L’après-pandémie : Hypothèses géopolitiques

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Diverses hypothèses géopolitiques plaident pour une recomposition planétaire après la pandémie.

Le confinement de deux milliards d’individus a eu pour effet, un brutal ralentissement de l’économie mondiale. Les grandes puissances sont, aujourd’hui, amenées à repenser leurs stratégies industrielles et commerciales. Les effets d’annonce, que l’on constate, de-ci de-là, sont destinés à amadouer des populations angoissées par la crise sanitaire.  De nombreux pays promettent de tout faire pour moins dépendre de la Chine. Mais les reconfigurations à venir dépendront surtout de la guerre froide décidée par Washington à l’égard de la Chine.

Le modèle économique a résisté à la crise financière qui a frappé le monde en 2007.  Par contre, l’autorité internationale de Washington en est ressortie affaiblie. Cette fois-ci, le leadership américain a été nettement compromis, avec la pandémie due au covid 19.  La Chine, un État en fort développement, a su tirer profit d’une crise inédite.

 Par contre, une administration Trump dépassée et un système économique et social défaillant, ont fait subir à l’Amérique d’immenses dommages.

La crise a accéléré le rééquilibrage Occident-Asie. Mais les nombreux points vulnérables des Etats-Unis et de la Chine font qu’un basculement n’est pas pour l’immédiat. Va s’imposer une restructuration du système capitaliste, condamné à être plus social et soucieux de l’environnement. Mais les rivalités Est-Ouest vont s ‘exacerber.

Le virus a plongé l’économie mondiale dans une paralysie inquiétante. La décroissance dépasse les rêves les plus fous des écologistes, pour un temps. En économie, rien n’est jamais figé. La question est de savoir si l’après ressemblera à l’avant, ou pas. Retour au statu quo ante ou passage à autre chose ?

La mondialisation néolibérale est un besoin du modèle économique libéral actuel. L’épuisement du modèle keynésien laisse peu d’espoir de profits dans les pays développés.  Les salaires élevés poussent les industries à forte intervention humaine et à faible valeur ajoutée, vers les pays à bas coût de main-d’œuvre, conçus comme sous-traitants. Les pays industriels se concentrent alors sur les services, les industries militaires, les secteurs de pointe à forte valeur ajoutée et l’agriculture. Fortement désindustrialisées, ces pays développés, passent par une mutation de la classe ouvrière vers un corps de cols-blancs, hautement qualifié et spécialisé.  Nombre d’employés sont laissés sur le bord de la route, souvent trop vieux pour s’ouvrir aux nouvelles technologies. L’émigration des emplois industriels et la précarisation des autres, font baisser le pouvoir d’achat, lequel doit être soutenu par le crédit. C’est le drame des classes moyennes des pays développés, qui voient leur niveau de vie baisser. La sphère financière prospère et le consumérisme qui permet d’acheter la paix sociale, sont sauvés en attendant les futures générations, conformes au nouveau modèle économique et social.

Le système aujourd’hui, tourne à crédit et va de bulle en bulle au gré des échafaudages astucieux des magiciens de la finance. La crise de 2008 avait donné l’alerte, en pure perte.  Une injection massive de liquidités avait permis de recapitaliser les banques par qui le mal était arrivé et on avait espéré ainsi que tout allait continuer comme avant, jusqu’à la prochaine bulle. États, entreprises et particuliers sont, aujourd’hui, très endettés. Cet endettement est insoutenable à long terme. Plutôt que les banques, ce sont les entreprises et les particuliers qu’il faudra d’urgence sauver en 2020.

En Europe, des dirigeants utopistes, chantres de la mondialisation heureuse, évoquent maintenant la relocalisation des entreprises. Les conditions ayant amené les industries à délocaliser sont toujours là, même après la pandémie, en outre les conditions d’une réindustrialisation sont inacceptables pour le monde du travail occidental : elle amènerait inéluctablement une dévalorisation du prix du travail et une baisse du niveau de vie, conditions qui ne peuvent que déclencher des troubles sociaux. La renationalisation des économies exigerait la nationalisation des entreprises, propriétés privées obéissant à la loi du profit, donc portées à mondialiser. La relance, elle, passe par la construction d’infrastructures publiques sous la houlette des États. Dans tous les cas, une remise en question du « paradigme » libéral s’imposera. Faute de quoi, la secousse passée, on reviendrait à la mondialisation pré-COVID-19, ce qui va le plus certainement se passer.

Nonobstant une idée reçue, la mondialisation néolibérale n’évacue pas l’État. Il fait office de relais de pouvoirs supranationaux plus à même d’épauler la mondialisation. Sa souveraineté est soumise à des amputations au nom de l’interdépendance et de la « gouvernance » globale. Cela dit, on a toujours recours à lui en temps de crise.  C’est ce que l’on constate : le retour, pour combien de temps, de l’État Providence, comme il l’a été en 2008.

Le fait nouveau en 2020 est qu’il récupère des parcelles de souveraineté. En Europe, il fait passer à la trappe les limites communautaires sur les déficits budgétaires et la dette publique. Les États rentreront-ils dans le rang dès que la pandémie sera surmontée. ? La réponse dépendra des rééquilibrages internationaux.

La crise de la COVID-19 est devenue un moment important dans la lutte pour l’hégémonie mondiale entre les États-Unis et la Chine. Contre toute attente, la mondialisation dominée par les Américains tourne à l’avantage de la Chine. Cette dernière conserve son indépendance, se fait l’atelier du monde et remonte la chaîne de valeur et la gamme technologique. Alors que les économies occidentales stagnent, celle de la Chine croît, portant son PIB au niveau américain. Désormais rivale, la Chine fait l’objet d’une pression que Trump intensifie. Sa rhétorique antimondialiste recouvre, en réalité, une volonté de réaffirmer la prédominance américaine dans la mondialisation. Mais l’efficacité de la Chine fait contraste avec l’incurie et l’amateurisme de Washington. Les Américains qui se sont toujours érigés en modèle, révèlent avec cette crise, de flagrantes insuffisances. Loin d’aider leurs alliés, les États-Unis les inquiètent. La crise est en train de rapprocher la date du transfert de la primauté dans le monde. Les États qui réapprennent les rudiments de la souveraineté, auront moins tendance à rester dans le giron américain. 

Toutes ces observations amènent à penser que demain, cela va être les années de la Chine.

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