Sénégal: l'Assemblée nationale votent la suppression de la Cour de Répression de l'enrichissement illicite

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La Cour n'a pas "permis d'endiguer la criminalité économique et financière" et était décrié par l'opposition comme une juridiction créée pour les "mater".

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Dakar - Les députés de l'Assemblée nationale sénégalaise ont adopté, jeudi soir en session extraordinaire, un projet de loi supprimant un tribunal spécial anti-corruption, à savoir la Cour de Répression de l'enrichissement illicite (CREI).

Selon le gouvernement sénégalais, cette Cour n'a pas "permis d'endiguer la criminalité économique et financière" et était décrié par l'opposition comme une juridiction créée pour les "mater".

La Cour de répression de l'enrichissement illicite sera remplacée ainsi par un pool judiciaire financier (PJF) comprenant notamment un parquet "spécialement compétent" sur la criminalité financière et formé de magistrats spécialisés. Le Pool financier sera composé d'un Parquet financier, d'un Collège des juges d'instruction financiers, d'assistants de justice spécialisés, d'une Chambre de jugement financière, d'une Chambre d'accusation financière et d'une Chambre des appels financière.

Le projet de loi a été approuvé par 123 députés sur les 165 que compte l'Assemblée nationale.

Le ministre de la Justice, Ismaïla Madior Fall, a salué "un progrès juridictionnel" avec le PJF, un nouveau dispositif qui "modernise" la lutte contre la criminalité financière qui "s'est complexifiée" d'où, selon lui, des "difficultés" rencontrées par la Crei à cause d'un manque "de ressources humaines, de moyens et de magistrats spécialisés". La nouvelle loi doit être promulguée par le chef de l'Etat.

La CREI était décriée du fait de l'absence du double degré de juridiction. "Cette réforme permettra de renouer avec l'un des principes directeurs du procès pénal, en l'occurrence le principe du double degré de juridiction qui constitue une garantie fondamentale pour les droits de la défense et pour un procès équitable" a déclaré Ismaïla Madior Fall.

Le Pool financier ne peut être saisi que si le montant atteint 50.000.000. Le ministre de la Justice a expliqué que ''ce montant est fixé pour éviter que le Pool soit encombré par des questions d'escroquerie dont le montant n'est pas exorbitant".

" Avec cette réforme, notre pays va pouvoir se doter d’une juridiction spécialisée, arrimée aux standards internationaux, notamment l’instauration du double degré de juridiction qui est un principe directeur dans le procès pénal’’, a dit le ministre de la Justice.

‘’Elle permettra en outre de mieux lutter contre les infractions à caractère économique ou financier qui sont de plus en plus difficiles à poursuivre’’, a-t-il ajouté.

La quasi-totalité des députés intervenus se sont réjouis de la suppression de la Crei. Ceux de l'opposition ont critiqué une cour qui rendait une "justice politique".

Des parlementaires de l'opposition ont évoqué à cet égard les cas de deux figures de l'opposition, Karim Wade, fils de l'ancien président Abdoulaye Wade, et Khalifa Sall, ancien maire de Dakar, tous les deux empêchés de participer à l'élection présidentielle de 2019 à cause de leur condamnation par la Crei.

Karim Wade, fils de l'ex-président Abdoulaye Wade (2000 à 2012) a été condamné en 2015 à six ans de prison ferme pour enrichissement illicite. Ancien ministre d'État sous le régime de son père, il a été gracié en 2016 par le président Macky Sall, et vit depuis au Qatar.

Quant à Khalifa Sall, il a été reconnu coupable du détournement d'environ 2,5 millions d'euros des caisses municipales, et condamné en 2018 à cinq ans de prison. Emprisonné en 2017 et révoqué ensuite, il a recouvré la liberté en 2019, lui aussi à la faveur d'une grâce de Macky Sall.

La Crei avait été instituée par l'ancien président Abdou Diouf (1981-2000) en 1981.

 

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