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Tollé en Tunisie après des poursuites contre deux avocates des détenus politiques
Les deux avocates Islem Hamza et Dalila Msaddek, déférées devant l’instruction
Tunis - Les poursuites judiciaires engagées récemment contre deux avocats de la défense des détenus politiques en Tunisie ne sont pas passées inaperçues auprès des composantes de la société civile dans le pays, suscitant inquiétudes et craintes sur la multiplication des cas d’"arbitraire judiciaire" dans l’affaire dite de "complot contre la sûreté de l’Etat".
Plusieurs voix parmi la société civile et l’opposition tunisienne ont exprimé leur préoccupation, après que la Cour d’appel de Tunis ait autorisé, le 28 septembre dernier, de déférer devant l’instruction les deux avocates Islem Hamza et Dalila Msaddek, suite à leurs déclarations concernant l’affaire qui continue d’occuper le devant de la scène en Tunisie.
Dénonçant "une instrumentalisation de la justice pour éliminer les adversaires politiques", la Ligue tunisienne des droits de l’Homme (LTDH) a réclamé l’abandon des poursuites judiciaires engagées contre les deux avocates.
Ces poursuites, s’indigne l’ONG, constituent "un nouveau maillon dans la chaîne des violations répétées du droit de défense dans cette affaire, ainsi qu’une tentative de prendre pour cible le barreau".
Sur le même ton, le Comité pour le respect des libertés et des droits de l’Homme en Tunisie (CRLDHT) a fustigé le recours à "l’arbitraire judiciaire" qui "vise à présent les avocats de la défense des détenus politiques en Tunisie".
Le CRLDHT a réaffirmé son soutien aux avocats de la défense ainsi qu’à Me Hamza et Me Msadek et réclamé la libération de tous les détenus politiques et d’opinion.
Objet de plusieurs poursuites similaires, le comité de défense des détenus politiques a estimé que ces actions s’inscrivent dans le cadre "du harcèlement et de l’intimidation des membres du comité de défense".
Le comité de défense des détenus dont d’éminentes figures de l’opposition tunisienne a dénoncé ce genre de pratiques et a appelé l’Ordre des avocats de Tunisie à jouer son rôle et à défendre ses affiliés.
"Le comité de défense continuera à barrer la route aux dépassements et à mettre à jour les atteintes aux droits fondamentaux et les mesures contraires à la procédure", souligne-t-il dans un communiqué.
Le juge d’instruction près le pôle judiciaire antiterroriste avait émis une décision interdisant le traitement médiatique des dossiers en lien avec l’affaire dite "complot contre la sûreté de l’Etat", sous prétexte de "préserver le bon déroulement du cours de l’instruction et de protéger les données personnelles des parties faisant l’objet de l’enquête".
L’affaire de complot contre la sûreté de l’Etat a débouché en février dernier sur une large série d’arrestations d’hommes politiques, de figures de l’opposition, d’activistes de la société civile, de responsables de médias et de syndicalistes, suscitant une vague d’indignation de plusieurs ONG de défense des droits de l’Homme.
Dénoncées au niveau local et international, ces arrestations ont visé des figures politiques de premier plan du Front du Salut national et sa principale composante, le mouvement Ennahdha, poursuivies notamment pour leur implication présumée dans l’affaire dite de complot contre la sûreté de l’Etat.
Ce feuilleton judiciaire vient de connaître de nouveaux rebondissements après l’entrée en grève de la faim de plusieurs détenus dans ladite affaire, en signe de protestation contre "une mascarade judiciaire" qui perdure et qui "prive les prisonniers de leur liberté sans présenter les justificatifs des accusations émises à leur encontre".
Ce mouvement intervient en solidarité avec l’opposant Jawhar Ben Mbarek (Front de salut national) qui avait entamé une grève de la faim le 26 septembre dernier, pour protester contre ce qu’il qualifie également "de mascarade judiciaire", allusion faite à cette affaire.