait selon lui défendre les intérêts du royaume chérifien qu’ils soutiennent de façon croissante.

En attendant, conclut l’auteure, cette rencontre a permis de discuter des échanges économiques et commerciaux, de confirmer la tenue de la quatrième session de la Commission économique mixte, prévue à Budapest en mars 2022, et de la tenue d’un forum d’affaires en marge de cette commission. Un pas qui confirme par ailleurs les ambitions des opérateurs privés, notamment polonais, dont les hommes d’affaires prospectaient dans les villes de Dakhla et Laâyoune (…) au mois de septembre.

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