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Cinéma, mon amour: ELEPHANT, UNE APPROCHE QUASI-DOCUMENTAIRE DE LA VIOLENCE AMÉRICAINE
Le film "Elephant" est une exploration intense et troublante de la violence dans la société américaine, devenue presque une réalité naturelle.
« C’est dans ma nature : quand je vois un système, j’ai immédiatement envie de le changer ».
Gus Van Sant.
Sorti en 2003 et présenté au Festival de Cannes où il a décroché la Palme d’Or ainsi que le prix du Meilleur Réalisateur, “Elephant“ de Gus Van Sant, considéré comme l’un des plus importants films de ce grand réalisateur, est basé sur le fait divers qui avait défrayé la chronique et bouleversé le monde en 1999 : la terrible fusillade de l'école secondaire Columbine aux Etats-Unis, au cours de laquelle douze étudiants et un professeur ont été froidement abattus par deux élèves adolescents !
L’histoire du film peut être résumée ainsi : Pendant une journée automnale dans un lycée américain, les élèves vaquent à leurs occupations habituelles : l’un prend des photos dans le parc, un autre arrive en retard, une troisième finit son entraînement sportif et rejoint la bibliothèque. Selon leurs habitudes, les élèves partagent leur temps entre cours, sports, jeux et diverses activités anodines. Pour chaque élève, le lycée est une expérience différente, riche et amicale pour les uns, solitaire, difficile ou même traumatisante pour d’autres. C’est une journée qui paraît bien normale, sauf que Alex, le souffre-douleur de la classe, et Eric, totalement ignoré par le proviseur, préparent un terrible événement qui va bouleverser la vie de ce petit monde tranquille.
LA VIOLENCE DANS LA SOCIÉTÉ AMÉRICAINE
Le film "Elephant" est une exploration intense et troublante de la violence dans la société américaine, devenue presque une réalité naturelle. Les événements du film s’inspirent vaguement, sans la nommer, de la tragique fusillade de l’école de Columbine aux Etats-Unis. Le film se distingue par son approche et sa mise en scène quasi-documentaire, mettant en valeur l'extrême violence qui imprègne la vie sociale américaine. Le titre "Elephant" dérive du proverbe anglais "the elephant in the room", symbolisant un problème évident que personne ne veut soulever. Gus Van Sant utilise ce concept pour présenter la violence dans les écoles américaines, un problème aujourd’hui majeur dans la société américaine contemporaine. La fusillade de Columbine en 1999 a été un événement charnière qui a sensibilisé l'opinion publique aux dangers des armes à feu et à la culture de la violence chez les jeunes.
L'approche narrative de Gus Van Sant est loin d'être conventionnelle. Le film suit plusieurs personnages, principalement des adolescents, dans les heures précédant la tragédie. La caméra suit les personnages dans de longues prises continues, souvent répétitives et en temps presque réel. Cette technique, bien que désorientante, permet de plonger le spectateur dans le quotidien banal des élèves, rendant l'imminence de la violence encore plus choquante. Les personnages principaux, chacun avec leurs propres trajectoires et histoires, sont souvent montrés sous différents angles et à des moments différents de la journée. Cette approche de narration non linéaire crée une mosaïque d'événements qui, intelligemment rassemblés, composent un tableau complexe et nuancé de la vie dans un lycée américain typique.
Il faut aussi noter que cette approche quasi-documentaire de Gus Van Sant, est accentuée par l’utilisation délibérément choisie d’acteurs non professionnels ainsi que des dialogues improvisés pour créer une authenticité naturelle. La caméra, souvent à hauteur des yeux, suit les personnages de près, créant une intimité intense entre eux et le spectateur. Ce type d’approche et de réalisation permet au spectateur d'observer sans jugement, sans musique intrusive ni narration explicative pour influencer les émotions.
UNE NARRATION FRAGMENTÉE
La narration fragmentée adoptée par Gus Van Sant a réussi à bien refléter toute la diversité de personnalités et de dynamiques sociales dans un environnement scolaire. Nous rencontrons des étudiants comme Eli, le photographe passionné, John, le jeune homme calme et réfléchi, et Michelle, la fille introvertie. Chacun d'eux, avec leurs préoccupations quotidiennes et leurs interactions sociales, représente la complexité de la vie adolescente.
Dans ce cadre de grande diversité, les longues prises et les mouvements lents de la caméra augmentent le sentiment de tension et d'appréhension. Le cadre riche en détails et les dialogues discrets renforcent l'impression de réalité, rendant les scènes finales de violence encore plus percutantes. Cette méthode immersive encourage les spectateurs à s'interroger sur les événements et leurs causes, plutôt qu'à simplement réagir aux images de violence.
L'un des thèmes centraux de "Elephant" est la violence et son omniprésence dans la culture américaine, et ce sont bien les personnages d’Eric et Alex qui incarnent la plus grande menace. Ces deux jeunes hommes planifient et exécutent la fusillade, exposant leurs troubles intérieurs et leur aliénation. Le film ne cherche pas à justifier leurs actions mais à montrer comment une série de facteurs, y compris l’intimidation, la violence et l'isolement social, peuvent aboutir à des actes de violence extrême. Sauf que Gus Van Sant ne fournit pas de réponses ou de solutions directes, mais il pose des questions troublantes sur les causes sous-jacentes de la violence des jeunes.
Cependant, le film a suscité beaucoup de débats et de controverses. Certains ont critiqué le réalisateur pour ne pas fournir de réponses claires ou de solutions, tandis que d'autres lui ont reproché de traiter un sujet aussi grave sans suffisamment de profondeur socio-politique. L'absence d'explication ou de moralisation a été vue par certains comme une lacune, bien que d'autres y aient vu une force, considérant que Gus Van Sant laisse au spectateur le soin de tirer ses propres conclusions.
FILMOGRAPHIE DE GUS VAN SANT (LM)
« Mala noche » (1985) ; « Drugstore » (1989) ; « My Own Private Idaho » (1991) ; « Even Cowgirls Get the Blues » (1993) ; « To Die For » (1995) ; « Good Will Hunting » (1997) ; « Psycho » (1998) ; « Finding Forrester » (2000) ; « Gerry » (2002) ; « Elephant » (2003) ; « Last Days » (2005) ; « Paranoid Park » (2007) ; « Harvey Milk » (2008) ; « Restless » (2011) ; « promised Land » (2012) ; « The Sea of Trees » (2015) ; « Don’t Worry, He Won’t Get Far on Foot » (2018).